CHAPITRE DEUX

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Campement du Barcus – Imprenables d'Azil

Pour la dixième fois de la journée, Erwan plaqua les derniers accords sur le manche de la guitare et les fit durer en chantonnant son :

It's just some Rock n' Roll !

Cette chanson l'apaisait ! Sans qu'elle soit sa favorite. Mais pour se détendre, se relaxer, laisser son esprit vagabonder, il la jouait souvent.

Les derniers jours avaient été stressants, bien plus que les précédents. Depuis l'accident de Tranit dans le donjon et son rapatriement dans son chariot, le jeune homme avait réussi à échapper à presque la quasi-totalité de ses fonctions officielles. Pourtant les pressions du roi, des druides, puis maintenant des prisonniers, étaient difficilement gérables.

Les portes intérieures du donjon s'étaient ouvertes après être restées closes des centaines d'années, c'était ce qu'affirmaient les légendes et cela avait enclenché quelque machinerie dont tout le monde ignorait l'existence. Erwan avait vu le liquide jaillir de la cruche. Il avait bien vu que personne ne pouvait le toucher, comme protégé par une gangue invisible.

Erwan savait que ce n'était pas de l'eau et les quelques fumerolles aperçues parfois sortant de la cruche lui laissaient penser que c'était de l'hydrogène liquide ! Comprimé sans doute à trois cents et quelques bars, le minimum si sa mémoire était bonne, ce qui dépassait l'entendement. Il lui était impossible d'aller sous cette immense statue et d'y chercher une raffinerie ! Il supposait qu'il aurait besoin de Tranit pour que les accès se libèrent.

Il repensa à l'immense statue de la déesse puis examina de nouveau le visage de la jeune convalescente. Une telle ressemblance, ce n'était pas possible, pas humain !

Il avait fréquenté des jumeaux et finissait toujours par déceler un petit quelque chose permettant de les différencier. Bon, quand ils décidaient d'emmerder tout le monde en se faisant passer pour l'autre, Erwan tombait aussi dans le panneau, mais dans la vie courante, avec le temps, il savait avec qui il parlait. À comparer la jeune femme avec cette statue, ce n'était pas possible, comme si c'était une réplique exacte, trop exacte de son original.

Il se leva de nouveau et passa dans le vestibule du chariot d'habitation, là où il travaillait depuis l'incident. Il sectionnait ses journées en différentes périodes lui permettant de réfléchir longuement à plusieurs projets tout en effectuant a minima ses obligations de seigneur et de de facto chef de l'armée d'invasion levée moins de quatre mois plus tôt par le prince Saert de Lannemezan, qui à son grand regret, semblait avoir échapper à l'annihilation des maraudeurs qu'il avait rêvé conduire au pillage en Azil.

Tranit avait tellement bien retourné la situation que les quelques chevaliers survivants assez hauts placés pour pouvoir expliquer à Erwan ce qu'était exactement le projet du Lannemezan étaient en piteux états et tous incapables de parler, soit en raison de leurs blessures, soit parce qu'ils n'étaient pas encore revenus à eux. Et les liaigs ne se montraient guère optimistes pour un certain nombre.

Apparemment, quand Tranit décidait d'y aller... ça tapait très dur. Erwan repensait aux trois engagements qu'elle avait connus avant de lancer l'assaut sur les Imprenables et il n'y avait quasiment eu aucun survivant. C'était surprenant, avec cette jeune femme qui mettait un soin particulier à économiser la vie de ses hommes, que les combats qu'elle menait connaissaient des issues extrêmements sanglantes.

Mais ce n'était pas l'heure de philosopher. Ses enseignes lui apportaient régulièrement des piles de documents, de rapports et Erwan ne pouvait que s'y plonger pour soit s'informer de l'évolution de la situation, soit décider de la marche à suivre.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant