Comme à mon habitude, je préfère me lancer dans l'exercice où je pourrai prendre des points facilement. Celui-ci porte sur les probabilités et c'est bien l'un des rares thèmes du programme que je comprends. Je réponds rapidement aux questions posées en dessinant l'arbre pondéré et en calculant les probabilités. Je remercie tous les saints pour avoir choisi la loi binomiale et non la loi normale, centrée et réduite ou non, pour cet exercice.
Ensuite, j'entame l'exercice de fonction. Je me concentre un peu plus car il est celui avec le plus grand nombre de points du sujet. Je grimace en voyant la fonction du logarithme népérien sur ma feuille et constate la même réaction chez tous mes voisins, y compris Tan, Gatien et Erin. J'essaie de limiter les dégâts au fur et à mesure que j'avance dans les questions jusqu'à ce que celle sur l'algorithme m'achève. Je dois recommencer trois ou quatre fois mes calculs avant de pouvoir remplir plus ou moins correctement le tableau demandé.
Je contrôle rapidement le temps qu'il me reste et ne prend même pas la peine de répondre aux deux questions portant sur les intégrales exponentielles et sur une démonstration, et passe directement au troisième exercice. Ce que je redoute depuis le début de l'année vient de m'arriver : l'exercice de vrai ou faux avec justification des réponses se trouvent devant moi et compte quatre points... De plus, je ne suis déjà pas familière avec les plans orthonormés mais les nombres complexes se sont glissé dedans... Je n'abandonne pas pour autant et écris des débuts de réponses auxquelles je reviendrai ensuite.
Le dernier exercice du sujet porte sur les suites numériques et géométriques. J'enchaîne mes réponses sans en être totalement convaincue. Il me reste une trentaine de minutes alors je repasse sur mes différentes copies et ajoutent des justifications désespérées ici ou là. A la fin de l'épreuve, je pense avoir suffisamment de bonnes réponses pour obtenir la moyenne et ne pas me faire perdre de points.
Gatien, Erin et moi sortons du lycée pour déjeuner avant l'épreuve de l'après-midi. Nous trouvons une petite boulangerie fort appétissante puis nous nous installons sur un coin d'herbe non loin de l'établissement. Nous discutons des sujets terminés et sur les épreuves à venir.
« Ce n'est pas une bonne journée pour toi Automne. » se moque amicalement Gatien.
« Non en effet. Je déteste cette journée... Vivement que je puisse retrouver mon lit ce soir. »
« Mathématiques ce matin et anglais cet après-midi... Pauvre de toi. » rit Erin.
« Pauvre de moi, oui. »
« Demain tu pourras rattraper l'anglais tu verras. » me rassure mon ami.
« La deuxième langue a un coefficient moins fort que la première... Rattraper l'anglais sera dur même si c'est l'écrit. Mais je ferai comme ce matin... Je limiterai la casse. » dis-je en m'étouffant d'avance à l'idée de devoir encore me débattre cet après-midi avec cette langue que je n'aime définitivement pas.
Gatien et Erin se mettent à me chambrer sur le fait que j'ai choisi d'intégrer les classes préparatoires aux grandes écoles durant lesquelles la semaine est rythmée par quinze heures de mathématiques... Nous parions sur les écoles que nous obtiendrons mais je reste raisonnable sur mes chances d'y accéder quand un projet bien plus grand et important m'attend après le lycée.
« C'est l'heure de l'anglais. » dit précipitamment Gatien en se levant.
Erin et moi le suivons après avoir jeté nos déchets dans la poubelle. Je soupire avant même d'entrer dans la salle et le fais une deuxième fois en prenant ma place. Dès que nous sommes autorisés à retourner les sujets, je pince du nez provocant un rire de mes amis qui se sont retourné pour ne rien louper de ma réaction instinctive. Je leur tire la langue et commence à déchiffrer les questions.
« Petites phrases simples. Petites phrases simples. » me dis-je sans cesse en écrivant mes réponses.
Je comprends le fond mais après la grammaire... Pendant toute l'épreuve je me bats avec le sujet et relâche enfin toute la pression lorsque la cloche de fin d'épreuve et de journée retentit dans le lycée.
« Oui ! » dis-je un peu trop fort, faisant rire la moitié avant de la salle qui visiblement ressentait la même torture depuis trois heures.
Contrairement à mon habitude, je suis dans les premiers à rendre ma copie et à sortir précipitamment de cet enfer.
« Ne riez pas ! »
Ma demande n'a aucun effet sur Gatien et Erin littéralement pliés de rire devant moi.
« Allez c'est bientôt fini ! Il ne reste que deux matières que tu aimes. » dit Gatien.
Je lève le doigt comme une enfant :
« Objection votre honneur ! Il reste une épreuve que j'aime bien et une que je n'aime pas mais que je déteste moins que celles d'aujourd'hui. »
Mon frère me rejoint pour rentrer à la maison. Je ne sais pas pourquoi il tient à m'accompagner ce soir mais je le laisse faire. Avant de partir, Erin me dit qu'elle doit aller écouter une chanson d'Edith Piaf. Tan lui envoie une mauvaise blague qui ne l'atteint pas.
Ce soir je m'accorde une pause dans les révisions. Je m'allonge alors sur mon lit et prends mes ours en peluche et mon livre préféré. Mes yeux sont rivés sur le papier mais mon cerveau ne lit pas. Il est à des kilomètres de là en train de préparer le point culminant de ma vengeance. Je grogne un peu en essayant de me forcer moi-même de faire une pause mais je n'y parviens pas.
Je secoue la tête pour chasser les images de papa et maman en train de souffrir... Je suis sauvée de ma torture mentale par l'air de l'Hymne à l'amour d'Edith Piaf arrivant jusqu'à mes oreilles. D'où vient cette musique ? Probablement des voisins. Soudain, je me souviens des dernières paroles d'Erin. Je m'approche de la fenêtre et découvre un petit piaf sur le bord. Je vérifie les alentours et si personne ne se trouve dans le jardin avant de le laisser entrer.
« Que m'amènes-tu cette fois ? »
L'oiseau me tend sa patte et je décroche le papier écrit par la main de Léa :
'Utilise à bon escient l'argent que t'ont envoyé tes parents chaque mois.'
Argent ? Quel argent ?
Je n'ai pas reçu le moindre argent de leur part, en dehors des quelques billets qu'ils m'ont donnés lors de mes fugues. Encore une pièce du puzzle dont je ne sais pas quoi faire. Je me pince l'arrête du nez et ferme les yeux comme je fais depuis mon enfance quand je tente de comprendre quelque chose qui m'échappe. L'animal perché sur mon épaule se frotte à ma joue comme un chat.
Si je récapitule, je sais qu'ils ont été menacés si jamais je fuguais à nouveau, quelqu'un ou quelque chose bloque toute nouvelle d'eux et les a fait déménager, qu'ils souffrent, et qu'ils m'ont envoyé de l'argent dont je n'ai jamais vu la couleur. Je finirai par apprendre la vérité et menace mentalement la ou les coupables à tout cela.
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Le contrat
Short StoryExiste-t-il un sentiment plus fort que l'amour ? Une attache plus puissante que la famille au sein de laquelle vous avez grandi ? Lorsque trois ne forment qu'un, comment s'imaginer que ce lien puisse être rompu ? Automne, jeune adolescente rêveuse e...