Le contrat

Chapitre 28

Vendredi après-midi. Quatorze heures.

« Vous pouvez commencer. »

Le dernier sujet de la semaine est découvert par l'ensemble de la salle. Les sciences de la vie et la terre resteront à jamais graver dans ma mémoire grâce à l'étude de la limace de mer pour l'épreuve de spécialité...

Après avoir difficilement schématisé le magnétisme dans les zones de subduction puis traité le questionnaire à choix multiples sur les drosophiles et leurs chromosomes, je me lance dans l'exercice de la limace. J'imagine les moqueries de mes amies lorsque nous sortirons de cette salle.

Plus j'avance dans le sujet, plus je regrette l'épreuve d'italien d'hier. Ces deux heures ont été une petite pause dans cette semaine délicate. Mais ce n'est pas le cas pour Erin et Gatien qui se sont battu avec l'allemand et l'espagnol. Et tant que purs scientifiques, tout ce qui touche de près ou de loin au littéraire ne les intéresse pas.

Enfin, les trois heures trente sont passées et les terminales explosent de joie après avoir rendu leurs copies. Comme je m'y attendais, Gatien ne perd pas une seconde avant de me sauter dessus :

« Alors elle était bien ta limace ? » rit-il en se tenant le ventre.

« Très bien. Je sais maintenant qu'elle peut rester sans manger pendant plusieurs semaines après un repas... »

Erin s'écroule de rire en entendant ma réponse puis nous traine hors du lycée. Ses parents nous ont invité pour fêter la fin du baccalauréat. Pour nous, il s'agit surtout de partir loin de Tan et de ses parents pour reprendre nos recherches.

Je passe rapidement à la maison prendre mon sac et mes affaires pour ce week-end et sors rejoindre Gatien qui m'attend dans la voiture. Nous roulons en direction de la maison secondaire d'Erin à environ une heure de route du centre-ville. En chemin, je ne manque pas de faire la remarque que Gatien, roule jusqu'à chez elle sans GPS. Il se met immédiatement à rougir et à bégayer :

« Euh si si... J'allais le mettre. »

« Elle te plaît vraiment ! C'est trop mignon ! »

« Chut ou tu vas marcher ! »

« Ah oui ? »

« Oui je te fais descendre et tu vas marcher jusqu'à chez elle ! » dit-il en essayant d'être le plus menaçant possible mais je connais la parade.

« Et quelle explication comptes-tu donner à Erin sur le fait que tu m'aies faites descendre et que tu arrives seul ? »

Je peux entendre son cerveau réfléchir puis déposer les armes.

« Bon tu peux rester dans la voiture. » grogne-t-il défait.

Je ris et nous continuons de plaisanter pendant le reste du trajet. Je ne suis jamais allée chez Erin mais sa maison est telle que je peux me l'imaginer. Sa famille détient un grand domaine au milieu duquel se trouve un petit château.

« Mes parents sont partis donc nous avons tout cela rien que pour nous pendant deux jours. » crie-t-elle avant même que nous puissions descendre de la voiture. Je contourne le véhicule pour prendre mon sac dans le coffre mais je suis plaquée au sol avant même de pouvoir faire un pas.

« Mais qu'est-ce que... ! »

Je me relève d'un bond et lève mon poing prêt à l'abattre sur le visage de la personne qui vient de plaquer au sol. Je m'arrête net quand je vois qui se trouve devant moi.

« Léa ! »

Ma meilleure amie m'entraîne directement dans un vieux câlin d'ours.

« Câlin de nounours ! » hurle une troisième voix juste au-dessus de nous.

Léa et moi n'avons pas le temps de nous écarter qu'un corps nous jette au sol.

« Bonjour à toi aussi Camille. » ris-je en enlaçant mes deux meilleures amies.

Après un long câlin de retrouvailles, je leur demande ce qu'elles font ici.

« Eh bien tu peux t'en douter. Erin nous a invitées »

« Alors ils sont enfin ensemble ? »

« Camille ! » crie Léa alors qu'Erin rougit et que Gatien manque de s'évanouir.

« Les deux pieds dans le plat comme toujours Camille. » ris-je.

« Ils sont timides. »

« Ils ne sont pas doués surtout. Mais personne ne peut être moins doué qu'Automne lorsqu'il s'agit d'amour. » dit Camille.

« Héééé ! »

Je grogne de frustration et Léa me caresse la tête en se moquant :

« Tout doux le lion. »

« C'est Camille le Lion. Moi, je suis Verseaux. »

« Oh mon dieu la blague pourrie ! »

« Le même humour que mon père. »

Ce dernier sort de ma bouche avant que je ne puisse l'en empêcher et noircit l'ambiance d'un seul coup. Erin se racle la gorge et propose de commencer à préparer le dîner. Gatien prépare le barbecue pendant que Camille et Léa partent avec Erin chercher les assiettes et la nourriture. Je vais chercher les chaises de jardin pour tout le monde dans le petit cabanon. L'odeur des saucisses et des légumes grillées nous fait rapidement saliver. Pendant que nous dînons, nous parlons de la semaine qui vient de s'achever et des filières d'études supérieures que nous avons choisies.

Sans surprise, Camille part à la faculté en sciences biologiques et Léa en classes préparatoires des concours de kinésithérapeutes. Quant à Gatien, Erin et moi nous nous lançons tous les trois dans les classes préparatoires aux grandes écoles d'ingénieur. Nous évoquons tous les sujets possibles sauf le plus important que nous gardons pour demain. Même à des kilomètres de la ville, nous restons sur nos gardes vis-à-vis des voisins ou des potentiels espions de Tan. Après tout, j'ai bien trouvé un vieux dictaphone dans mon sac de sport en allant au lycée. Il avait nié son implication mais mon frère n'avait même pas pris la peine de supprimer ses anciens enregistrements... Lorsque j'en ai parlé à Madame et Monsieur le soir, les deux ont réprimandé leur fils mais j'ai bien saisi leur hypocrisie et que l'idée est venue d'eux. La déception s'est facilement lue dans leur yeux lorsque j'ai placé l'appareil sur le table du dîner.

Quand il l'a su Gatien a explosé de colère et m'a ramené des brouilleurs d'ondes que son père utilise parfois durant ses missions militaires. Mon frère se retrouve bien embêté quand tous ses plans pour me tracer s'avèrent inutiles. Nous passons la soirée et une bonne partie de la nuit à rattraper les vies de chacun et chacune puis décidons d'aller nous coucher en prévision de la journée de demain.