Chapitre 21

12 1 0
                                        

« Où sont les guirlandes ? » crie Monsieur depuis le salon.

Toute la maison s'affaire pour préparer le réveillon de Noël. Le reste de la famille doit bientôt arriver. Madame est aux fourneaux depuis ce matin tandis que Monsieur prépare la table. Tan est dehors en train de chercher les guirlandes lumineuses dans le cabanon au fin du jardin. Quant à moi, je me contente d'aider au minimum. Je déplace deux ou trois cartons ici ou là pour imiter une aide quelconque mais je ne fais pas grand-chose en fin de compte.

La dinde au repos dans le four, les pommes de terre frites dans le plat sous la cloche et le foie gras de canard sont les aliments stars de ce soir. Sous le sapin, la montagne de cadeaux ne cesse de grandir. Tan revient avec les accessoires à l'instant même où Monsieur dépose les coupes de champagnes sur la terre basse. La bouteille est placée juste à côté dans un seau de glace. Papa se serait contenté de sortir la bouteille du réfrigérateur au moment de l'apéritif.

Madame frappe dans ses mains et demande à tout le monde d'aller se préparer pour accueillir le reste de la famille. Nous obéissons docilement tous les trois, ne voulant pas froisser la maîtresse de maison à quelques heures de Noël.

Je laisse les hommes de la famille s'habiller dans leur chambre respective et je me rends dans la mienne. Par habitude, je bloque la porte avec la commode avant de me diriger vers mon placard de vêtement. Je me rends compte que je ne possède pas d'habit de fête. Je n'ai jamais aimé les paillettes ou autre alors je n'en dispose pas. Je prends la première robe noire que je vois et qui fera l'affaire. Je n'ai pas encore terminé d'enfiler mon collant que mes allergies au textile reprennent le dessus sur ma peau. Je mets mes converses et relève mes cheveux en une queue de cheval haute. Après un rapide coup de crayon noir et un peu de parfum, je me regarde dans la glace mais me reconnais à peine.

C'est le premier Noël sans papa et maman et me retrouver dans une maison avec une vingtaine de personnes est une première également. Je n'aime pas rencontrer de nouvelles personnes et dans ce contexte encore moins. Toutefois, je n'oublie pas ma promesse et mon idée sur lesquelles je travaille depuis la rentrée scolaire.

Depuis Septembre, je mène quasiment une double vie dans ma propre vie. De l'extérieur, je suis toujours l'adolescente réservée et timide, ayant de bons résultats au lycée et qui ne fait pas d'écart. Monsieur et Madame me disent régulièrement que je suis devenue l'enfant dont ils rêvaient. Je suis entrée dans leur jeu, celui qui sera le plus hypocrite. Ce n'est qu'un masque que j'ai créé de toute pièce. Il me permet de coller à l'image que je dois avoir pour qu'ils m'oublient. En réalité, il ne me sert en qu'à mieux préparer ma vengeance. Dans le plus grand secret, je mène mes recherches et rassemble toutes sortes d'informations sur l'adoption, les lois et le procès. Je retrace point par point les événements qui ont bouleversé ma vie, de la signature du contrat aux récentes découvertes. Je ne quitte pas mon objectif de retrouver mes parents et de faire payer à tous ceux qui ont provoqué cette séparation. Papa et maman justement... Je n'ai plus de nouvelle d'eux. Mes recherches les concernent aussi. Je veux savoir exactement ce qu'il s'est dit lors du procès, la raison pour laquelle ils m'ont rejetée, pourquoi ils ont décidé de partir... Je veux connaître la signification de paroles de Tan et de Madame. Depuis le début, quelque chose n'est pas clair et j'en aurais les preuves.

Mon double jeu fonctionne parfaitement. En collant à l'image voulue par Monsieur et Madame personne ne me soupçonne de quoi que ce soit. Tan s'est résigné après avoir fait fouillé ma chambre à la rechercher d'indice sous le prétexte que je prépare quelque chose. La police s'est déplacée jusqu'à la maison mais n'a pas trouvé mes cahiers et mes classeurs d'informations. Madame a eu la honte de sa vie et a privé son fils de sortie pendant deux mois. Tan m'en veut mais n'a aucune preuve contre moi. Mon frère est devenu la risée du lycée après cette déconvenue et a dû me présenter publiquement des excuses pour m'avoir accusée à tort.

Debout devant ma glace, j'envoie rapidement un message à Léa et à Camille pour leur souhaiter un bon réveillon puis je remets la commode à sa place avant de sortir de ma chambre.

« Automne. Cela te change de tes sweats habituels. J'apprécie ton effort. Tu es magnifique. » me complimente sincèrement Madame en me voyant descendre les escaliers.

« Merci Madame. Je ne fais que prendre exemple sur vous. » dis-je en souriant.

Mes mots provoquent un violent dégouts dans ma gorge mais je maintiens un sourire forcé que Madame me renvoie chaleureusement. Au fil du temps, j'ai appris à mentir et surtout à cacher mes émotions. Il y a encore deux mois, mon mensonge et mon mépris seraient passés au travers de ma voix. Désormais, mes mensonges semblent réels et seuls mes véritables amis sont capables de séparer le vrai du faux.

« Que puis-je faire pour vous aider ? »

« Tu peux préparer les amuses-bouches pour l'apéritif pendant que je vais chercher ton père et ton frère. »

Je hoche la tête et commence à préparer l'apéritif dans la cuisine. J'ouvre le paquet de petits pains et commencent à en toaster quelques-uns. Pendant que ceux-ci dorent, je place les pics sur les olives noires dans le bol et réchauffe les petits fours. Mes pensées vont vers papa et maman et je me demande ce qu'ils font en ce moment. Je n'ai pas le temps d'y réfléchir davantage car la sonnette de l'entrée me fait sursauter. Les petits pains s'envolent et je dois jongler rapidement pour les rattraper.

Madame et Monsieur descendent en courant et accueillent la première vague d'invités. Je mets mon masque d'enfant parfait et découvre ces nouveaux oncles et tantes. Tan finit par arriver à son tour et je l'arrête en bas des escaliers pour resserrer son nœud de cravate. Nous saluons ensuite la deuxième puis la troisième arrivée jusqu'à ce que tout le monde soit là. Je prends les manteaux et les range dans le grand placard de l'entrée sous le regard étonné de mon frère. La nuit sera sûrement intéressante.

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant