« Je ne vois pas en quoi cela me concerne. Oui cela prouve que j'ai donné de l'argent. En quoi, ce sont des preuves que je l'ai fait pour telle ou telle raison. » questionne Madame sans jamais se débarrasser de son air prétentieux.
« Automne ? » me demande mon avocate.
« Léa ? »
« Oui ? » demande-t-elle en me regardant.
« A toi l'honneur. »
Je sais que ce serait plutôt à moi de le faire mais Léa a été là pour moi depuis le début alors je veux que la lumière soit sur elle. Elle connaît aussi mes parents donc peut-être que cette histoire la touche également d'une certaine manière. Maman m'interroge du regard sur l'implication de ma meilleure amie dans ce procès.
Notre discussion visuelle est interrompue par Léa qui se lève en tenant un boîtier. Elle tend le bras vers l'écran et déclenche l'enregistrement audio. La voix de Madame et des autres présents ce jour-là se font entendre. Sur les visages horrifiés se tournant vers moi se trouve la même question : 'comment ?'. Les minutes s'enchaînent et je savoure les expressions perturbées en face de moi. Lorsque l'audio s'achève Madame, piégée, tente de riposter et prend la parole avant son avocat :
« Qu'est-ce qui prouve que c'est bien moi sur cet audio ? Il n'y a pas d'image ! »
Je soupire.
« Camille ? Je t'en prie. Après toi. »
Maître Siopi se tourne vers elle et Camille lui tend un dossier avec des courbes et des tableaux statistiques par-dessus la rambarde séparant les bancs des parties civiles et l'espace réservé à la défense. De l'extérieur, Camille paraît avoir pris des années de maturité. Elle semble plus dure et plus froide, à l'opposé de celle qu'elle est restée à l'intérieur.
Maman me lance un second regard complètement déboussolée. Je réalise que maman n'a pas revue Léa et Camille depuis cinq ans. La dernière image qu'elle a d'elles sont deux adolescentes plus ou moins tranquilles, sans problème et amies avec moi. Il lui est difficile de les imaginer comme deux membres à part entière d'un groupe d'enquête et prêts à les défendre. Avec le recul, j'admets que je suis dans le même cas qu'elle. Je n'avais aucun doute sur la détermination et les moyens de Camille mais j'avoue que Léa a magnifiquement changé. Et ce qui est encore plus beau est le fait qu'elle ait su rester elle-même et garder ses qualités qui ont fait d'elle ma meilleure amie il y a des années.
Un sourire se glisse sur mon visage à mon insu. Je suis tellement fière de mes amies et leur parcours. Je suis aussi heureuse d'avoir Gatien et Erin à mes côtés. Ils sont très complémentaires avec Léa et Camille. Les quatre fantastiques comme je les appelle et ils le sont réellement. La voix de Maître Siopi me sort de mes pensées.
« Monsieur le président, messieurs dames les jurés. Voici la preuve ultime. Ce sont les études fréquentielles des voix sur l'enregistrement réalisées à partir des échantillons des voix officielles des personnes ici présentes. Comme vous pouvez le constater, il n'y pas de différence. »
Madame me fusille de son regard que je maintiens en levant le menton.
« Je suis bien plus qu'un trophée. » lui dis-je en reprenant ses propres mots.
« Automne, pouvez-vous nous préciser ce que vous réclamez à la cour s'il vous plaît ? Pouvez-vous nous faire parvenir de la requête écrite que vous adressez aux juges ici présents en vue d'une décision de justice ? » demande Maître Siopi.
Je fais mine de réfléchir à ce que je suis sur le point de demander. Je me délecte du léger espoir de Madame avant de lui retirer en informant la cour de mes requêtes.
« Je demande simplement la justice. Il y a cinq ans ces personnes m'on enlevée à mes parents par pure vanité et ont attiré le déshonneur sur ma famille et moi. Je demande que ces corrompus, jurés comme avocats, soient punis en conséquence de leurs actes. De plus, je souhaite que les jurés punissent ces ignares qui ont osé juger et s'en prendre ouvertement à mes parents. Je veux qu'ils regrettent leurs termes employés de 'voleurs d'enfant'. Les seuls qui ont volé quelque chose ce sont ces jurés corrompus qui m'ont volé des années de ma vie. »
« Continuez. »
« Pour mon frère, je demande à la cour qu'il soit jugé pour ses actes autant que ses parents. Quant à Madame et Monsieur, je ne pense pas que le fait d'être leur fille sur un contrat font d'eux mes parents. Au vue de tous leurs actes, je demande justice et sentence. »
« Et pour vos parents biologiques ? »
« Je n'oublierai jamais les mots prononcés à mon égard. Et je veux que, en plus de la justice pour corruption et vente d'enfant, ils sachent tous les deux que leur mépris et leur haine est réciproque. »
« Autre chose ?
« Oui. Je veux que justice soit rendu et je veux retrouver ma vraie famille. Je veux que les personnes que je considère comme mes parents le soient légalement pour que plus jamais un fou ou folle égoïste ne me sépare d'eux. Je veux donc que le contrat légal soit abandonné ou du moins je souhaite l'annulation de mon adoption par Madame et Monsieur. »
« Tu n'as pas pu t'en empêcher. » rient mes amis dans mon oreillette.
« Je l'ai laissée me considérer comme un objet pendant des années alors je peux bien profiter un peu. » dis-je discrètement en replaçant une mèche de mes cheveux sur mon oreille.
« Mais il est énervé l'ourson. » glousse Erin.
Je rougis face au surnom quand celui-ci résonne dans toute la salle. Je remarque le léger rictus au coin des lèvres de mon avocate se retenant de rire.
« Oups. Pardon. »
Je me retiens de toute mes forces quand Camille lui couvre la bouche avec sa main pour l'empêcher de crier après que Gatien lui a donné un coup dans les côtes.
« Monsieur le président. Je pense que vous avez tout ce qu'il vous faut. J'ai terminé. »
« Objection ! » hurle simultanément Maîtres Dolios et Nguyen.
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Le contrat
Short StoryExiste-t-il un sentiment plus fort que l'amour ? Une attache plus puissante que la famille au sein de laquelle vous avez grandi ? Lorsque trois ne forment qu'un, comment s'imaginer que ce lien puisse être rompu ? Automne, jeune adolescente rêveuse e...