CHAPITRE VINGT-NEUF

21 5 0
                                    

Nuit du 1er au 2 thermidor 719, les Sentinelles, zéro heure.

C'était tellement incompréhensible que Tranit mit quelques secondes avant de réaliser que des gens hurlaient de terreur et que de nombreux craquements assourdis se faisaient entendre.

Les deux dragons qui les surveillaient se précipitèrent vers les deux jeunes gens et les poussèrent sans ménagement près des blocs de pierre, pas trop près l'un de l'autre. Les sens aux aguets, leurs carabines fouillant les alentours, ils cherchaient la menace.

La druidesse s'était recroquevillée contre la tour, partagée entre la terreur et le désir de comprendre ce qu'il se passait. Le temps qu'Erwan parvienne à se dégager en partie de l'étreinte de son garde, la jeune femme lui montrait la construction.

— À l'intérieur. La paroi de granit interne !

Et elle se releva pour se précipiter à l'intérieur du bâtiment en enjoignant à ses équipes de la rejoindre.

Le kañv d'Erwan avait déjà pris l'air et cerclait de l'autre côté, prêt à venir récupérer le jeune homme dès qu'il se signalerait. Tranit se massa l'épaule, le dragon qui la couvrait, à moitié allongé sur elle l'avait projeté avec un peu trop de rigueur contre les blocs.

Elle s'était fait un peu mal en s'écrasant dessus. Elle n'avait pas envisagé de porter sa cuirasse ni ses pièces d'armures pour la soirée. Erwan non plus et il repoussait son garde avec vigueur, mais celui-ci ne l'entendait pas de la même oreille.

Ce n'est que lorsque qu'un mousquetaire sortit de la tour en hurlant des 10-04 que les dragons consentirent à laisser les deux jeunes gens se relever et qu'ils s'écartèrent de quelques pas.

Le jeune mousquetaire se précipita vers eux.

— 10-04, Mon Seigneur. Les parois internes en granit se sont effondrées ou ont explosé en certains endroits ; dans les cellules des prisonniers notamment.

Plus de peur que de mal. Des coupures, des écorchures. Aucun problème chez nous. On va faire venir un liaig pour les Lannemézanais. Vous pourrez venir voir quand le caporal aura terminé son inspection.

Parce que bien sûr, un mousquetaire, un élève officier d'élite, se taisait quand un caporal des dragons lui disait quelque chose. Ce jeune homme, qui commanderait bientôt une section de trente hommes ou un peloton de cavalerie n'avait sans doute pas imaginé un seul instant qu'il aurait pu dire non au dragon.

Tranit s'assit, voulut boire, mais sa gourde était vide, aussi prit-elle celle qui pendait au ceinturon d'Erwan et le jeune homme ne s'en étonna même pas. Il s'assit près d'elle en faisant signe de mousquetaire d'y aller et s'alluma une clope en souriant.

— Puisqu'ils disent que ce n'est rien ! dit-il en inspirant longuement.

Tranit lui rendit sa gourde qu'elle venait de vider à moitié et lui prit son bâtonnet à fumer pour en prendre quelques bouffées.

— Ils ont forcément raison !

Ils rirent, bêtement, mais décontractés.

Ils n'attendirent pas trop longtemps. Le mousquetaire revint quelques minutes plus tard pour confirmer son rapport préliminaire. Une douzaine de prisonniers avaient besoin de soins légers, les autres avaient surtout eu très peur.

Leurs gardes les autorisèrent à rejoindre la tour. Effectivement, la majeure partie des parois de granit s'était effondrée, probablement à cause des vibrations produites par la mystérieuse machinerie qui devait se trouver sous la construction.

D'autres personnes que Tranit avaient eu parfois l'impression de les ressentir depuis que le donjon de la grande Imprenable avait été réactivé. Erwan conduisit la jeune femme au centre du rez-de-chaussée et lui montra le sol.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant