La séance a été levée pour quelques jours le temps que les avocats rassemblent leurs arguments. Nous en profitons pour souffler un peu. Au travail, papa a abattu toute son autorité sur les personnes travaillant autour de lui et défie quiconque de faire une seule remarque devant lui. La rumeur selon laquelle Léa et Camille seraient corrompues par l'argent de ma famille a fait bondir maman et moi autant qu'elle a fait rire mes amies. Malheureusement, la dernière chose que je souhaite pour elles est en train de se produire. En plus de moi, les menaces s'accentuent à leur encontre.
Je suis retournée en cours sous les crachats des autres lycéens mais étonnamment ma classe s'est montrée plutôt solidaire. Les journalistes ne me lâchent pas mais mes amies non plus. Les potins vont bon train et des prospectus avec mon visage jonchent le sol de la cour et des couloirs. Quelques-uns sont troués par des fléchettes. Le corps enseignant semble désespéré face à une telle avalanche de bêtise et de mépris ne peuvent pas y faire grand-chose, ou ne veut pas.
Le procès est devenu public à mon grand regret. Je ne sais toujours pas comment les journalistes ont pu se procurer un enregistrement audio ainsi que des photos clairement prises de l'intérieur du tribunal. Ma vie est véritablement devenue les feux de l'amour maintenant que « l'adopté » publie quotidiennement les derniers pamphlets dans ses pages. Chacun a son avis et a pris parti. Inutile de chercher bien loin pour comprendre pourquoi la majorité a choisi le camp de Maître Dolios... Un beau sourire et le tour est joué. Mais les mensonges sortis d'où je ne sais où me blessent encore plus que toute cette médiatisation que je déteste. Dans les couloirs, j'entends les murmures de ceux qui affirment que mes parents sont des voleurs d'enfants ou des fous qui devraient être enfermés. Plus d'une fois, mon poing a volé sur le nez de ces ignorants et certains sont mêmes tombés accidentellement dans les escaliers. Qu'ils continuent puisque cette histoire les amuse. Personnellement je préfère me concentrer sur le retour au tribunal demain.
Après ma journée de cours et le dîner, je monte prendre ma douche et me couche rapidement. J'ai toujours aimé le noir où mes pensées peuvent errer librement. Mais je tourne et retourne dans mon lit pendant des heures sans parvenir à trouver le sommeil. Je soulève ma couette et sors du lit en attrapant mes deux ours en peluche préférés. Je sors discrètement de ma chambre et me rends tout aussi silencieusement dans celle de mes parents. Eux non plus ne dorment pas, trop préoccupés par demain. Papa me tend les bras pendant que maman se décale légèrement. Je me glisse sous les draps entre les deux et retrouve instantanément la sécurité de mon enfance. Je tombe dans mes rêves seulement quelques minutes après.
Papa ne me réveille que le lendemain comme à son habitude. Je cherche un de mes ours que j'ai égaré dans le lit puis me lève. Avant de descendre, je prends soin de replacer mes peluches sur mon propre lit à leur place habituelle. Le petit-déjeuner est calme et rythmé par la radio familiale qui joue de la musique classique. Vers 9h, nous nous préparons et partons affronter la horde des médias. Les journalistes nous attendent mais n'osent pas trop s'approcher car ils se souviennent du regard de fureur de papa lorsque l'un d'eux m'a photographiée en gros plan sur les marches en pierres blanches. Nous entrons dans la salle. Nos adversaires sont déjà installés. Elle me sourit chaleureusement et le plus naturellement du monde.
« Qu'est-ce qu'elle me veut celle-là ? Pourquoi me sourit-elle alors qu'elle veut me voler ma famille ? Grosse conne. »
Ma pensée ne semble pas vraiment l'être parce que je vois maman et papa retenir leur rire de toutes leurs forces. Finalement, la séance débute et aujourd'hui ce sont les adultes qui sont appelés à la barre. D'abord papa et maman par l'avocat adverse.
« Pouvez-vous nous dire en quoi êtes-vous mieux placer pour avoir la garde de cette enfant. »
« Objection votre honneur ! Mes clients n'ont pas à se justifier d'un fait dont ils n'ont pas eu connaissance à la base ! »

VOUS LISEZ
Le contrat
Short StoryExiste-t-il un sentiment plus fort que l'amour ? Une attache plus puissante que la famille au sein de laquelle vous avez grandi ? Lorsque trois ne forment qu'un, comment s'imaginer que ce lien puisse être rompu ? Automne, jeune adolescente rêveuse e...