Chapitre 3

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Ces mots résonnent dans ma tête.

« Tu es à moi. »

Qu'est-ce que cela signifie ? Pour moi. Pour cette femme ? Pour mes parents ?

Milles et une questions se bousculent dans mon esprit en me figeant sur place.

« Laissez-moi tranquille ! Je ne vous connais pas. Je ne comprends pas ce que vous dîtes. »

« Je dis que tu es à moi. »

Je n'entends pas maman ouvrir la porte précipitamment après avoir entendu mes cris. Elle attrape la poignée de mon sac à dos et me tire à l'intérieur de la maison. Je ne manque pas le regard glacé et confus qu'elle lance à la femme dont le visage est toujours couvert.

« Je reviendrai. » murmure-t-elle avant de s'éloigner.

Je secoue la tête pour remettre mes idées en place mais je finis avec plus de questions que de réponses. Je regarde maman qui me fixe lourdement de plus en plus inquiète mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit.

« Va faire tes devoirs. »

« Mais je suis en vacances. »

Je grogne mais monte tout de même faire mes devoirs et prendre de l'avance car je comprends qu'elle souhaite juste être seule avec ses pensées. Maman en sait peut-être plus qu'elle ne m'a dit mais elle semble tout de même confuse.

Deux heures après, j'entends le claquement de la porte d'entrée se trouvant un étage en-dessous de la fenêtre de ma chambre. Ce bruit familier indique que papa vient de rentrer de sa journée de travail. Après avoir retiré son manteau et ses chaussures, il passe dans la cuisine regarder ce que nous dînons puis monte me voir.

Je sors mon cahier d'Histoire parce que j'ai un doute sur un point de ma leçon et je veux des explications. Papa lit mon cahier, commente que j'écris mal puis me fait une dissertation sur le point que j'ai manqué.

« Compris ? » demande-t-il comme si cela était une évidence.

« Non. »

« Ce n'est pas compliqué pourtant. Regarde dans des fiches de bac car les grandes mutations économiques sont le grand chapitre de la réforme alors ce sera un des deux sujets en Juin. »

« Et l'autre ? »

« Bien je suppose que tu devrais regarder les détails de la guerre d'Algérie. Cette année nous fêtons les cinquante ans. » dit papa en allant se changer dans sa salle de bain.

Papa a toujours été visionnaire sur ce genre de choses même si ce qu'il vient de m'annoncer ne m'étonne guère. Il m'a même fait lire plusieurs chapitres sur la place de l'art et le travail dans les sociétés pour préparer l'épreuve de Philosophie de l'année prochaine. Pourquoi ces deux thèmes en particulier ?

« Parce que ce sont les deux thèmes qui ne sont plus tombés depuis dix ans. Et en plus tu as de la chance, ils sont relativement simples. Tu verras que si tu as l'art, l'année après toi aura le travail et inversement. » a-t-il répondu lorsque je lui ai demandé pourquoi.

Je relis encore une fois mon chapitre sur les mutations économiques puis finis par abandonner pour aller regarder mon émission préférée à la télé. J'entends mes parents discuter dans la cuisine de leur journée respective et des prévisions météo du week-end. Vers vingt heures, je les rejoins dans la salle à manger où papa est déjà en train d'ouvrir le sachet de galantine. Je commence à manger puis enchaîne avec le fromage déjà sur la table. Au moment des desserts, papa se lève pour aller chercher les yaourts et ranger les fromages.

Boum.

« Ah il a fait une papa ! » s'exclame maman en riant légèrement.

Je ris en sachant que papa vient de faire tomber la boîte de fromage et qu'il est actuellement en train de les ramasser... Comme une fois sur deux.

Il revient avec les yaourts et son pot de miel dans les bras que maman attrape avant que le verre ne se brise au sol. Je sens l'atmosphère se tendre d'un coup jusqu'à ce que maman évoque ce qu'il s'est passé un peu plus tôt devant la maison. Son regard reste fixé sur son yaourt tandis que sa voix diminue dangereusement. Papa crache littéralement son dessert avant d'empoigner le pot de colère. Visiblement quelque chose se trame dans mon dos et je ne suis pas courant. Il se lève en emportant la vaisselle et maman le suit. Un silence tombe sur la maison entre colère, confusion et inquiétude.

Pendant que je me douche, j'entends papa éclater de rage.

« Comment est-ce possible ? » hurle-t-il.

« Calme-toi ! Tu vas lui faire peur ! » dit maman pour que je n'entende pas.

« Je savais qu'il y avait des risques mais jamais je n'aurais imaginé cela ! »

« C'est pourtant écrit noir sur blanc dans cette lettre... »

Quelle lettre ?

« Quand cette foutue lettre est-elle arrivée ? »

« Ce midi... Elle a dû la déposer elle-même et attendre Automne à la sortie des cours. Elle doit préparer tout ça depuis longtemps. Son mari doit être dans le coup aussi... » dit maman.

« Qu'ils aillent tous les deux se faire foutre ! Cette salope et son connard de mari ! Automne est à nous ! Comment ose-t-elle se pointer devant chez moi avant ce putain de bout de papier de merde pour nous voler notre fille ? » crie papa ivre de haine pour cette femme que je ne connais pas.

« Je pensais être à l'abris... »

La voix de maman se brise, signe qu'elle a commencé à pleurer.

« Personne ne s'en prendra à ma famille et encore moins cette salope ! Personne ne touchera à ma fille ! »

Mes yeux s'élargissent d'un coup en entendant les mots que papa vient de prononcer. Je ne sais pas si le choc est dû aux termes employés, à leur signification ou au contexte. He déteste les situations me concernant et sur lesquelles je n'ai aucun contrôle, et là je suis en plein dedans. Ce qui m'inquiète le plus c'est de constater que même mes parents, que j'ai toujours vu solides et contrôlants, semblent cette fois-ci dans une position fragile de défense.

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant