Chapitre 14

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Trois mois plus tard.

Deux mois. Deux mois depuis que je suis dans ma nouvelle famille. La cour m'a laissé un mois pour déménager et me voici maintenant chez des inconnus qui ne sont rien d'autres que Monsieur et Madame pour moi. Ils ne parviennent pas à outrepasser cette distance que j'impose volontairement composée de colère, de chagrin et de rancune envers eux. Je me moque de leurs attentions et de leurs présents.

Mon niveau de vie n'a pas vraiment changé mais je ne veux que mes parents. Je les ai appelés de nombreuses fois mais je parviens de moins en moins à leur parler. J'ai même fugué il y a quelques semaines. Il m'a fallu trois jours pour faire l'aller-retour mais je voulais les revoir. Les retrouvailles ont été autant salvatrices que la nouvelle séparation a été douloureuse. En revenant, Monsieur et Madame ne m'ont pas demandé où je suis allée. Inutile de poser une question dont ils connaissent la réponse.

Mon nouveau quotidien m'a alors sauté pleinement au visage. J'ai changé de famille, de ville, de lycée ... Tout en fait. Un mois à peine avant le baccalauréat de première. Quand je suis arrivée dans mon nouvel établissement, je me suis sentie comme un animal de foire. Tous les regards se sont posé sur moi dès mon entrée dans ma classe. Je suis restée complètement fermée et me suis réfugiée au CDI. Quelques personnes ont essayé de me connaître, mais je n'ai fait que grogner pour les maintenir à distance. Ils ne sont pas responsables de ce qui m'est arrivé mais je ne peux pas m'empêcher d'en vouloir à la terre entière.

Léa et Camille me manquent. Grâce aux réseaux sociaux, je continue de les contacter. Elles me racontent ce qui se passe au lycée, mon vrai lycée. Léa m'a expliqué comment mes parents sont devenus fous après mon départ. Papa a essayé de faire appel mais notre avocat s'est montré inutile. Les médias et la presse ont tout suivi et même inventé des rumeurs pour aider leurs ventes. Papa et maman n'ont même plus la force de riposter.

Aujourd'hui, c'est le week-end. Au lieu de sortir comme me le suggère Madame, je suis dans la chambre que ma nouvelle famille m'a donnée. Assise à mon bureau face à la fenêtre, je relis à nouveau la leçon d'Histoire sur la Guerre d'Algérie. Je me remémore le premier cours de cette matière quand le professeur principal m'a présentée au reste de la classe en disant qu'au vu de mes résultats dans mon ancien lycée, je n'aurais aucun mal à m'intégrer. Aucun ne m'a prise au sérieux et tous ont ri de moi. J'ai dû m'assoir sur une chaise au fond de la salle. Ce n'est que quelques semaines plus tard lorsque le dernier examen de l'année est tombé qu'ils m'ont enfin respectée. Le professeur d'Histoire a distribué les copies par ordre inverse des résultats. La mienne a été la dernière à être remise avec la plus haute note possible ainsi que les félicitations. Toutes les têtes se sont retournées sur moi comme si j'étais venue d'une autre planète. La voix de papa a résonné dans ma tête : « reste fière ». J'ai relevé le menton et penchant légèrement la tête avec arrogance, j'ai défié chacun des élèves devant moi. Après ce coup d'éclat face à tant de mépris, l'ambiance a radicalement changé et beaucoup ont voulu devenir ami avec moi... uniquement dans le but que je les aide avant le baccalauréat.

« Automne ? Pourquoi ne sors-tu pas un peu prendre l'air ? Il fait si beau dehors. » demande Madame derrière moi.

J'ai beau avoir mes écouteurs dans les oreilles, je peux l'apercevoir dans le reflet de la couverture de mon manuel de cours.

« Non. » dis-je sèchement toujours dos à elle.

Je l'entends soupirer puis elle dépose un plateau avec quelques gâteaux et du jus de fruit à côté de moi pour le goûter.

« Qu'est-ce que je peux faire pour que tu m'acceptes ? »

« Dois-je réellement répondre à cette question ou allez-voys trouver toute seule ? »

« Tu n'as pas besoin de me vouvoyer tu sais... Je suis ta mère légitime. »

« Vous n'êtes rien. A part peut-être un monstre. »

« Tu me reproches de m'être battue pour ramener ma fille dans mon foyer ? »

« C'est un fait. »

« Automne... Je... »

« Dehors ! »

Madame sort aussitôt sans demander son reste. Il me faut quelques minutes pour que mes muscles se détendent et retrouvent leur souplesse avant que cette femme ne fasse irruption dans ma chambre. En soirée, c'est au tour de Monsieur de monter me parler. Il me propose gentiment de m'aider à réviser.

« Vous ? M'aider ? En Histoire ? Non merci. Je tiens à réussir mon épreuve et non à torpiller mes chances. »

« Laisse-moi une chance de t'aider, Automne. »

« Vous devriez aller proposer votre non-aide à votre fils. Il en a grandement besoin. »

« Mais... »

« Sortez ! »

Je n'aurais jamais osé parler à papa ou maman comme je l'ai fait avec Monsieur ou Madame mais leur hypocrisie ne fait qu'augmenter ma rancune. Mes parents me manquent et la présence de Tan dans la maison n'arrange rien. Son narcissisme n'a pas supporté le refus de mes parents de le prendre à ma place. Honnêtement, je ne sais pas comment il a pu penser que cela serait accepté. Désormais, il doit faire à face ce rejet mais aussi à ma présence auprès de sa famille. Lui et moi sommes totalement opposés : il est turbulent, fêtard et peu intéressé par le lycée tandis que je suis toujours réservée, casanière et axée sur les études. Nous nous faisons concurrence au niveau des notes. Tan est loin d'être dénué d'intelligence mais je n'ai aucun mal à le battre au général. Monsieur et Madame me félicitent tous les soirs et me rappelle combien ils sont heureux d'avoir enfin leur fille à la maison. Tan est complètement omis de sa propre famille et se tient dangereusement à distance.

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant