Chapitre 61 - Le duel

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Lizzie gardait fermement la main d'Ambroise dans la sienne. Elle était réelle et chaude entre ses doigts, familière, rassurante.

À travers les fenêtres de la prison, la nuit ponctuée de déflagrations planait sur Fort-Rijkdom. Lizzie ignorait au juste combien de temps elle avait passé en captivité. Les ténèbres inlassables qui l'avaient environnée ne lui avaient pas permis de compter les jours, et il lui paraissait qu'une éternité s'était écoulée. Mais à en juger par la faiblesse de ses membres, elle n'avait rien avalé depuis un long moment. C'était sans compter la douleur sourde qui pulsait dans sa tête, vestige de son combat contre Ambroise. Elle avait au moins la satisfaction de le voir lui-même ponctuellement grimacer. Ambroise la stabilisait quand elle trébuchait, et elle faisait de même avec lui presque autant de fois lorsqu'il chancelait.

Ils avaient gravi une volée de marches, puis une autre, et Lizzie avait rapidement perdu le fil de leur progression. La garde avait déserté l'édifice pour se porter à la rencontre des partisans de Belvild. Le passage jusqu'aux quartiers où étaient retenus Jan et Hammond était dégagé et Ambroise leur accordait le luxe de s'arrêter pour reprendre leur souffle. Néanmoins, il gardait sa main libre sur la crosse de son arme, et il avait glissé à Lizzie le couteau qu'il dissimulait dans sa botte – seulement en cas d'extrême nécessité, lui avait-il dit. Lizzie n'avait pas l'intention d'ajouter un meurtre de plus à la liste des charges qui pesaient contre elle.

— Nous y sommes presque, lança Ambroise lorsqu'ils atteignirent un large vestibule.

Si Lizzie n'avait pas haï ce bâtiment du plus profond de son être, elle aurait certainement été bouchée bée devant la splendeur des lieux. Nichée entre les colonnades, une dizaine d'alcôves peintes dévoilaient des statues de d'or et d'ivoire. L'ensemble, grandiose et massif, était surmonté de vitraux qui s'élançaient vers une coupole dorée. Il était difficile de croire qu'ils se trouvaient dans une prison.

— Presque ?

Mais elle ne put entendre la réponse d'Ambroise.

Une silhouette jaillit de derrière une colonne. Lizzie reconnut Jan avant même d'apercevoir son visage. Mais lorsqu'elle voulut s'élancer vers lui, la poigne d'Ambroise broya son poignet et la retint.

Ce fut alors qu'elle le vit. Jan braquait un pistolet sur Ambroise.

Derrière elle, elle entendit ce dernier tirer à son tour son arme. D'un coup d'œil, Lizzie s'assura qu'il ne pointait pas son arme vers Jan. Et elle ? Elle se trouvait entre eux. Et dans le regard de Jan, il y avait une telle colère, une telle haine, en vérité, que son sang se glaça dans ses veines.

— Lâchez-la, ordonna-t-il. Immédiatement.

La dureté de sa voix était inédite. Aussi tranchante qu'une lame, aussi inflexible que l'acier. Et dans ses prunelles sombres, une détermination san faille. La peur mordit son ventre.

Lizzie serra un peu plus fort la main d'Ambroise. Et raffermit sa prise sur la lame qu'il lui avait prêtée. Juste au cas où.

— Jan, ce n'est pas ce que vous... commença-t-elle.

Elle ne put terminer sa phrase. Ambroise la poussa brutalement, l'envoyant valser au sol. Lizzie se réceptionna douloureusement sur le marbre, juste à temps pour voir Ambroise se redresser et faire un pas vers Jan.

Mais ce fut Jan qui tira, les traits déformés par la rage. Le coup partit, frôlant le bras d'Ambroise avant de faire voler en éclats une statue. Mais il ne leva pas son arme vers lui.

— Non ! cria Lizzie.

— Je ne le laisserai pas vous faire du mal !

— Ne soyez pas stupide, rétorqua Ambroise d'une voix cassante. Si j'avais voulu faire du mal à Lizzie, elle ne serait pas ici et vous seriez déjà mort.

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant