CHAPITRE CINQ

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Pourtant elle avait l'habitude d'écrire ! Et depuis son arrivée chez les Montagnards, elle avait eu l'occasion de s'exercer ! Combien de ces cahiers avait-elle remplis avec tout ce qu'elle avait appris, raconté, expliqué et demandé ?

Probablement trois à quatre de ces assemblages d'une dizaine de feuilles pliées en deux. Ce papier végétal était une véritable merveille sur laquelle Suwane appréciait de glisser son crayon.

Mais les gendarmes et ce lieutenant Suan venaient de lui gâcher toute envie future d'écrire le moindre mot ! Ce n'était plus son poignet qui était meurtri, mais l'ensemble du bras, de l'épaule puis son dos.

Elle avait consacré une bonne heure à rédiger le rapport le plus détaillé possible sur ce bref incident et s'était trouvée fort contente de son travail. Avec les problèmes que connaissaient les kañvs, Suwane avait appris à écrire clairement pour rapporter un évènement.

Les gendarmes avaient apprécié son travail. Suan l'avait lu à haute voix pour que les deux sous-officiers en prennent connaissance et ils s'étaient montrés fort satisfaits. Cependant, puisqu'ils avaient passé une heure à écouter les versions des autres, ils avaient des questions à poser et un besoin de précision.

Et maintenant Suwane se demandait si elle devait haïr les gendarmes et se tenir le plus éloignée d'eux. Elle avait passé au moins autant de temps à répondre à leurs questions, à noter celles portées par son escorte, mais aussi celles des trois ruffians survivants de l'échauffourée.

Ils maintenaient leurs déclarations. La salope, comme ils disaient, sans réaliser la fureur que cela engendrait chez Suwane, avait fait coffrer celui qu'ils considéraient comme un ami et le chef de leur petite bande, formée lors de la longue et pénible marche qui avait conduit l'armée jusqu'ici.

Elle s'était plainte auprès d'un chef de corps qu'il l'avait peut-être un peu rudoyée deux nuits plus tôt et elle avait obtenu de se payer sur son barda pour dédommagement.

Tous prétendaient qu'il gardait pour eux leurs maigres valeurs et ils ne voulaient que récupérer leur argent.

Suan regarda les derniers écrits par Suwane et eut un petit sourire.

— Bien entendu, ils ne savent même pas combien ils possédaient et leurs réponses sont assez divergentes de l'un à l'autre. Par contre, il nous faut parler à cette jeune femme.

Suwane tapota une phrase de son rapport et Suan lui fit signe qu'il s'en souvenait.

— Oui. Le liaig l'a conduite à la Petite pour des soins. Elle ne peut même pas parler. J'espère que maître Astèrn pourra nous rassurer. J'aurai besoin de l'interroger, lieutenant. C'est la procédure et la prévôté est intraitable à ce sujet.

Ça, Suwane le savait maintenant, on venait de le lui répéter une bonne vingtaine de fois en une heure.

Elle écrivit pourtant un gros prioritaire en utilisant le code chiffré d'Erwan. Le 7996 avait un certain poids et n'était utilisé que par les instances supérieures. Suan le savait parfaitement et comprit que Suwane ne l'utilisait pas à la légère, surtout accolé au code concernant les chariots volants !

Il cacha sa frustration et opina du chef.

— Bien. Cependant, il serait bon de s'assurer de sa sécurité et être certain que personne ne lui rendra une visite désobligeante.

Quelques exclamations les interrompirent et les deux cavaliers envoyés avec le druide revinrent, avec son chariot juste derrière.

Maître Astèrn, capitaine liaig du Barcus, en descendit, l'air grave.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant