Les cahots du fiacre exacerbaient la brûlure qui sévissait dans son dos. Chaque minute un peu plus insupportable que la précédente.
Lizzie gémit. Là, dans l'obscurité de la voiture aux rideaux tirés malgré la nuit qui s'était installée, dans la solitude sombre et poisseuse et douloureuse qui l'entourait, pliée en deux, elle laissa les larmes couler. Oh, elle n'était pas seule. Pas entièrement. De l'autre côté des panneaux de bois laqué, de l'autre côté des portières estampillées de la rose ardrasienne, elle entendait une cavalcade. Son escorte. Ses geôliers.
Le carrosse s'arrêta.
Elle eut à peine le temps de se redresser que la portière s'ouvrait déjà. Une silhouette vêtue d'un uniforme bleu – un moment, un moment terrifiant, elle crut qu'il s'agissait d'Ambroise. Mais l'homme lui était parfaitement inconnu, et lorsqu'il l'attrapa par le bras pour la tirer hors de la voiture, sa poigne fut douce. Elle nota cependant, dans la confusion qui l'étreignait, le pistolet qu'il tenait dans sa main libre.
— Dépêchez-vous, madame. Il n'est pas prudent de s'attarder dehors.
Lizzie cligna des yeux, aveuglée par là lumière trop vive. Elle se trouvait devant la maison de Clervie.
L'homme ne l'accompagna pas plus loin. Il se contenta de lui indiquer la porte d'un geste péremptoire.
Lizzie obtempéra. Car qu'aurait-elle pu faire d'autre ?
Elle gravit le perron – chaque marche une montagne à franchir. Elle haletait, des tâches noires dansant devant ses yeux. Ses jambes menaçaient de céder à chaque pas. Son dos était en feu, son cœur douloureux, sa conscience au bord de l'abîme.
Son poing frappa la porte. Une seule fois.
Avant que ses genoux ne se dérobent sous elle.
Elle n'eut pas le temps de tomber ; la porte s'ouvrit brutalement et des bras l'empêchèrent de heurter le sol. Elle croisa le regard ambré de Hammond Trygve.
— Élisabeth, souffla-t-il.
Et elle laissa les ténèbres la rattraper.
***
Elle s'éveilla dans un hurlement de douleur. Le feu qui la brûlait ne pouvait s'éteindre. Inextinguible, comme s'il eût été forgé là où s'épanouissaient les entrailles du monde, incandescentes.
— Lizzie !
Un instant, un instant terrifiant, elle crut entendre la voix d'Ambroise. Mais ce n'était pas lui ; ce n'était pas lui. Lizzie mordit son oreiller humide – larmes, sueur, elle n'en savait rien, mais elle savait une chose : elle avait froid et elle avait mal.
Elle voulait que cela s'arrête.
— Faites-la disparaître, sanglota-t-elle en ardrasien. Je vous en supplie, faites-la disparaître...
— Iċ ne understande. Je ne comprends pas, Élisabeth.
Elle ne parvenait pas à rassembler ses esprits. Du fin fond de sa conscience où elle s'était retranchée, elle esquissa quelques mots de wallend sur ses lèvres.
— Faites-la... disparaître.
Hammond posa une main fraîche sur sa joue.
— Je m'en occupe. Dormez.
Lizzie acquiesça et ferma les yeux.
Il y avait longtemps, fort, fort longtemps, le sommeil était son allié le plus précieux. Il effaçait les peines, engloutissait l'esprit dans une torpeur réparatrice. Dans les songes, il n'y avait que de la quiétude, et même les cauchemars finissaient par se dissoudre, emportés par le temps.
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La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en Haut
Fantasy[Tome 2] Au Pays d'en Haut, la guerre menace. Lizzie, affaiblie par la colère du dieu sombre, a quitté Fort-Rijkdom. Elle ne pourra échapper éternellement au sort qui l'attend, comme à ceux qui la poursuivent. Le temps est compté, et chaque seconde...