Mais le désastre redouté ne survint pas. La plateforme était immobile, la superstructure de bois toujours intacte. Il poussa un profond soupir, sentit une sueur glacée lui dégouliner le long du dos et il se recula pour donner de l'air à Tranit qu'il avait comme écrasé de tout son poids.
Il se persuada qu'elle avait voulu bien faire. Elle n'était pas stupide ni suicidaire. Il la laissa reprendre ses esprits sans rien dire. Elle clignait des yeux, repensait à ce qui venait de se passer et finit par se pencher pour sortir de l'encoignure et regarder le monte-charge.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Ce qui ne s'est heureusement pas passé, souffla Erwan qui se concentrait sur sa respiration.
Elle se retourna vers lui, les yeux exorbités et un sentiment d'extrême gêne sur le visage.
— J'avais pas remarqué, avoua-t-elle penaude. Je pensais bien faire, mais...
L'émotion la gagnait alors qu'elle réalisait ce qu'elle avait failli faire. Elle leva les mains en une protestation silencieuse de son innocence, mais ne savait pas quoi dire. Comment avait-elle pu ?
Pour exprimer sa bonne foi, il lui sembla soudainement naturel d'utiliser les mêmes expressions dont Erwan raffolait.
— 'Tain de putain d'bordel ! jura-t-elle en imitant ce qu'elle avait tant de fois entendu Erwan s'exclamer, qu'il soit joyeux ou furieux. Je suis vraiment désolée, Erwan.
Les deux premiers niveaux de la structure du monte-charge n'étaient pas droits, mais formaient un trapèze afin d'offrir une meilleure stabilité à l'ensemble. Si la plateforme était descendue, comme Tranit s'y attendait, elle aurait heurté les poutres et probablement détruit l'ensemble de l'édifice.
Les deux jeunes gens... Non, il valait mieux ne pas penser ce qui leur serait arrivé. Tranit eut à son tour un long frisson rétroactif et son visage vira au livide. Que se passait-il avec elle ? Pourquoi ne l'avait-elle pas vu ? Elle poussa un profond soupir pour essayer de redonner de la contenance.
Erwan l'aida de nouveau à se relever et ils regardèrent le monte-charge. Rien n'avait bougé et on entendait rien. À pas lents, ils y retournèrent et Tranit alla voir les carreaux sur lesquels elle pouvait voir les signes.
— Ils sont orange, pas jaunes, dit-elle à Erwan.
Le jeune homme s'approcha d'elle après avoir regardé vers le haut.
— Et quand tu as voulu appuyer dessus ?
— Je pense qu'ils étaient de la même couleur.
— D'où je viens, le rouge sert à indiquer un danger ou que quelque chose ne fonctionne pas. Le orange, ce n'est pas si éloigné. Donc peut-être parce que tu as arrêté la cruche certains systèmes ne fonctionnent pas.
— La cruche et son eau seraient ce qui permet de tout ouvrir ou fermer ?
Erwan allait répondre quelque chose, mais se retint. Il invita Tranit à revenir près des câbles de traction et se remit à tirer dessus pour faire descendre la nacelle.
— C'est quelque chose pour laquelle j'aurais dû m'excuser plus tôt, dit-il à la jeune femme. J'ai réalisé que bien que tu sois avec nous depuis quatre bons mois, il y a toujours pas mal de choses que tu ignores.
Tranit avait commencé à l'aider à tirer, mais haussa les épaules en signe d'indifférence.
— On ne peut pas tout savoir et malgré tout, ces quelques mois ont été prolifiques. J'ai appris beaucoup avec toi et Adacie et j'ai eu beaucoup à faire.
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Les larmes de Tranit - 8 & 9
AvventuraLe rire de Tinart - 2 : Qu'en coûte-t-il de réveiller un passé oublié ?