Chapitre 4

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Les jours suivants sont tendus à la maison. Papa m'accompagne tous les jours au lycée avant de partir travailler et maman vient me chercher à la fin des cours. Je ne comprends pas et cela m'inquiète et m'agace en même temps. Ce midi, je déjeune avec Léa qui me regarde avec une expression inquiète.

« Quand tu fais ça, tu ressembles à un chiot curieux. » rit ma meilleure amie en redressant ma tête.

Elle se moque toujours de moi quand je penche la tête sur le côté, montrant que j'attends une explication ou que quelque chose m'intéresse.

« C'est mignon un chiot. Pas autant qu'un chaton ou un nounours mais c'est mignon. »

« Pas autant qu'un nounours... Une telle phrase ne peut venir que de toi. »

Je pince mes lèvres en un sourire en jetant un rapide coup d'œil à la personne frôlant notre table. Léa claque des doigts pour me ramener dans la conversation.

« Ho hé ho hé ! Capitaine abandonné ? »

« Hin quoi ? Tu as dit quelque chose ? »

« Toujours dans la lune. Je te demandais ce qui te tracasse depuis quelques jours. »

« Je ne sais pas. »

« Allez je te connais depuis le collège, je sais que tu mens. » insiste-t-elle.

Mais la vérité est bien là. Je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe autour de moi. Pendant que nous mettons nos plateaux sur le tapis roulant vers la cuisine, je lui raconte ce que je sais et la regarde se décomposer au fur et à mesure. Nous nous rendons à nos casiers pour récupérer nos cahiers pour les cours de l'après-midi.

« Ah enfin je te trouve ! Tu peux m'ouvrir le casier s'il te plaît ? » demande mon amie avec qui je partage mon casier.

« Tu as encore laissé tes clés à l'intérieur ? »

« Oui. Maintenant arrête de te moquer et ouvre ! »

« Oui maîtresse ! »

J'entends Léa rire derrière moi pendant que j'ouvre le cadenas et que j'attrape mes livres en prenant soin de garder mes clés dans la main. Ma meilleure amie m'attend patiemment un peu plus loin et je rejoins sur l'herbe de la cour. Nous reprenons notre discussion tout en faisant un véritable effort pour mettre les bons mots sur ce que je ressens et vis.

« Je ne comprends pas mais cela explique le comportement de ta mère au travail. »

Elle se rend compte trop tard de ces paroles et continue sur sa lancée.

« Ma mère m'a dit que la tienne est plus qu'inquiète et en colère au travail. Qu'elle a l'air de surveiller autour d'elle comme une paranoïaque. Je sais aussi qu'une personne est venue la voir sur le parking... »

« Une personne ? Une dame ? »

« Je ne sais pas mais d'après plusieurs collègues qui étaient présentes à ce moment-là, ce n'était pas une discussion posée. »

Je lève un sourcil pour lui indiquer de continuer.

« Apparemment, il y a eu des cris et quelques bousculades. Ta mère l'a traité de grosse conne avant de dire que tu étais à elle, ce qui n'a fait qu'accentuer le rire de l'autre. »

Mes poings se serrent inconsciemment en entendant ces nouvelles informations et Léa n'est sauvée de mon explosion de colère que par la sonnerie du début des cours. La leçon d'anglais avec elle est la seule de l'après-midi où je parviens à rester concentrée. Les autres m'ennuient.

A la fin de la journée, maman m'attends devant la grille comme chaque jour depuis ma rencontre avec cette inconnue que mes parents haïssent. Nous rentrons à la maison et j'ouvre la boîte aux lettres pour récupérer le courrier qui dépasse. Entre les publicités, je remarque de grandes enveloppes blanches. Je n'ai pas le temps de voir de quoi il s'agit car maman me les arrache des mains et les ouvrent immédiatement. Sa main froisse le papier avec violence, fermant ma bouche instantanément. Cette scène est devenue quotidienne. Mais cette fois, une enveloppe échappe à sa poigne. Elle la regarde avec horreur comme si elle savait déjà ce qu'elle contenait.

« Rentre. » m'ordonne-t-elle en me défendant de dire quelque chose.

Je monte dans ma chambre poser mes affaires. Avant de commencer mes devoirs, je m'avance discrètement vers la fenêtre du salon asiatique d'où je peux apercevoir maman toujours à la même place, l'enveloppe blanche semi-ouverte. Elle doit être au téléphone et je comprends qu'elle parle à papa.

« Ils ont osé... » s'effondre maman.

J'ignore totalement l'ordre qu'elle m'a donné quelques minutes plus tôt et me précipite dans le couloir avant de descendre les escaliers quatre par quatre pour voir comment elle va. Anticipant mon geste, maman avait déjà rangé le papier dans son sac.

« Maman ! Tu vas bien ? »

Maman ne répond pas et se contente de se relever. Elle me prend dans ses bras et me serre fort contre elle. Je sens ses yeux pleurer de chagrin pendant qu'elle me murmure les mêmes mots à répétition depuis plusieurs jours :

« Tu es notre fille. »

Le soir après le dîner, papa s'isole avec les papiers que maman lui a donné.

« Les connards de merde ! Je les aurais ! »

Quand il sort du bureau informatique, je ne l'ai jamais vu aussi déterminé qu'à ce moment.

« Papa ? »

« Tout ira bien. » me dit-il.

Ces mots rassurants ont l'effet inverse sur moi. Je veux savoir ce qu'il se passe.

Les jours suivants la routine reprend. Les cours, papa m'emmenant le matin et maman venant me chercher le soir... Au lycée, je fais tout pour maintenir mes notes qui baissent légèrement mais je parviens tout de même à rester autour de quinze de moyenne. Malgré tous mes efforts pour cacher ce qu'il se passe dans ma famille, mes professeurs s'inquiètent. Ma professeure de français de seconde, avec qui je suis restée assez proche, a tiré la sonnette d'alarme en lisant en moi. La prochaine personne à venir prendre de mes nouvelles est ma professeure de mathématiques qui était mon enseignante principale l'année dernière. Les autres suivirent dont l'enseignant principal de ma classe. Ils m'ont tous proposé leur aide mais je n'ai réussi à me confier qu'à mon ancienne professeure. Elle semble aussi perdue que moi, ce qui double ma frustration d'être tenue à distance.

Un autre jour de cours se termine et j'attends que maman vienne me chercher. Une silhouette familière attire mon attention sur le côté. Je vois papa, portant son costume cravate, marcher vers la maison ce qui me fait froncer les sourcils. Il a sous le bras une pochette foncée et plusieurs dossiers. Je reconnais les documents car ils sont typiques des enfants adoptés. Je sais que toute cette histoire est due à mon adoption et il faudrait être stupide pour ne pas le comprendre. Toutefois, j'ai la sensation que quelque chose de bien plus grand est en jeu, en dehors de moi.

Des questions fusent dans mon esprit. Pourquoi papa n'est pas au travail ? Que fait-il de ce côté du quartier ? Cela me rend particulièrement inquiète parce que je sais très bien quel bâtiment se trouve derrière le lycée.

Pourquoi papa revient-il du tribunal avec mon acte de naissance, le livret de famille et tous les documents de mon adoption ?

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant