Chapitre 31 - Le marché

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Lorsque Lizzie se réveilla, les ténèbres l'entouraient toujours.

Elle crut un instant qu'on lui avait bandé les yeux. Mais non. L'endroit où elle se trouvait était simplement plongé dans l'obscurité la plus totale. Pas de fenêtres. Un sous-sol, probablement.

Autrefois, elle aurait usé de son cræft pour tenter de distinguer son environnement. Mais à présent, elle était aussi impuissante qu'un nouveau-né.

Maintenant qu'elle y prêtait attention, des relents d'humidité flottaient dans l'air. De temps à autre, une goutte d'eau s'écrasait sur le sol.

Lizzie s'humecta les lèvres. Elle avait soif. Surtout, l'absence du cræft s'était rappelé à elle, et avec elle le manque, viscéral, cruel. La krafjane. Depuis combien de temps n'en avait-elle pas ingéré ? Au moins depuis le départ d'Ambroise – il avait emporté la bourse avec lui.

Il y eut un bruit métallique.

Puis une vive lueur frappa sa rétine, assortie d'un grincement grave.

Une silhouette d'homme se découpa dans l'embrasure de la porte, puis celle-ci se referma. Lizzie n'avait pas besoin de son pouvoir pour entendre le bruit de sa respiration, le son de ses pas. Elle les suivit à mesure qu'ils se déplaçaient vers elle. Cela lui parut interminable.

Elle n'avait jamais écouté avec autant d'intensité.

— Madame.

Lizzie sursauta. Elle connaissait cette voix ; c'était celle de Carlton Belvild.

Comme pour confirmer ses pensées, une lampe à cræft s'alluma à sa droite. La jeune femme jeta un coup d'œil en sa direction. Elle était fixée à un mur de pierre, à un mètre d'elle. Tout en laissant son regard accrocher celui de Belvild – deux yeux bleus qui la regardaient avec une malice non dissimulée –, elle jaugea l'endroit où elle se trouvait. Une pièce étroite, en longueur, aux murs suintant d'humidité. Lizzie se trouvait en son centre, contre le mur du fond.

— J'ai cru comprendre, poursuivit l'homme, que votre cræft était désormais... défectueux. J'en suis navré.

Lizzie serra les dents. Comment... Jan. Hammond Trygve.

Elle sentit une flambée de haine balayer sa peur.

— Épargnez-moi vos civilités. Vous aller me livrer à la garde en espérant que cela vous sauve de la pendaison.

On dit que la meilleure défense est l'attaque, lui avait un jour dit Ambroise.

Mais rien n'est plus faux, avait-il rajouté. Une rose n'attaque pas. Elle guide l'adversaire imprudent vers son piège.

En ce moment, elle haïssait Ambroise et ses maudits conseils. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait faire.

Ils saigneront sur vos épines, Lizzie. Laissez-les venir.

— Je ne suis pas là pour vous livrer à la garde. Je suis ici pour vous proposer un marché.

Lizzie eut un rire. La meilleure défense est l'attaque. Elle se fichait bien des laïus d'Ambroise. Elle avait perdu ses épines depuis longtemps. Elle était là, mise à nue – plus le moindre rempart ni la moindre arme.

— J'ai été enlevée, et je suis attachée. Ce n'est une façon de traiter une personne à qui l'on propose un marché.

— Vous êtes trop dangereuse pour que je ne prenne pas quelques... mesures de sécurité.

La peur revint au galop. Ses épines, Belvild les connaissait ; pis, il les voyait encore. Non pas qu'elle ne pouvait l'en blâmer : après tout, il avait tâché d'en tirer profit, et il s'y était piqué. Mais Lizzie n'avait pas réussi à faire couler son sang. Et Belvild n'avait pas oublié. Ce soir-là, au Burgsæl, elle avait failli le faire tomber ; faillit seulement. Elle ne pouvait pas le duper comme elle dupait les autres.

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant