Chapitre 8

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Mon réveille sonne. Je l'éteins même si je n'ai pas pu m'endormir. Depuis plusieurs lunes que le sommeil et l'harmonie ont déserté ma famille. Dans notre maison, tout n'est plus que rancune, frustration, crainte et colère. Mon oncles et tantes, fidèles à eux-mêmes, apportent leur soutien moral sans savoir réellement comment réagir. Papa et maman se sentent plus seuls que jamais. Il est loin le temps où mon seul souci était de savoir quel tee-shirt je porterai le lendemain...

Je lutte contre moi-même pour gérer le grand secret de ma vie : le contrat. Ce secret qui aurait dû rester une affaire de famille entre mes parents et moi est devenu un polichinelle dont toute la ville raffole. La presse et les médias s'en sont saisi et publie chaque nouvelle information comme un nouvel épisode d'un mauvais feuilleton dans leurs pages. Les journaux n'hésitent pas à calomnier si cela peut servir leurs intérêts. Ainsi, je vois souvent mon visage en gros plan et des informations erronées en-dessous. Peu importe les conséquences sur ses pauvres victimes, la presse veut du sensationnel.

Quand je descends prendre mon petit-déjeuner, je croise maman qui ressemble à un zombie. Papa est déjà parti mais je suis sûre que son état n'était pas mieux... Mes parents ont définitivement plongé dans un cauchemar au travail. Maman semble un peu mieux le vivre malgré l'hypocrisie de certaines personnes. Elle est entourée de collègues assez loyales et prêtes à la défendre, mais elle reste tout de même lucide. Quant à papa, son calvaire est d'autant plus grand à cause de son grade et de son poste. Je ne compte plus les fois où il doit recadrer les questions déplacées des collaborateurs qu'il dirige ou les médias qui épient ses moindres faits et gestes partout où il se rend.

A cause d'eux, les rumeurs se répandent comme une trainée de poudre et chacun y va de son avis. Il en est de même au lycée. Nombreux sont ceux qui ne m'approchent plus alors que nous nous connaissons depuis plusieurs années. Certains par peur, d'autres par bêtises. Le plus étonnant sont ceux qui, doués d'une curiosité malsaine, se sont rapproché de moi comme s'ils étaient mes amis depuis toujours. Ceux que je déteste se vengent littéralement sur moi et je n'ai plus aucun scrupule à les dénoncer au proviseur et à papa qui se venge à son tour sur leurs parents. Cela entraîne un effet boule de neige dans une ville déjà en proie à la confusion. Les professeurs tentent tant bien que mal de garder leurs classes organisées et un soupçon d'impartialité mais le lycée n'attend plus que le prochain chapitre de ma vie.

Heureusement, je peux compter sur mes professeurs préférés qui tiennent leurs élèves d'une main de fer et appliquent des sanctions à tous ceux qui s'en prennent ouvertement à moi. Face à leur détermination à m'aider dans mes cours et dans ma vie, je ne peux que leur en être reconnaissante. Je remercie également le ciel d'avoir placé Léa et Camille dans ma vie. Elles sont toujours là, loyales et attentionnées, malgré les insultes et menaces. Elles font tout pour continuer de me parler et me traitent comme avant afin de m'insuffler un peu de normalité et de paix.

Le son si reconnaissable des cloches de la cathédrale indique qu'il est temps que je parte au lycée. J'embrasse maman puis attrape mes clefs à la volée avant de partir. J'ai à peine ouvert la porte en bois de l'entrée donnant sur la rue que des flashs m'éblouissent immédiatement. Milles questions atteignent mes oreilles alors que je ne vois toujours rien. J'essaie de retrouver mes facultés visuelles qui semblent m'avoir abandonnée. J'entends le bruit de la porte se refermant puis deux mains me saisissent par les bras et me tirent vers le lycée. Je ne suis pas surprise. Je sais de qui il s'agit. Je secoue la tête pour faire disparaître la lumière encore présente dans mes yeux bien que j'entende encore les journalistes derrière moi.

Lorsque nous arrivons, le lycée est déjà en effervescence. Il n'est même pas huit heures. Je vois du coin de l'œil Léa et Camille pincer du nez face à tous ces troupeaux de buffles. Le spectacle des lycéens lisant le journal sur ma vie avec les nouvelles fraîches du jour est devenu banal. Mais aujourd'hui est un jour spécial. Ils savent qu'un événement majeur dans cette histoire, mon histoire, va bientôt se dérouler.

Bientôt, se tiendra le procès entre mes parents et ma famille du contrat. Nous avons tout fait pour l'éviter mais sans succès. Les papiers sont prêts et nous espérons que cela sera suffisant. Je me rends tout de suite à mon casier y déposer mes livres de l'après-midi avec Léa et Camille sur mes talons. Quelques-uns de mes derniers amis nous rejoignent petit à petit. A mon passage, les journaux s'abaissent légèrement pour permettre à leur lecteur de laisser leurs yeux m'observer comme un animal de foire.

Les journalistes n'ont pas le droit d'entrer dans l'établissement mais je peux en apercevoir sur les toitures. Je vois le flash de l'appareil de l'un d'entre eux sur le toit le plus bas. Autour de moi, mes amies commencent à grogner en le voyant elles-aussi. L'une d'elle se baisse et je souris en sachant sans aucun doute ce qu'elle compte faire. Les autres n'ont pas le temps de réagir que la pierre quitte sa main et s'écrase sur sa cible en fissurant le verre de l'appareil du professionnel. Ce dernier a à peine le temps de comprendre ce qu'il vient de se passer que plusieurs projectiles s'abattent sur lui. Il disparaît en pleurant son pauvre appareil maintenant inutilisable. Je suis partagée entre le rire et la satisfaction. Je choisis les deux. A côté de moi, les yeux se posent sur la lanceuse avec des sourires surpris mais au bord du rire. Derrière nous, les professeurs ayant assisté à la scène retiennent également leur rire en contractant tous les muscles de leur visage.

Après un dernier câlin d'ours, je me rends à mon premier cours dans le bâtiment scientifique. Lorsque je vois l'attroupement que je provoque, je sais que la journée va être longue. Je prends ma place habituelle en ignorant la même question qui revient : « Tu vas y aller ? »

Je soupire en espérant vainement que je vais bientôt me réveiller de ce cauchemar... Oui, je vais aller au tribunal... Je me dois d'y assister.

La matinée se déroule entre les cours de physique, de mathématiques, d'Histoire et les questions indiscrètes incessantes. Enfin la pause déjeuner retentit et je sors rapidement pour déposer mon sac dans mon casier. Je cours à l'endroit où j'attends toujours mes amies. Mais ce que je vois dans la cour principale me rend folle. Des dizaines de journalistes sont présents et interviewent des lycéens que je connais. Evidemment, toutes les personnes choisies sont celles que je déteste et réciproquement. Parmi elle, se trouve la personne qui me hait le plus. Elle sait que je viens d'arriver et quand elle me lance son sourire le plus narquois, mon sang ne fait qu'un tour. Je suis sur le point d'aller lui mettre mon poing dans le nez mais Camille sort de je ne sais où et m'attrape le bras avant de me tirer vers la file du réfectoire. Léa et d'autres froncent les sourcils et cherchent du regard la scène qui m'a fait perdre mon self-contrôle. Il ne leur faut pas longtemps avant de la trouver et je sais qu'elles vont s'en occuper sur le champ. Pendant que je me demande une assiette de ce que je souhaite, je remercie silencieusement tout esprit supérieur de m'avoir donné des amies aussi loyales. Dès que j'entre dans le self toutes les têtes se tournent vers moi et les mouches deviennent le seul bruit audible. Entre les expressions désolées et celles heureuses de mon sort actuel, je comprends que les nouvelles du lendemain porteront les calomnies qui sont en train de naître dans la cour principale.

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant