CHAPITRE DIX-SEPT

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 La lieutenante se massa délicatement sa main gantée tout en poussant un soupir de dégoût. Elle cracha sur la paille souillée de la cellule pour souligner son propos.

— Tu l'as bien méritée, celle-là, connard !

Le prisonnier ricana, malgré la douleur évidente qu'il éprouvait.

— Tu sais pas t'y prendre ma grande ! Mais tu commences presque à me faire bander !

La carabinière se retint de lui balancer un coup de pied dans les côtes et retourna auprès de Suwane sous les sarcasmes du détenu.

— Ce fumier ne ment pas, avait écrit la jeune muette sur son cahier. Il aime se faire frapper et oui : il bande !

Frénal poussa un long grognement de fureur. Tout ça ne menait à rien, sinon la faire devenir folle.

Depuis le début cela n'avait été qu'un rapport de force, des insultes, des moqueries. Et il ne se concentrait que sur elle. Suwane était totalement ignorée. Frénal avait interdit à la jeune officière de s'approcher ni même de venir se défouler sur le type.

Suwane avait plusieurs fois saisie à pleine main un épais morceau de câble et aurait sans doute apprécié de se défouler sur leur prisonnier en le frappant avec. Il était toujours enchaîné, la plupart du temps assis sur ses genoux et semblait vraiment s'amuser.

La carabinière avait d'abord cru qu'il fanfaronnait, se sachant en très mauvaise posture. Mais après plus d'une demi-heure de sarcasme et de sous-entendus malsains, elle avait craqué et lui avait décroché une série de coups de poings au visage puis quelques bons coups de pied dans les côtes.

Elle avait tenté de se reconcentrer, bien que Suwane ne lui ait adressé aucun reproche, mais après une nouvelle tentative de reprendre le cours d'un interrogatoire normal et de poser les questions qui importaient, elle venait de nouveau de craquer sous les assauts de ses insultes.

— Je ne peux pas, confia-t-elle à voix basse à Suwane en s'asseyant près d'elle.

La jeune muette lui tapota l'épaule en signe de réconfort.

— Non, c'est vrai, poursuivit la femme à la stature imposante. Je peux essuyer la fureur d'une bataille, commander mon peloton dans la tourmente, mais je ne peux pas supporter ce type. J'ai peur d'avoir envie de le massacrer. Je ne suis pas comme ça !

Suwane comprenait ! Se battre et torturer n'étaient pas du tout la même chose. Et elle sentait aussi la fureur monter en elle. Bien sûr, elle pourrait prendre sa fine dague et la planter dans le genou de ce monstre pour lui éclater l'articulation et le plonger dans des affres de souffrance.

Mais cela ne conduirait à rien. Lorsqu'ils avaient évoqué le mutisme absolu des prisonniers des Imprenables et les moyens auxquels ils pourraient recourir, Erwan avait fait remarquer que la torture était loin d'être le moyen le plus efficace, surtout avec des gens déterminés. Suwane comprenait ce qu'il avait voulu dire.

C'est une fois les portes du donjon ouvertes et quelques captifs témoins de l'apparition de cette eau que personne ne pouvait toucher, que les résistances avaient été brisées et que les prisonniers se mettaient à parler.

Bon, c'était plus des trois quarts de légendes, de traditions plus ésotériques les unes que les autres pour quelques éléments vraiment intéressant, mais c'était bien plus que tout ce qui avait été su auparavant.

Elle regarda dépitée sa belle liste de suggestions qu'elle avait soumise à la lieutenante sur comment amener le prisonnier à parler. Un échec sur toute la ligne.

Elle allait proposer de passer à des choses plus sérieuses, si des gibets étaient en train d'être montés pourquoi ne pas en faire profiter leur prisonnier, lorsque des bruits de portes ouvertes puis refermées se firent entendre au loin.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant