CHAPITRE 41

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Bourg troglodyte de Montaut, 12 thermidor, fin de la cinquième veille


Ainsi donc, aujourd'hui lui apporterait une nouvelle fois la réponse à la sempiternelle question : échapperait-il à l'appel de la Mort ?

À chaque fois qu'il était parti au combat, après sa première fois insouciante et écervelée, il s'était toujours posé cette effrayante question. Et les années passant, les responsabilités se faisant plus pesantes, il se l'était encore et encore posée.

Quinze années de légion lui avaient inculqué le sens des responsabilités. Et si un légat ne s'élançait jamais à la tête des éclaireurs dans une stupide charge folle, il surveillait ses forces, visitait les cohortes manœuvrant selon ses instructions et lorsque cela s'avérait nécessaire prenait le commandement d'une attaque ou d'une défense.

Aujourd'hui, il allait déployer ses forces et repousser l'envahisseur, le couper de ses lignes, si possible et donner à ses officiers la poussée dont ils avaient besoin pour entreprendre une contre-offensive victorieuse. Après l'ultime réunion qui aurait lieu peu après le début de la première heure, il monterait en selle, avec son fils et sa fille à ses côtés.

Rélany commanderait les trois premières cohortes qui affronteraient l'adversaire. Les quatre cohortes qu'il gardait sous la main pour couper l'ennemi en déroute seraient conduites par un baron fidèle et expérimenté qui n'attendait plus que ses dernières instructions pour partir. Avec les chariots transportant leurs forces à vive allure et l'artillerie les accompagnant, il envisageait déjà la dérouillée qu'il allait infliger à ceux qui osaient s'attaquer au Lannemezan.

Il avait aussi réparti sa cavalerie légère entre ses deux unités d'infanterie, profitant de leur nombre pour donner le change à d'éventuels observateurs adverses. La cavalerie lourde, son arme secrète restait entièrement à sa disposition. Pourtant, en temps normal, il en aurait bien confié la moitié à Curtia, tant il avait confiance en ses compétences.

Mais la disparition de son cadet l'avait emplie d'amertume et de colère. Récurt préférait la garder près de lui pour voir si le début des combats amènerait un changement bienvenu dans son comportement. Pour l'instant, il craignait de la voir surréagir et chercher à se venger plutôt que de combattre avec la froideur dont un chef de guerre devait faire preuve.

Le légat Récurt termina de sangler seul son armure de cuir qui lui protégeait le torse ainsi que les jambes. Les protections pour ses bras seraient fixées lorsqu'il monterait en selle avec ses troupes.

Il passa dans l'entrée de sa tente où son écuyer avait disposé ses armes favorites. Le légat ne passa que son épée favorite et sa dague. Il ne se rendait qu'à une réunion d'état-major et malgré les quelques dissensions existantes entre tous ces seigneurs, il était clair qu'il était celui qui commandait.

Des murmures de conversations se firent entendre à l'extérieur. Ses premiers officiers arrivaient et leurs exclamations enjouées montraient que ses serviteurs avaient terminé de préparer l'en-cas qu'ils partageraient en discutant les dernières options sur lesquelles ils devraient trancher.

Pour la plupart d'entre eux, ce serait probablement le seul repas de la journée. Autant en faire quelque chose de convivial et d'appétissant. Récurt avait toujours eu faim avant de partir au combat.

Non, pour être exact, lors de son second combat, survenu quelques jours après le premier pendant lequel il avait vraiment tué un ennemi de sa main, il s'était senti nauséeux. Il réalisait l'acte qu'il avait commis et que ce soit un brigand n'y avait rien fait.

Son père lui avait simplement fait avaler une lampée d'un alcool fort avant de le regarder partir charger une troupe de brigands. L'alcool avait effacé son malaise, puis l'excitation de la bataille à venir l'avait remis d'aplomb. Récurt en était revenu victorieux et affamé. Depuis ce jour, il mangeait toujours quelque chose.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant