CHAPITRE TRENTE

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2 thermidor 719, les Sentinelles, deux heures.

Erwan avait raccompagné une Tranit quelque peu décontenancée jusqu'à leur centre de commandement en lui conseillant de ne pas de casser la tête avec les élucubrations de Saèrt. C'est qu'il s'était montré plutôt bavard, une fois lancé.

— Des légendes transmises depuis la Catastrophe ? Impossible de les prendre pour argent comptant ! N'oublie pas ce que je t'ai dit dans le donjon. Ce n'est pas toi ! Fort probablement quelqu'un de ta famille, c'est vrai, mais pas toi !

Tranit avait acquiescé.

— Ce n'est pas cela qui me tracasse le plus, finalement. Mais il a parlé de gardiens et de fuite. Mon ancêtre était-elle prisonnière aux Imprenables ?

— Un point très intéressant, c'est vrai. Mais cela attendra plus tard.

— Il a parlé aussi de punition divine !

Erwan avait simplement haussé les épaules pour lui faire comprendre de ne pas s'en faire. S'il avait dû croire toutes les imbécilités sur les prophètes aux yeux bleus, il se serait déjà tiré une balle dans la tête !

Ils avaient utilisé le monte-charge en bois, alors qu'ils se doutaient bien qu'ici aussi il devait y avoir des plateformes. Elles devaient être recouvertes par tous ces ajouts en bois et vu le nombre de personnes séjournant dans cette tour et l'importance qu'elle avait dans l'organisation de leur guerre ; ils n'allaient pas avoir le temps de tout dégager pour s'en assurer avant de très longs jours.

Ils rejoignirent leurs quartiers où une jeune élève de Darlène attendait. Erwan lui avait confié Tranit en exigeant qu'elle dorme le plus rapidement possible. Malgré sa fatigue, la jeune femme se demandait comment cela serait possible. Avec tout ce qui s'était passé et ce qu'elle avait appris, ajouté à ce qui devait se passer cette nuit même ; tout s'entrechoquait dans sa pauvre tête.

Tranit ne s'imaginait pas pouvoir fermer l'œil de la nuit. Pourtant, la jeune fille lui proposa un bain chaud, une petite collation accompagnée de musique reposante et peu après la demi de deux heures, elle acceptait de s'allonger sur un assez confortable lit pliant. L'instant d'après, elle dormait déjà.

Mais comme le lui avait dit Erwan un peu plus tôt, ce qui se passait aux alentours des passages souterrains n'était pas de leur ressort. Cependant, le jeune homme qui rejoignait ses quartiers, de l'autre côté de l'étage, y songeait aussi. Depuis que les reconnaissances avaient localisé les forces lannemézanaises et qu'elles les observaient, tout s'était mis en route.

Une fois compris que seuls des passages souterrains permettaient de franchir une Garonne au débit parfois trop rapide pour que des navires et encore moins des bacs puissent assurer le passage à de nombreuses troupes, il n'avait suffi que de savoir où ces passages se trouvaient.

À ce petit jeu là, les Lannemézanais semblaient bien plus habiles que les Aziliens. Du moins, ils semblaient connaître bien des passages de contrebandiers. Saèrt en avait utilisé un lors de sa tentative de retour et son échec de Montia et dans sa fuite, il avait permis d'en découvrir un autre.

Pour les passages connus des deux camps et surtout ceux de Pouège-Gargailloux comme de Peyssies-Carbonne, qui assuraient l'essentiel du trafic entre les deux états, Erwan pouvait compter sur les garnisons aziliennes. Les relations conflictuelles faisaient que chaque camp assurait une garde stricte de ces tunnels sources d'immenses revenus.

Là, Erwan n'avait eu qu'à déployer une petite équipe de dragons. Voir arriver des hommes dans un chariot volant avait immédiatement convaincu les Aziliens que les Montagnards bénéficiaient d'une quelconque aide magique et le seigneur responsable avait non seulement réaffirmé sa stricte neutralité, mais aussi accepté qu'Erwan fasse passer une partie de l'armée qu'il allait envoyer guerroyer en face.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant