Mai 2020
Ma vie personnelle a basculé il y a des années lorsque, non majeure, j'ai été séparée par la force de ma famille. Deux ans se sont écoulé depuis le baccalauréat. Maintenant, j'ai vingt ans et la situation ne semble pas à avoir changé. Actuellement, je suis assise sur ma chaise, face à ma table et à ma copie. Je ne fais rien d'autre que de jouer un marathon marquant le plus grand tournant de ma vie professionnelle.
Depuis dix jours je subis les interminables concours des grandes écoles d'ingénieur. Trente-huit heures d'épreuves enchaînées sur des matières que j'ai à peine maîtrisé au lycée. Je lève les yeux sur la pendule en face de moi. Il n'est même pas neuf heures du matin, que la troisième épreuve du concours le plus important pour moi commence.
Dans l'immensité des salles du parc floral de Paris, les taupins s'acharnent sur le premier sujet de mathématiques. Le second se déroulera dans deux jours après la seconde épreuve de physique-chimie, la dominante de ma filière.
Etonnamment, je ressens du stress mais pas le même que lors du baccalauréat. Je me souviens encore des plaques d'eczéma à vif sur ma peau. Cette même peau arrachée par mes ongles et qui n'a été rien d'autre que le reflet de mes craintes de décevoir papa et maman. Et je sais que je les ai déçus en obtenant pas la mention minimale attendue. J'essaie de ne pas me laisser submerger par mes émotions car pour l'heure, ce sont les concours des grandes écoles, bien plus importants sur le papier que le diplôme du lycée. Cependant, la différence est que personne ne m'attend. Et grâce à cela, je suis anxieuse et non stressée. Je sais que si je ne suis pas admissible, mes crédits acquis me permettront d'intégrer la faculté. Je ne suis pas dupe sur mes chances face à mes voisins directs, tous issus des classes doublement étoilées des prestigieux lycées parisiens et versaillais.
Saint-Geneviève, Louis le Grand, Henri IV, Saint-Louis de Paris... Autour de moi, tout n'est qu'élite et savoir. Je suis impressionnée et me sens comme le vilain petit canard.
Les surveillants indiquent le début de l'épreuve. Je jette un coup d'œil aux personnes à côté de moi. Leur visage s'illuminent quand ils découvrent le sujet. J'entends l'un d'eux murmurer qu'il a vu ces questions lors de sa première année lors d'une khôlle. Je grimace à côté de lui. Je n'ai jamais entendu parler de ce thème... Je suis donc là. Je regarde mes concurrents vider leur stylo plume de leur encre quand je me contente de faire ce que je fais le mieux : limite les dégâts. Pendant mes deux dernières années, ma moyenne a tourné autour de deux ou trois mais je fais confiance en mon travail et à mon seul point fort : l'épreuve de français-philosophie.
Mon regard croise celui d'Erin, assise dans une rangée de l'autre côté du hall dans la section des taupins ayant choisi la spécialité sciences de l'ingénieur. Gatien est quant à lui à l'opposé de la porte de notre hall avec les étudiants de spécialités mathématiques et physique.
Je pense à papa et maman. Ils ne voudraient pas que je baisse les bras maintenant. Papa dirait que ce n'est pas digne de notre famille. De plus, je peux pas abandonner. Cela rendrait mon frère beaucoup trop heureux, lui, qui n'a jamais manqué aucune occasion de me rabaisser et de m'humilier. Le soir des résultats du baccalauréat, Monsieur et Madame ont explosé de colère contre lui et m'ont couverte de louanges malgré mes faibles résultats dans certaines matières.
Au bout de deux heures quarante, mon voisin de droite range ses affaires et se lève pour rendre sa copie. Avant qu'il ne parte, je peux voir qu'il a fini le sujet. Et moi... Je n'ai toujours dépassé la question trois de la première partie. J'hésite entre rire et pleurer...
Un élan de détermination traverse mes veines et je continue de me battre avec le sujet jusqu'à ce que le temps soit totalement écoulé. Je rejoins Erin et Gatien à la porte la plus proche pour le déjeuner.
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Le contrat
Short StoryExiste-t-il un sentiment plus fort que l'amour ? Une attache plus puissante que la famille au sein de laquelle vous avez grandi ? Lorsque trois ne forment qu'un, comment s'imaginer que ce lien puisse être rompu ? Automne, jeune adolescente rêveuse e...