Chapitre 32

8 1 0
                                    

Je suis admise en école d'ingénieur.

Quinze jours après avoir sillonné la France pour passer des entretiens d'admission, je suis finalement admise dans l'école que j'ai classé comme vœu numéro un. Je ne peux pas être plus soulagée et heureuse en dehors du fait de ne pas pouvoir vivre la bonne nouvelle avec mes parents. Monsieur et Madame n'ont pas arrêté de me féliciter avec un air complètement faux et font savoir à qui veut bien entendre que leur fille est leur réussite absolue. J'ai clairement démenti cela mais comme l'a dit Tan, seul leur égo compte.

Mon frère, quant à lui, est fou de rage et me hait encore plus. La routine en quelque sorte.

« Patience, mon cher frère. Je ne serai bientôt plus de ta famille. » dis-je à moi-même tout en cliquant sur 'accepter le choix' sur la plateforme d'intégration des grandes écoles.

Je ne perds pas une autre seconde et appelle Gatien et Erin. Nous nous retrouvons tous les trois le soir chez Gatien pour fêter nos trois intégrations. Eux resterons à Paris et moi je vais devoir déménager à Lille.

« Sauvée par la philosophie à un concours d'ingénieur. » se moque Gatien.

« Chuuut. »

Erin verse trois coupes de champagnes et nous trinquons à notre réussite. Ses parents se joignent à nous et nous félicitent sincèrement. Nous restons en leur compagnie jusqu'à ce qu'ils décident de sortir en nous laissant finalement seuls. Erin attend que ses parents soient réellement partis avant de nous apprendre que Léa et Camille ont des hauts et des bas dans leurs études mais que globalement elles s'en sortent. De plus, elles ont presque rempli leurs tâches. Gatien s'est chargé de crypter toutes les données maintenant que l'avocat, le juge et les jurés sont à notre merci. Je ne sais pas comment ils ont réussi à tout mener de front... Après tout, rien de tout cela ne les concerne...

Tout est calé de leur côté. Le piège est sur le point de se refermer sur ces personnes sans scrupule. Désormais il ne nous manque plus que des aveux et il m'incombe de les obtenir le plus rapidement possible. Pour l'heure, je profite de mon intégration avec mes amis et passe la nuit à faire la fête. Jeu de rôle, devinette, blind-test musical... Nous passons le premier vrai moment de bonheur depuis plusieurs années avant que le sommeil ne décide de nous prendre au petit jour.

La douce odeur du plat mijoté me tire de ma nuit sans rêve. Gatien et moi sommes accueillis par le déjeuner que vient de préparer la mère d'Erin.

« Venez. Installez-vous. Où est ma fille ? »

« Ici. » dit Erin les yeux totalement fermés

Je claque la tête de Gatien pour qu'il ferme sa bouche et commence son plat. Erin nous rejoint à table toujours endormie. Ses parents nous posent certaines questions à la volée et rendent l'ambiance joyeuse jusqu'à ce que l'horloge du salon ne sonne l'heure de mon départ.

Quand je rentre à la maison, je suis accueillie par un violent coup de batte de baseball en pleine tête. Je reconnais le rire sadique de Tan et de ses amis. J'aurais dû savoir que mon frère se vengerait à mon retour. Il n'a jamais toléré ma présence ou même le simple fait que je sois en vie. Il m'a toujours reproché des faits dont je ne suis pas responsable et je me suis jurée qu'il me le paierait un jour ou l'autre. Le noir enveloppe mon esprit et mes yeux pendant qu'un liquide chaud s'écoule le long de mon visage. Mes pensées s'embrouillent et je n'entends plus que des voix lointaines m'appeler alors que je tombe inconsciente sur le sol de l'entrée.

A mon réveille, je suis dans un lieu qui me semble à la fois inconnu et familier. Le sang séché craquèle légèrement sous mon tee-shirt dans mon dos. Je tente de m'assoir mais un mal de tête me recouche immédiatement. Je grogne fortement entre la douleur et la colère.

« Oh merde ! »

« Tu restes allongée ! »

« Aussi têtue que son père ! »

Je fronce les sourcils. Je connais ces voix. Mes yeux et mon cerveau luttent pour s'adapter à la lumière et à la pièce. Puis finalement, je reconnais les silhouettes devant moi. Je suis surprise de voir mes deux tantes aînées devant moi. Je n'ai plus eu de nouvelles de mes oncles et tantes depuis la disparition de papa et maman...

« Qu'est-ce que je fais ici ? »

« Eh bien tes amis t'ont conduite ici après avoir découvert ce que ton frère t'a fait. » dit ma tante en crachant sur le mot frère.

« En effet. » dit une voix mêlée de tristesse et d'inquiétude.

« Erin ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

« Quand tu es partie de la maison après avoir fêté nos résultats aux concours, Gatien et moi t'avons suivie car nous avions un mauvais présentiment. Nous t'avons trouvée inconsciente dans l'entrée au milieu des débris de bouteilles que Tan a laissé avant de s'enfuir comme le lâche qu'il est. Gatien s'est battu avec lui et même avec Monsieur lorsqu'il a compris que cet homme a été témoin de toute la scène mais n'a rien fait pour arrêter son fils. Après quoi, nous t'avons amenée chez ta tante. »

« Mais comment avez-vous trouvé son adresse. »

Erin penche la tête sur le côté pour montrer l'évidence de la réponse.

« Ah ba oui. »

« Tu as des questions idiotes parfois. » se moque-t-elle doucement.

« Mais ? Et mes affaires ? »

Cette fois, elle ne dit rien et se contente de hoche la tête en direction de la pièce voisine.

« Tes amis ont fait plusieurs allers-retours avec nous pour récupérer tes affaires chez ces enflures. » explique ma tante.

« Dieu merci, tu n'es pas une accro du shopping. » soupire mon autre tante.

Les larmes me montent aux yeux de reconnaissance et les mots se bloquent dans ma gorge.

« Tes tantes sont au courant de tout maintenant. »

« Tout ? »

« Tout ! »

« Mais vous ne saviez pas pour papa et maman ? »

« Non... Nous avons essayé de les appeler de nombreuses fois mais ils n'ont jamais répondu. Nous avons pensé qu'ils souhaitaient juste être seuls pour faire face à leur chagrin... Jamais nous ne serions douté un seul instant de ce qu'il se passait réellement. Si nous avions su nous aurions tout fait pour te sortir de cette famille... »

Je grimace en me demandant pourquoi aucun de mes oncles et mes tantes n'ait insisté.

« Je n'ai toujours pas leurs aveux. »

« Tout doux Némésis. Tu as un traumatisme crânien ! » crie Erin.

« Tout le portrait de son père... »

« La preuve qu'ils sont mes vrais parents. »

« L'impulsivité de son père et la détermination de sa mère... Je plains ses prochaines victimes. » rit la sœur aînée de papa.

« Tu les plains ? »

« En fait, non. Je ne les plains pas. »

« Je veux qu'ils souffrent. Je veux que tous ceux qui m'ont fait du mal souffrent autant que moi ces dernières années. A commencer par cette famille se disant légale. Je me ferai un plaisir coupable de les détruire. »

« Automne... »

« Je veux ma famille. » dis-je sèchement les larmes aux yeux en pensant à papa et maman qui souffrent quelque part, seuls...

« La vengeance n'est pas toujours efficace. » me reproche mon oncle, entré discrètement dans la chambre.

Je fixe le plafond. Un feu rougeoyant brûle dans mes yeux.

« Il n'y a rien de plus puissant que le sentiment de la vengeance accomplie. »

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant