Chapitre 18

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Tout semble si intact. Un mètre après la porte, mon bureau se dresse là fièrement. Mes cahiers d'école sont à droite et les cahiers de vacances sont à gauche. Entre les deux, se trouve la grande carte du monde plastifiée. Face à elle, toutes mes règles sont parfaitement alignées. Juste au-dessus, la vieille imprimante attend ses copies aux côtés de mes trois pots à crayons. L'un d'eux est un ancien pot de confiture préférée de maman, celle à l'orange. Je l'ai peint avec elle grâce à de la peinture spéciale verre. Un trait rouge, un trait bleu, un trait vert, un trait jaune, un trait rouge, un trait bleu, un trait vert, un trait jaune. Les bords ne sont pas nets mais je n'ai jamais eu la fibre artistique. Les deux autres sont plus classiques : un noir avec Tintin et Haddock et un tout rouge. Les stylos à paillettes sont rangés en désordre dedans bien qu'aucun ne dépasse vraiment.

A droite de mon bureau, la table d'ordinateur manque de se casser à tout instant. Malgré tout, elle continue de supporter le poids de l'écran blanc et de la centrale. Ma chaise noire et bleue avec des petits points rouges et verts a l'air plus propre que la dernière fois que je l'ai vue chez papa et maman et pourtant il s'agit de la même. Je continue mon tour de chambre avec la commode blanche à trois tiroirs contenant mes vêtements. Chaque poignée au milieu a trois boules de couleurs claires, violette, orange et verte. Aujourd'hui, cette commode est dans le grenier et contient les draps. Enfin, c'était le cas avant que mes parents ne quittent mystérieusement la ville. Sur le dessus, il y a des sculptures de chats rouge et blancs et un ours vert clair.

Je souris en retrouvant juste à côté du meuble, mon petit coin bibliothèque. Je l'appelais ainsi car il était dans l'angle droit en face de l'entrée de ma chambre. Ce coin formé par la commode et le pied de mon lit, contenait une étagère bancale avec tous mes livres d'enfants. Les Disney en haut, puis les j'aime lire et enfin les petites histoires comme Ariel le poisson ou Etoile. Mes livres préférés sont visibles d'où je suis. Un Noël tout blanc, Les plus beaux contes de Noël et Je cherche quelque chose de bleu ne m'ont pas quittés et sont dans mon coffre-fort chez Monsieur et Madame. Copains des sports et Copains des chats sont ouverts sur le sol au milieu d'une dizaine de peluches, prouvant que je n'ai pas vraiment changé.

Sur mon lit, se trouve Glaçon, Caramel et Chat Rouge. Chacun à sa place habituelle. Maman a mis mes draps préférés : les bleus turquoise avec les Winnie l'ourson s'envolant en tenant un ballon rouge. Sur ma table de nuit, ma lampe et ma boîte à bijoux en pierre polie n'ont pas bougé elle non plus. Mon réveil Pikachu a ses couleurs vives sur lesquelles se reflètent les rayons du soleil couchant. Sur le verre du dessous, le petit chat en verre avec les pattes, la queue et le nez bleu azur a l'air d'avoir été soufflé hier. Les larmes me montent aux yeux. Ce chat en verre est un cadeau de mamie lorsque j'étais chez mes grands-parents durant un été. Un souffleur de verre était venu dans la ville et mamie m'avait demandé de choisir un animal. Je l'ai toujours mais sa queue est cassée mais il lui manque la moitié de sa patte avant gauche. Il est également dans mon coffre-fort. Pendant mon enfance, il était tourné vers la porte de ma chambre parce que je pensais que de cette façon il était prêt à s'échapper si Isis voulait jouer avec...

Tout est à sa place comme dans ma mémoire. Tout est aligné et mon côté maniaque sourit satisfait. J'entends les miaulements d'Isis dans la cuisine. Maman a dû ouvrir le tiroir à pâtée. Puis les miaulements rapides m'indiquent qu'elle a plutôt ouvert la plaquette de jambon. Le rire de papa et le mien me parviennent à nouveau alors je rejoins ces fantômes heureux dans le salon. Maman redresse le bulgum et la nappe de la table avant de déposer les assiettes creuses aux bords bleu ciel. J'observe ces silhouettes si fragiles. Papa me pose et demande d'éteindre la musique avant de prendre la casserole de soupe maintenant liquide. Je me regarde grimper à ma place sur la chaise beaucoup trop grande pour mon âge.

Je retiens mon rire face au dégoût de papa et du mien à la première cuillère de soupe. Je savais qu'elle n'était pas bonne. Papa se dépêche de terminer son assiette pour aller chercher le jambon et le fromage. Isis saute sur la quatrième chaise, la sienne. Aucun de nous trois ne résiste à lui donner un petit morceau. Après avoir fini, elle saute sur mes genoux et se couche. Je termine tant bien que mal ma soupe et je passe au jambon. Isis me regarde et je craque pour un autre petit bout qu'elle attrape immédiatement. Après ça, le fromage est lui aussi dégusté et papa le remmène à la cuisine. Un grand boum se fait entendre et je sais que papa a fait tomber la boîte en plastique contenant les boîtes de fromages... Certaines habitudes ne changent décidemment pas. Il revient avec les yaourts pendant qu'Isis se frotte contre moi en ronronnant.

Je reste là à observer les scènes les plus heureuses de mon enfance les larmes aux yeux. Le jour commence à baisser alors maman débarrasse pendant que papa secoue la nappe et ferme les store du salon et des chambres. Je suis ensuite les trois silhouettes dans le salon télé et les regarde s'effondrer sur le grand canapé jaune. Isis saute sur l'accoudoir et met quelques secondes pour choisir les meilleurs genoux. Elle penche la tête à droite puis à gauche et prend finalement sa décision. Toujours la même. Elle passe papa puis se couche sur moi en ronronnant très fort. Isis tend sa patte et pose doucement son coussinet sur ma joue. Elle se blottit dans mon cou et ronronne encore plus fort. Papa, vexé, se met à bouder légèrement. Maman se met à rire puis allume la télévision.

La moi juvénile n'écoute pas les informations et préféré caresser Isis couchée sur ses genoux. Lorsqu'il est l'heure d'aller se coucher, je me lève avec difficulté et me prépare. Je ne suis pas encore totalement dans mon lit qu'Isis reprend sa place sur moi, assez haut comme à son habitude. Papa et maman la regarde faire en souriant. Un oreiller est placé à droite de ma tête. Il est pour elle quand elle décide de dormir dessus vers le milieu de la nuit.

Papa et maman m'embrassent tous les deux.

« Nous t'aimons. » dit papa.

« Pour toujours ? »

« Pour toujours. » répond maman.

Ces deux petits mots sont un électrochoc pour la véritable moi juste derrière eux. Je meurs d'envie de les toucher, de les prendre dans mes bras. Mes sanglots tombent sur le sol de ma chambre tandis que ma main se tend vers mes parents toujours au-dessus de ma silhouette d'enfant en train de s'endormir. Je sens une attraction me m'entraîne vers l'arrière. Je crie, je les appelle mais la force me tire de ma mémoire alors que je me réveille l'oreiller et mes ours trempés de mes larmes.

Je tourne la tête pour tenter de garder encore un peu le bonheur de mon enfance. Lorsque je les rouvre, le cadre sur ma table de chevet contenant les photos de papa, maman et moi me jette violemment la réalité à la figure et je me sens plus que jamais seule. Mes parents biologiques m'ont laissée deux fois et maintenant papa et maman m'abandonnent eux aussi. Une seule question tourne dans ma tête :

« Qu'ai-je fait pour mériter tout cela ? »

Le contratOù les histoires vivent. Découvrez maintenant