Chapitre 56 - La dernière danse

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Au milieu de son masque couleur de nuit, les yeux bleus d'Ambroise lacérèrent son âme, et, malgré elle, Lizzie buta contre la table. Elle ne put manquer le regard inquiet que lui jeta Lars Maarten, mais elle le rassura d'un hochement de tête imperceptible.

Reprenant ses esprits et retrouvant ses bonnes manières, elle effectua une brève révérence, qu'Ambroise lui rendit avec tant de raideur qu'elle en eut le souffle coupé.

— C'est mal me connaître, répondit-elle.

— En effet. Je crains que vous ayez perdu tout sens commun.

— La vengeance conduit à ce genre d'extrémités.

Ambroise eut un rictus, avant de se tourner vers son cavalier.

— Monsieur Maarten de la Compagnie du Commerce, je présume.

— Lui-même.

— Après toutes ces années, je dois avouer que je ne m'attendais guère à vous revoir.

Lizzie tressaillit. L'homme à la plume verte. Ambroise connaissait certainement son nom, depuis toutes ces années, et il n'avait jamais daigné le lui donner.

— Et encore moins devenu le second époux de ma très chère sœur qui est, décidément, pleine de surprises.

Lizzie serra les dents. Ambroise désigna d'un discret mouvement du menton la coupe qu'elle tenait dans sa main.

— Vous ne buvez pas ?

Lizzie cilla. Il voyait pertinemment qu'elle avait bu une gorgée.

— Non, répondit-elle.

— Comme c'est dommage, ce champagne est excellent. Craignez-vous donc d'y trouver du poison ?

Il avait vu. Il avait vu son geste, et il le lui signifiait de la plus indiscrète des manières. Lizzie planta ses yeux dans les siens.

— Non, cela ne serait simplement pas prudent, rétorqua-t-elle. Pour le bébé.

Cette fois, Ambroise faillit s'étouffer avec sa gorgée de champagne. Il se ressaisit bien vite. Maarten, lui, cacha son rire derrière un toussotement, qui s'arrêta net lorsque Ambroise le fixa du regard.

— Des félicitations sont de mise.

— Qui sait, néanmoins, susurra la voix d'Ascelin de Glaves dans son dos, quand vous aurez l'occasion d'en goûter à nouveau.

Lizzie sursauta et resserra son emprise sur la coupe, si fort qu'elle craignit de la briser.

— Monsieur.

Le Haut-Régent la contourna et s'inclina face à elle.

— Madame. Je suis charmé de vous revoir.

Lizzie ravala la remarque acerbe qui grimpait dans sa gorge et tendit sa main. Elle força un sourire sur ses lèvres, mais ne put formuler le moindre mot. Après un temps d'arrêt – se souvenait-il de la façon dont, quelques semaines plus tôt, en ces lieux-mêmes, il l'avait obligée à embrasser sa chevalière ? –, Ascelin de Glaves baisa le joyau qui ornait son doigt. Elle pria pour qu'il ne vît pas que ses doigts tremblaient. Mais elle sut qu'Ambroise, lui, les avait aperçus, car il se raidit plus encore.

— J'ajouterai, poursuivit le Haut-Régent, que je suis surpris de vous voir en ces lieux.

— Pourquoi donc ?

— Vous pouvez me tuer. Moi, et Ambroise. Vous ne ressortirez pas de cette salle vivante. Et pourtant, vous persistez. C'est à se demander pourquoi vous n'avez pas accepté votre sort et rejoint le royaume du dieu sombre lorsque vous en aviez l'occasion.

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant