CHAPITRE DIX-HUIT

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Transmettre la demande, la faire connaître à Erwan, lui laisser le temps de réfléchir ou quoi que ce soit d'autre puis d'envoyer sa réponse, tout cela n'avait pris que le temps d'un déjeuner, alors qu'avec des cavaliers, il aurait fallu une bonne partie de l'après-midi.

Accéder au maréchal Rowèn pour lui demander directement l'autorisation d'utiliser le toit du bâtiment dans lequel il avait installé son quartier général avait été plutôt facile.

Dès que la petite Oliane lui avait dit qu'un chariot de la Cavalière, comme il appelait les kañvs et Tranit, depuis qu'il avait voyagé à leur bord et assisté à ce miracle, viendrait d'ici peu se poser, il avait donné des ordres stricts.

La rigidité de ses instructions, l'urgence absolue comprise par son entourage faisait que maintenant la nouvelle s'était répandue parmi tous les groupes qui savaient que quelque chose allait se produire.

Dans la prison troglodyte, même les quelques prisonniers sentaient que quelque chose allait se passer et si la construction des échafauds et potences s'était ralentie, les coups de maillets encore donnés, les bruits de scie n'en paraissaient que plus forts.

Cela s'était ressenti sur l'attitude de Lovier qui oscillait entre panique, désarroi et fureur. Suwane avait demandé à la carabinière d'aller faire quelques pas dehors tant elle voulait de nouveau massacrer le captif.

Suwane, grandement aidée par son mutisme et des années passées dans l'entourage de son père irascible, restait sereinement assise à écouter les réponses que l'ancien apprenti apportait concernant les morceaux qu'elles avaient choisis.

Bien heureuse d'en avoir pris autant, cela lui permettait de noter beaucoup de commentaires que le prisonnier ne pouvait s'empêcher de prononcer au bout d'un moment. Elle était persuadée que la plupart des choses qu'elle notait étaient inconnues des charpentiers, des artisans qui n'étaient pas dans le secret des druides.

Elle redoutait même maintenant de commencer à manquer de papier.

Elle allait lancer un des derniers morceaux choisis quand tous les bruits extérieurs cessèrent un long moment avant qu'une brève vague de murmures puis d'incompréhensibles exclamations de stupeurs éclatent partout en même temps.

Lovier resta figé, tentant de comprendre ce qui se passait. Il lança des regards apeurés vers les deux jeunes femmes et finit par s'adresser directement à Suwane. Malgré l'état de fatigue, de confusion dans lequel il se trouvait, il avait fini par comprendre qu'elle était la vraie cheffe ici.

— C'est quoi, ça ? Qu'est-ce qui se passe ?

Il paniquait en constatant que les deux jeunes n'étaient absolument pas troublées par ce qui se déroulait à l'extérieur.

— Peut-être que c'est bon signe pour toi, lui lança Oliane, ironique. Sa Seigneurie le Fils de l'Éclair bleu daigne nous envoyer un message. C'est probablement un envoyé de la déesse Tranit qui vient d'arriver. Je vais aller voir.

Le captif restait incrédule, mais il voyait les visages sereins des deux filles et malgré toute la colère qu'il avait en lui, un brin de lucidité lui suggérait qu'on ne lui mentait pas. Comment était-ce possible ?

Il n'en avait aucune idée. Jusqu'à présent, ces histoires de divinités n'avaient été pour lui que des fioritures pour abuser les crédules et obtenir de l'autorité. Mais avec ces Montagnards, c'était autre chose.

Des exclamations retentirent dans le couloir ; ces chiffres qu'ils lançaient à voix haute et qui ne signifiaient rien pour les autres. Puis ce fut le silence. Quelques instants après qu'elle fut sortie, la porte de la cellule s'ouvrit de nouveau, mais pas sur la petite pute, comme Lovier la nommait.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant