Chapitre 10

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Le procès s'est ouvert depuis plusieurs heures.

Et le moins que je puisse dire c'est que les événements ne tournent pas entre notre faveur, bien au contraire. Notre avocat croule sous le poids des attaques de la partie adverse et ne doit son salut, et le nôtre, qu'à sa parfaite maîtrise du droit. C'est grâce à ses connaissances qu'il a pu contrer chaque argument. Papa l'a insulté à de nombreuses reprises de guignol et heureusement seules maman et moi l'avons entendu. Notre avocat tient bon mais nous savons malgré tout que les jurés sont du côté de l'autre famille, ou plutôt du côté de Maître Dolios. L'assemblée majoritairement féminine s'est assise sur son devoir d'impartialité.

Après de longues minutes à regarder le duel entre l'avocat académique et l'avocat charismatique, je suis enfin appelée à la barre pour témoigner. Je sais que ce moment sera déterminant. Je me lève et embrasse mes parents qui tremblent pour moi. Je dois rester forte pour eux mais pourtant j'ai envie de m'enfuir en courant. Je m'installe sur le siège des appelés face aux jurés.

« Pouvez-vous décrire votre vie auprès de vos parents. » demande Maître Sarageon.

Maître Dolios proteste immédiatement.

« Objection votre honneur ! Mes clients sont ses véritables parents. »

Je lance un regard vers papa qui me dit non de la tête. Un « non » qui signifie « ne rentre pas dans son jeu. ».

« Laissez ma cliente parler je vous prie ! »

« Objection refusée. Poursuivez. »

« J'ai vécu une enfance des plus heureuses. Entre l'amour de deux parents désirant adopter, l'insouciance et les rêves de l'enfance, et le chant des oiseaux dans la forêt. Rien ne pouvait être plus parfait. »

« Comment étaient vos parents avec vous ? » continue notre avocat.

Je vois du coin de l'œil Maître Dolios s'apprêter à objecter une nouvelle fois mais je ne lui laisse pas le temps de parler et enchaîne en lui mettant un petit tacle devant toute la cour.

« Avant que je ne sois couper pour rien, je voudrais dire que mes parents ont été stricts en matière de travail mais ne m'ont jamais de fait de mal, bien au contraire. Ils ont toujours tout fait pour me protéger et m'encourager au mieux. Je pense que je n'ai jamais été une enfant difficile, sauf peut-être lors des repas je l'avoue. »

Les rires des jurés allègent l'ambiance et je vois mes parents sourirent aux souvenirs de ces moments particulièrement compliqués pour eux. Ma mémoire me jettent devant les yeux ce midi où j'ai refusé de manger mon petit pot de purée de carotte. Maman a eu tout juste le temps de s'écarter de la trajectoire avant que je ne recrache tout, repeignant le mur d'en face en couleur orange. Il est loin ce temps...

« Considérez-vous comme une enfant facile à vivre alors ? » ajoute Maître Sarageon en me tirant de mes pensées.

« Tout dépend de ce que vous entendez par 'facile à vivre'. J'ai mon caractère et papa peut vous le confirmer. Et oui il est mon père ! » dis-je en crachant encore une fois au nez de la partie adverse. « Mais je n'étais pas le genre d'enfant à provoquer des ennuis à mes parents et je ne suis toujours pas ce style de personne. Je suis plutôt casanière et accorde davantage d'importance à mes études et à mes amis qu'à des choses qui ne me regardent pas. »

« Que vous a-t-il manqué durant vos premières années de vie ? »

Automne : « Rien. » dis-je sèchement.

« J'ai terminé. Le témoin est à vous maître. »

Maître Dolios se lève tout en regardant les jurés et en leur souriant. Je roule des yeux mais l'effet voulu est immédiat. Maintenant tout le monde sait que l'attention ne sera pas sur le fond de ses questions mais sur sa posture.

« Youhou je suis là ! »

« Je le sais. Pourquoi dîtes-vous cela ? »

« Oh excusez-moi mais j'ai eu un doute pendant une seconde. J'ai cru que le témoin à interroger se trouvait parmi les jurés et non pas sur le siège que j'occupe actuellement. »

Mes mots ont choqués mes parents en même temps que moi. J'entends notre avocat tousser pour dissimuler son rire. Finalement, les questions reprennent :

« N'avez-vous pas essayé de connaître vos véritables parents ? »

« Ils sont juste derrière vous, mes véritables parents ! » dis-je en pointant papa et maman.

« Non... »

Automne : « Si. »

« Non. »

« Si. Voulez-vous continuer encore longtemps ou avez-vous une question à me poser ? Selon le texte de loi, vous ne pouvez me retenir à la barre si vous n'avez aucune question. »

Je vois les poings de l'avocat s'ouvrir et se fermer face à cette injonction qu'il n'a pas vue venir.

« Je disais donc, avez-vous essayé de connaître vos parents biologiques. » crache-t-il complètement décontenancé.

« Inutile de cracher lorsque vous êtes pris au piège. Pour répondre à votre question, comme tout enfant adopté, j'ai posé des questions. Maman y a toujours répondu. »

« Pourtant, elle ne vous a pas parlé de l'enveloppe que ma cliente lui a adressé et qui contient pourtant le secret de votre vie. Tout comme votre « papa ». »

Je peux lire sur le visage de mes parents la même question : « Comment a-t-il su ? ».

« Ils m'ont protégée. Comme le feraient tous les bons parents. »

« Vous avez dû l'apprendre de Tan.

« Qu'insinuez-vous ? »

« Cela a dû être un choc terrible. Aussi grand que celui qu'a ressenti ma cliente. »

Automne : « A votre avis, quel est le plus grand choc pour moi ? Apprendre cette nouvelle après des semaines de confusion ou d'être appréhendée devant chez moi par un détraqueur à capuche se proclamant ma mère ? »

Papa pouffe de rire en entendant ma comparaison tandis que la personne ciblée rougit de colère et de honte.

Maître Dolios : « Si vous deviez choisir entre votre famille légale ou votre famille actuelle, quel serait votre choix. »

Automne : « Est-ce une véritable question ? »

« J'en déduis que vous ne suivrez pas le chemin de la loi. »

« Une loi que vous ne semblez pas connaître. »

« Ne pouvez-vous pas comprendre que vous manquez à votre famille légale ? »

« Non. »

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