Chapitre 19

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Le silence qu'ont laissé mes parents comme héritage noircit mes pensées et me créé une armure de glace. Je ne comprends pas comment j'ai pu arriver jusque-là. Mes tentatives pour retrouver papa et maman se sont espacé. Je dois me faire une raison : mes parents ne veulent plus de moi et m'ont chassée de leur vie.

Léa et Camille restent dans l'ombre et ne veulent pas risquer de déclencher la bombe qui sommeille dans mon cœur. Tan a encore changé d'attitude avec moi depuis que tous ses arguments et explications se sont avéré vrais. J'ai pris conscience qu'il a été la seule personne à toujours me dire la vérité, violente certes, mais sans aucun mensonge. Nous avons fait la paix et nous nous sommes réconciliés. Du moins en apparence. De même, ma relation avec Madame et Monsieur s'améliore de jour en jour. Nous faisons des efforts des deux côtés mais je n'oublie pas papa et maman.

Les vacances d'été se déroulent sans trop d'encombre et j'essaie de reprendre une vie normale. Je garde mon esprit occupé pour avancer sans pour autant en oublier la promesse que j'ai faite à la fin du procès il y a quelques mois. Demain, c'est la rentrée. Je prépare mes affaires et m'assure que tout est en place pour cette nouvelle année scolaire. J'espère que tout ira bien cette fois. Je prie en me couchant mais ma nuit est sans rêve. Juste noire avec des voix douces m'appelant au loin. Je me réveille en secouant la tête pour les chasser. Cela devient une habitude étrange que j'ai gardé pour moi.

Je m'habille rapidement avec mes vêtements habituels et descends prendre mon petit-déjeuner. Au moment de partir pour le lycée, Madame m'attrape par le bras et place dans ma poche un paquet d'oursons en guimauve en me souriant. Je lui rends son attention et la salue avant quitte la maison. Tan est comme toujours en retard mais je tiens à ma routine donc je ne l'attends pas. Je mets mes écouteurs et lance mes musiques préférées.

Quand j'arrive enfin au lycée, j'attends que le troupeau d'élève devant le panneau des classes se disperse avant d'aller voir ma section. Je parcours rapidement les listes des yeux jusqu'à ce que j'aperçoive mon nom sur l'une d'elle. Je remarque quelques autres noms connus de l'année dernière. Je soupire en pensant à Léa et souhaite qu'elle soit là. Seul l'écho de ma pensée me répond. Je marche tranquillement vers la salle indiquée puis choisis une place au deuxième rang, pas trop loin du professeur mais pas trop près non plus.

Je baisse le volume de la musique pour pouvoir entendre un minimum les conversations autour de moi et particulièrement celles des personnes me dévisageant. La sonnerie de la première heure retentit et le reste de la classe se précipite à l'intérieur. Ma chanson se termine rapidement et je profite du bruit pour ranger mes écouteurs dans ma poche et mettre mon téléphone sur vibreur. Mon professeur principal est le dernier à arriver. Dès son entrée, il fait immédiatement taire les rangs derrière moi. Je sens toujours certaines paires d'yeux sur moi mais je fais mine de ne pas m'en soucier, laissant les discussions continuer à mon sujet. La rentrée n'est pas encore terminée que je sais déjà qui je n'aimerai pas dans ma classe.

Notre professeur fait l'appel puis distribue les emplois du temps nominatifs. Je découvre le mien non sans une grimace en voyant les deux heures de mathématiques le mardi midi ou celles d'italien le vendredi soir quand le reste de la classe n'a plus cours... Les horaires des deux options personnelles ne me plaisent pas non plus. Je commence la semaine avec deux heures d'option Histoire-Géographie puis une heure de Latin... Les autres commencent donc à onze heures et moi à huit heures... Je me maudis d'avoir choisi ces options... Mais la perspective d'avoir des points faciles en plus m'aide à garder ma motivation. J'avoue que l'option Histoire-Géographie n'a été prise seulement parce que papa n'aurait pas accepté que je passe à côté. Toutefois, je déteste ces années de réformes...

Après le discours officiel de rentrée et celui concernant le baccalauréat de fin d'année, nous commençons directement le premier cours de physique-chimie. La reprise n'est pas aussi difficile puisque j'ai anticipé le programme pendant les vacances. En revanche, la concurrence s'annonce rude. Sur les trente-deux élèves de ma classe, vingt-sept souhaitent aller en médecine, trois s'orientent vers les études en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques et les deux autres savent déjà qu'ils changeront de filière. Les résultats de chacun aux brevets des collèges et aux épreuves anticipées de l'année dernière parlent d'eux-mêmes : vingt-neuf mentions au brevet dont vingt-et-unes mentions très bien et près trois cents points d'avance cumulés par l'ensemble des élèves présents. Avec quinze de moyenne, je suis actuellement treizième sur trente-deux... Cela place directement le niveau de cette classe.

La cloche sauve mon cerveau d'une désintégration imminente due aux formules d'acides et de bases couchées sur les pages de mon cahier. Le cours suivant manque de m'achever avec ses suites numériques et ses équations linéaires. J'essaie de m'accrocher mais je ne sais plus trop si c'est au cours ou à ma montre. Ma voisine à ma droite remarque mon air dubitatif face à une équation de réels dans le plan linéaire. Je l'entends rire avant qu'elle ne saisisse son crayon à papier et n'ajoute un signe moins devant le premier nombre de mon système d'équations. Je n'ai jamais osé demandé à un professeur devant toute la classe quelque chose que je ne comprends pas alors je maintiens ma grimace malgré les explications de mon voisin de gauche. A cet instant, j'ai l'impression de ressembler à Homer Simpson avec le petit singe jouant des timbales dans sa tête... Je les remercie tous les deux puis les laissent continuer de suivre la leçon pendant que je me dis que je chercherai plus tard.

La journée de rentrée se termine quelques minutes plus tard et je remercie le ciel pour cela. J'attends Tan à la sortie et nous rentrons tous les deux. Quelques personnes qui me détestent depuis l'année dernière me dévisagent en me voyant aux côtés de Tan, surtout les filles et pas les plus fûtées du lycée. Il a toujours été populaire même si je ne comprends pas trop pourquoi. Une fois à la maison, je me prépare mon petit goûter habituel puis monte à mon bureau et ouvre mon agenda. Monsieur et Madame ne sont pas encore rentrés du travail donc j'ai du temps pour travailler. Je parcours les devoirs à faire et commence les exercices donnés. Lorsque j'entends la porte d'entrée claquer, je sais que Madame est de retour. Je descends alors mettre la table pendant que Tan s'occupe des autres tâches. Lui et moi racontons notre journée pendant le dîner avant que je ne me prépare pour une autre nuit sans rêve.

Quelqu'un crie mon nom. Très fort. Deux fois. Trois fois. Finalement, mon réveille sonne et me ramène à la réalité. Je reste assise sur mon lit en repensant à cette voix que je connais mais dont je ne parviens à mettre un nom ou un visage dessus. J'ouvre le tiroir de ma table de nuit et sors le cahier dans lequel je retranscris tous mes rêves et leurs potentielles significations. Les voix semblent devenir très occurrentes alors je décide que je ferai des recherches pendant le week-end. Je le replace dans le tiroir et entame ma routine du matin avant le premier cours.

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant