Chapitre 6 - Une lame et une promesse

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Quatre ans plus tôt


Lizzie ouvrit les yeux.

Et le monde se réduisit à la lame qui fusait droit vers elle.

L'éclat d'argent dans la lueur de la pleine lune.

La peur qui explosait et hurlait dans tout son être.

Un instant.

Avant que ses doigts ne se referment sur un poignet — un poignet d'homme.

De sa main libre, elle s'échappa de la gangue de ses draps. De son cræft, elle força ses yeux percer les ténèbres. Elle repoussa son assaillant – son visage était flou dans la pénombre, mais elle le voyait désormais.

Mais le bras, trop fort, continuait d'avancer vers sa jugulaire. Le fil de l'arme mordit sa chair. Brûlure vive.

Un autre souvenir – les flots sombres du canal.

La peur se mua en quelque chose d'autre. Une perception accrue, une concentration si extrême qu'elle s'en oublia elle-même.

Il y avait une lame à quelques centimètres de sa gorge. Un danger mortel.

Elle lui asséna un coup de pied. Mais loin de propulser l'homme loin d'elle, il l'entraîna avec elle au sol.

Son front heurta le parquet. Une constellation de taches vives dansait devant ses yeux.

Sonnée, elle se retourna sur le dos pour faire face à l'homme, qui brandissait sa lame au-dessus d'elle. Un arc-de-cercle parfait droit vers son cœur.

Avec un cri de terreur pure, elle attrapa son avant-bras. Juste à temps.

Le cræft afflua dans ses doigts, se répandant au bras de l'homme qui s'amollissait de seconde en seconde. Ses yeux, déjà, papillonnaient sous l'action de son don, mais il ne lâchait pas son arme.

Elle avait une conscience aiguë du poignard qui frôlait sa poitrine. Du regard de l'homme, quoique vitreux, fixé sur elle en une expression déterminée – il était vide de tout remords ; rien que la froideur de la mort qu'il lui promettait.

L'angoisse lui avait coupé tout souffle, et son cœur hurlait et hurlait, à quelques centimètres à peine de la pointe de la lame. Mais elle refusait de mourir ; elle le refusait. Elle intensifia son don. Qui devint une tempête, brutale.

Comme une flamme mouchée par le vent, l'homme s'écroua sur elle. Elle attrapa le poignard juste avant qu'il ne le lâche. Le fil de la lame mordit sa paume.

Son corps était lourd. Elle en sentait le moindre relief, et il l'écrasait plus sûrement qu'une chape de plomb. Mais elle n'osait pas défaire son emprise de son bras, elle n'osait pas l'écarter d'elle. Elle n'osait pas suspendre le flux de son cræft.

Lizzie cilla. Revint doucement à elle, le voile de cræft et d'adrénaline qui maculait sa vision se dissipant.

Le silence qui planait sur le dortoir était incroyablement dense.

Elle ne percevait que les battements de son cœur, incroyablement douloureux.

Quelqu'un avait allumé une lampe.

Elle tourna la tête.

Les autres pensionnaires la regardaient, choquées. Madame Constance était apparue sur le seuil.

Ce fut elle qui s'avança vers elle, et l'aida à se dégager.

Lizzie resta là, à genoux, ses doigts crispés sur le bras de l'homme. Elle savait que si elle le lâchait, il se réveillerait. Il était à peine inconscient. Elle était trop épuisée pour le plonger dans les profondeurs du sommeil. Et que ferait-elle, s'il ouvrait les yeux ?

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant