Mon cours d'anglais me tue dès le matin. J'ai toujours détesté cette matière presque autant que les mathématiques si ce n'est plus... Après l'anglais, j'enchaîne sur la physique-chimie, les sciences de la vie et de la terre et les deux heures de sport. Le déjeuner est fort apprécié après le badminton.
Le cours que j'attends avec impatience depuis le début du lycée commence vers quatorze-heures et j'y retrouve mes deux voisins. Je ne sais pas si leur place à mes côtés est voulue mais je n'y prête pas attention. Dès le premier chapitre, la classe se sépare alors en deux groupes distincts. D'un côté ceux pour qui la philosophie est une évidence et de l'autre ceux pour qui cette matière est l'équivalence des mathématiques pour moi.
Je fais partie du premier groupe mais mes voisins du deuxième. Cette fois-ci, c'est à moi de leur expliquer ce qui provoque un fou rire chez nous trois. Chacun ses intérêts apparemment. Ils me proposent alors un pacte : je les aide en philosophie et ils m'aideront avec les équations. J'accepte avec méfiance mais me laisse faire un pas vers eux. Le sentiment de trahison envers Léa et Camille me saute à la gorge et je me referme aussitôt.
A la fin de la journée, je passe rapidement à mon casier pour récupérer mes affaires. Soudain, mon nez percute violemment le métal du casier juste au-dessus du mien. Je sens le sang couler de mon nez et de ma lèvre ouverte. Je suis alors retournée d'un coup sec mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit car une main entre en collision avec mon visage tandis qu'un poing ferme rencontre mon estomac. Je tombe à genoux en crachant le sang que je retenais dans ma bouche. Des voix féminines me crient dessus. Une main me relève avec force et la voix de son propriétaire m'ordonne de rester loin de Tan avant que l'arrière de ma tête ne frappe les casiers derrière moi. Deux silhouettes lui sautent dessus et l'empêche de me battre à nouveau. Je retombe sur le sol mais je reconnais mes deux voisins de classe. Une dispute commence entre eux et les trois lycéennes me reprochant je ne sais pas quoi.
« Reste en dehors de ça Gatien ! » hurle l'une d'elle.
« Laissez-la tranquille ! » dit ma voisine en se baissant pour se mettre à mon niveau.
« Ne t'en mêle pas Erin. » dit Gatien.
Je me rends compte que c'est la première fois que j'entends leur prénom malgré les deux cours passés les uns à côté des autres. La dispute est sur le point d'en venir aux mains entre Erin et les deux autres filles derrière Gatien mais une voix virile les arrête.
« Laissez ma sœur tranquille ! »
Cette fois c'est Tan.
« Sœur ? » disent simultanément les trois lycéennes, toujours tenues à distance de moi par Gatien et Erin.
« Oui ma sœur. »
« Mais nous pensions que c'était ta meuf... » bégaie l'une d'elle maintenant complètement blanche de peur.
« Non. Elle est ma sœur ! Vous venez de frapper ma sœur ! »
Tan prononce quatre fois le mot « sœur » à mon propos et pourtant ce mot ne résonne pas comme il le devrait à mes oreilles. Je sais que nous essayons de créer une relation saine et de nous reconstruire mais ce mot dans sa bouche apparaît comme un crachat de mépris... Il ressemble à un rappel de la trahison de mes parents et de la victoire de Monsieur et de Madame bien qu'il se veut protecteur. J'ai toujours les yeux fermés mais mon cerveau s'est enclenché.
Tan hurle une dernière fois puis m'aide à me relever. Il vérifie mon arcade qui s'est ouverte et m'emmène à l'infirmerie. Gatien et Erin nous suivent et explique tout à l'infirmière. Tan lui demande de faire quelque chose car il ne veut pas d'ennuis avec ses parents. Ah. Nous y voilà. L'anguille sous roche s'est montrée. Mon frère ne s'inquiète pas pour moi comme je peux le faire pour lui mais seulement de la réaction de Monsieur et de Madame s'ils me voient revenir à la maison la tête ouverte. Je prends note mentalement de l'écrire dans mon cahier dès que je serai rentrée.
L'infirmière me soigne rapidement après avoir essuyé le sang et panser la plaie au-dessus de mon œil. Je reste silencieuse tout comme Tan qui me fixe l'air en colère. Au bout d'une demi-heure, je peux finalement partir avec l'ordre de faire attention à moi. Gatien et Erin ont à peine de temps de me saluer que Tan me tire sur le chemin de la maison. Durant tout le trajet, mon frère crache ses remontrances. Il me reproche de ne pas faire attention à moi, même si ce n'est pas ma faute s'il n'attire que des QI d'huitre. Je finis par ne plus l'écouter mais une phrase retiens mon attention : « Nous n'avons pas fait tout ça pour ça. »
Que veut-il dire ? Qu'entend-il part « ça » ?
Quelque chose ne va pas dans cette histoire et depuis le début.
Arrivés à la maison, Madame se précipite vers moi l'air paniqué, mais davantage comme l'était Tan à l'infirmerie plutôt que comme Erin lorsqu'elle m'a protégée tout à l'heure. Madame regarde rapidement mes blessures puis m'ordonne de monter faire mes devoirs. Je comprends que ce n'est qu'une excuse pour m'éloigner et pouvoir parler à Tan. Cela se confirme quand j'entends des cris provenant du salon alors que je ne suis même pas encore dans ma chambre.
« Comment as-tu pu la laisser se faire frapper ? »
« Je ne suis pas son garde du corps ! »
« Je t'ai demandé de garder un œil sur elle ! »
« Depuis quand tu t'inquiètes pour elle ? »
« Depuis que j'ai dépensé pratiquement toute ma fortune pour que justice soit faîte. Et je ne veux pas que ses anciens parents reviennent dans ma vie. »
« Pourquoi reviendraient-ils ? Tu as gagné non ? Tu as eu ce que tu voulais. »
« S'ils apprennent que leur fille adorée se fait battre ils penseront que c'est nous qui la frappons. Ils seraient capables de revenir et de nous attaquer en justice. »
« Et alors ? Tu es sa mère légale et puis ses parents biologiques te l'ont vendue donc je ne comprends pas en quoi cela serait un problème pour toi. »
« Ces deux pauvres idiots ont sous-estimé mon égo. Mais je ne peux sous-estimer le lien qu'ils avaient envers leur fille. Tu devrais en faire de même. »
« Ba si jamais ils reviennent, nous nous en occuperons encore une fois. »
« Ne sois pas aveugle. Ils aiment toujours ma fille. Ils reviendraient se battre pour elle s'ils le jugent nécessaire à son bonheur. »
« Et ? »
« Et cela anéantirait tout ce que j'ai mis à en place. »
La porte d'entrée se referme dans un bruit métallique indiquant que Monsieur vient d'arriver. La dispute entre la mère et le fils cesse immédiatement et l'hypocrisie la remplace pour accueillir le chef de famille. Je me précipite dans la salle de bain pour prendre ma douche avant qu'un des trois ne découvre que je viens de tout entendre.
Sous l'eau chaude qui caresse ma peau et l'ecchymose sur mon ventre, les événements de cette fin de journée tournent en boucle dans ma tête. Plusieurs informations sont révélées. Premièrement, papa et maman m'aiment toujours d'une certaine façon. Deuxièmement, mes ils n'ont pas disparu d'un seul coup et d'eux-mêmes. Troisièmement, je suis maintenant sûre que cette garce en robe de satin sur talons de prostituée y est pour quelque chose. Et enfin, Tan et Madame sont bien associés dans une sordide histoire dont ma famille et moi sommes les pions.
La colère monte en moi.
Papa et maman sont pris au piège quelque part par quelque chose que j'ignore. Je dois découvrir ce que c'est sans éveiller les doutes des occupants de cette maison. Ensuite, ces deux enflures ont voulu jouer avec moi sur le dos de mes parents ?
Alors jouons.
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Le contrat
Short StoryExiste-t-il un sentiment plus fort que l'amour ? Une attache plus puissante que la famille au sein de laquelle vous avez grandi ? Lorsque trois ne forment qu'un, comment s'imaginer que ce lien puisse être rompu ? Automne, jeune adolescente rêveuse e...