Il y eut un long silence. La respiration de l'écuyère s'accéléra un peu, mais Suwane attendit patiemment la suite. Oliane finissait de retranscrire ses paroles, la lieutenante Frénal attendait aussi, offrant un visage rassurant à la blessée.
— Il était installé à l'écart de la troupe, avec des armes en pièces détachées et des munitions.
Un coin bien tranquille et fort peu occupé, les gardes étaient à l'extérieur du campement. Interdiction d'y faire du feu, mais il disposait d'une lanterne à quartz et de quelques brûleurs pour cuisiner des trucs simples.
Elle s'interrompit en se mordant les lèvres.
— Que demander de mieux ? poursuivit-elle en commençant à pleurer.
Ni la mousquetaire, bien plus jeune qu'elle, ou la carabinière, un peu plus âgée, ne dirent quoi que ce soit. Suwane, elle, lui adressa un regard compréhensif et l'incita à continuer.
— Il s'est révélé un merveilleux amant, poursuivit-elle, amère. Pas parce que j'étais en manque. Non, un très bon amant, qui m'a bien comblée. J'ai vraiment apprécié... Bien apprécié... jusqu'à ce que quelque chose craque en lui ! Et j'ai rien vu venir !
Nouveau silence, le crissement du crayon de la mousquetaire sur le papier et lointain, des bruits, des conversations venant de l'extérieur.
— Il a bu ou mangé quelque chose, pendant... ? demanda la carabinière.
— Non, il y avait une cruche d'eau que nous avons partagée... après la première fois. Après la seconde partie, un peu plus calme, on a bavardé un peu pour reprendre notre souffle. C'est... Quand on a remis le couvert pour la troisième fois et qu'il m'a proposé quelques petites variations.
Devant les trois paires d'yeux qui attendaient la suite, elle soupira et poursuivit.
— Je le chevauchais, c'est pratique pour en profiter plus longtemps, mais je lui tournais le dos. Et pendant ce temps-là, il m'avait gentiment demandé de le stimuler. Elle brandit son majeur d'une façon explicite pour ses trois visiteuses.
— On est arrivé au même moment, c'était vraiment bien chouette. Et puis presque sur l'instant, alors que je reprenais mon souffle, il a commencé à me frapper violemment dans l'aine. Il était plus fluet que moi, mais fort bien musclé et il m'a complètement prise par surprise.
La suite de son récit fut encore plus lente et entrecoupée d'arrêts, de larmes, de sanglots. Complètement prise au dépourvu, elle se souvenait avoir été poussée puis les coups de pieds, les tentatives d'étranglement et les morsures, alors que son agresseur poussait des borborygmes incohérents et que son visage révélait une fureur incompréhensible.
Elle avait été bien trop longue à reprendre ses esprits, ce qui l'avait réduite à ce piteux état. Finalement, alors qu'il tentait de l'étrangler par derrière tout en lui mordant l'épaule, elle avait réussi à se dégager brièvement, mais suffisamment pour lui allonger un beau crochet au menton qui l'avait sonné juste assez pour qu'elle puisse reprendre l'avantage.
— J'aurais pu le tuer avec mes poings, souffla-t-elle d'un ton rageur en regardant ses mains crispées, mais cela m'aurait attiré que des ennuis. Je m'étais rendue chez lui en croisant des personnes, les gardes.
Alors je l'ai dérouillé assez longtemps pour pouvoir l'immobiliser, puis je me suis rapidement couverte et je suis allé à mon campement chercher la garde. Qu'importe ma dignité et ce qu'on dirait de moi, mais je voulais voir ce salaud jugé et pendu haut et court !
— Et nous nous sommes assurés qu'il était toujours bien enfermé dans les geôles du maréchal Rowèn, lui assura la carabinière.
— Le pire, avoua-t-elle quelque peu honteuse, c'est qu'en m'étranglant et me mordant je le sentais bander encore plus vigoureusement que pendant les trois fois ou nous nous étions envoyés en l'air. C'est... C'était inimaginable et... effroyable !
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Les larmes de Tranit - 8 & 9
AdventureLe rire de Tinart - 2 : Qu'en coûte-t-il de réveiller un passé oublié ?