Le contrat

Chapitre 6

Les derniers mots de Tan résonnent de ma tête alors que l'eau chaude coule depuis de longues minutes sur ma peau enflammée : 'Ma vengeance.'

Sa réponse amène davantage de questions que de réponses et amplifie la colère de mes parents depuis que je suis rentrée. Je les entends pester dans la cuisine bien que les portes soient fermées.

« Ma vengeance. »

Je ne sais pas ce que cela signifie mais contrairement à moi il est au courant de tout.

Il m'en veut. Pourquoi ? Qu'ai-je fait ? Pourquoi moi ? Qui suis-je ?

Tout s'embrouille dans ma tête et ni papa ni maman ne m'aide à comprendre. J'ai l'impression que tout le monde autour de moi connaît l'histoire dans laquelle je suis embarquée malgré moi. J'ai eu beau presser mes parents pour savoir la vérité, je n'ai jamais reçu de réponse. J'ai de plus en plus peur. Au début de tout cela, mes parents m'ont tenue à distance mais ont semblé gérer la situation. Ce n'est plus le cas désormais. Le chagrin et la colère ont laissé la place à la peur.

Le rire cynique de Tan, le choc sur les traits de Camille et l'inquiétude dans les yeux de Léa ont fini d'embrouiller mes idées. Pendant des jours j'ai fouillé le moindre recoin de la maison à la recherche de cette fameuse enveloppe qui a tant bouleversé maman. Elle semble être le point de départ, la clé de cette énigme. J'ai cherché partout même dans les endroits les plus improbables et les plus inaccessibles... En vain...

Les jours passent. Les aller-retours de papa au tribunal se multiplient. Maman est de plus en plus stressée et d'après ce que j'ai pu entendre un soir, elle s'est disputée avec la femme inconnue. J'ai été la première et la seule à avoir fait le lien entre elle et Tan. Ils sont mère et fils tout comme je suis la fille de mon père même si nos origines diffèrent.

L'eau froide réveille mes muscles et me tire de ma réflexion. Je me relève avec peine et quitte la baignoire en attrapant la serviette la plus proche. Pendant que je passe mon pyjama, je tends l'oreille vers la cuisine mais je ne perçois aucun bruit venant du bas. Je saisis mon sweat préféré et l'enfile en sortant de la salle de bain. Je descends les escaliers à la recherche de mes parents. Je les trouve tous les deux dans le salon, papa est face à la fenêtre et maman est assise en face sur le canapé la tête dans les mains.

J'entre dans la pièce déterminée :

« Papa, maman... » dis-je doucement.

Maman soupire en même temps que papa mais les deux restent emmurés dans leur silence.

« Vous ne pensez pas que j'ai aussi le droit de savoir ? Vous ne protégez personne et moi encore moins en refusant de me dire la vérité. Vous ne croyez pas que cela me concerne aussi, peut-être même en premier ? »

« Bien sûr mais... » commence maman dans ses mains.

« Alors pourquoi suis-je la seule qui ignore absolument tout ? »

« Nous ne pouvons pas te le dire. C'est mieux pour toi. » continue papa toujours dos à moi.

Je ne réponds pas mais mon visage se fige. Je sens tous mes muscles faciaux se tendre pour contrôler mes émotions. Alors que milles mots me viennent à l'esprit, je préfère me contenter de me taire. A la place, je me dirige vers la commode de l'autre côté de la pièce. Mes parents me regardent ouvrir un des tiroirs et retirer le double fond de l'un d'entre eux. Derrière moi, j'entends leur souffle se couper lorsque je sors une enveloppe similaire à celle qu'ils ont voulu me cacher.

« Qui t'a donné ça ? » questionne maman entre deux sanglots.

« Tan. »

Ma réponse est sortie plus sèche que je n'ai prévu mais ce n'est pas pour me déplaire. Les visages de mes parents tombent.

« C'est la copie de la vôtre. J'ai dû l'apprendre de Tan ! Alors que j'aurais dû l'apprendre de vous ! C'est vous qui auriez dû me le dire ! »

« Chérie... »

« Non ! Ne m'appelle pas comme ça ! Vous m'avez laissée dans l'ignorance pour faire vos petites affaires de votre côté alors tout me concerne ! Pendant des mois vous avez refusé de me parler et de me dire ce qu'il se passe mais pire encore aucun de vous deux n'a pensé à me parler de cette putain d'enveloppe et surtout de ce qu'elle contient ! Aucun n'a pensé que je mérite de savoir ! »

« Nous voulions seulement te protéger. »

« Me protéger ? Ne faites pas passer votre propre égoïsme pour un devoir parental ! J'aurais dû savoir ! J'aurais dû l'apprendre de vous ! Pas d'un connard qui m'en veut pour une chose dont ni vous ni moi sommes responsables ! J'aurais dû être au courant depuis la seconde où cette femme m'a parlé devant la maison ! Mais au lieu de ça vous m'avez complètement abandonnée ! Quels parents peuvent penser que, laisser leur fille dans l'ignorance au risque qu'elle apprenne tout de quelqu'un d'autre qu'eux, soit une meilleure solution que tout lui expliquer ? En refusant de me dire ce qui me concerne en tout, vous m'avez jetée dans un enfer au lycée ! Vous ne voyez pas que plus vous essayez de le cacher et plus les gens sont au courant dans cette ville de merde ? Les abrutis s'en donnent à cœur joie au lycée mais ça tu t'en fiches complètement ! Et je ne peux même pas me défendre puisque j'ignore tous les détails ! J'avais besoin de mes parents mais tout ce que je sais c'est que j'ai été abandonnée une deuxième fois ! »

Les mots semblent imprégner mes parents jusque dans leur chair au fur et à mesure qu'ils comprennent le poids de mes mots et leurs torts en pensant bien faire.

« Pourquoi refuser de me dire que je ne suis pas votre fille biologique... »

« Tu l'as toujours su. Mais tu ne sais pas tout. » dit papa bouleversé par mon explosion de colère.

« ... Ni votre fille légale ! »