CHAPITRE 36

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Comment tant de jours pouvaient disparaître dans une routine si ennuyeuse ? se demanda Tranit en reposant son trancheur à quartz.

Elle s'épongea le front, le bandeau lui ceignant la tête était plein de transpiration, mais observa, tout de même avec satisfaction, la bassine remplie d'huile dans laquelle quelques centaines de fines lamelles de quartz reposaient.

Aujourd'hui, c'était pour les munitions de FLAPACA de calibres 24 et 36. Sept jours pour le calibre 12, trois pour les munitions de plus forts calibres. C'était le rythme qui lui avait été proposé.

Trois heures par jour, en partie pour s'occuper les mains et se vider l'esprit, quand elle n'avait rien d'autre à faire. Tranit avait commencé par trois jours consacrés aux munitions de calibre 12 avant de consacrer les trois suivants aux plus forts calibres

Mais ces lamelles de quartz, les amorces comme disait Erwan, étaient aussi essentielles dans la fabrication. Et malgré les centaines de paniers de ravitaillement envoyés depuis les manufactures d'Asasp ou de Louvie-Juzon, il en fallait toujours plus. La jeune femme savait pertinemment que ce qu'elle venait de couper ce jour même ne suffirait probablement pas à une simple journée d'opération d'un de ses régiments.

Comme les digesteurs des Imprenables fournissaient déjà du gaz et de la résine, surtout depuis que l'une de ces immenses fosses avait été réservée à la culture de l'algue obtenue par Suwane, Erwan avait décidé d'établir une ligne de production sur place.

Il avait mis aussi à contribution tous ceux ayant quelques connaissances sur la fabrication des munitions. L'important ravitaillement fourni n'allait malheureusement pas pouvoir subvenir longtemps à tous leurs besoins.

Comme les dragons, qui l'escortaient partout, alternaient ses activités pour tenter de la distraire et que c'était une activité reposante, ils lui réservaient des périodes quotidiennes au tranchage des lamelles. Erwan, qui ne pouvait rester avec elle en permanence, leur avait demandé d'occuper Tranit. Ses journées étaient réglées avec la même rigueur que le TTA le permettait.

Lever à sept heures. À huit heures, une mise à jour sur le déroulement des opérations. Si rien ne nécessitait son avis ou sa réflexion, Tranit enchaînait sur un petit retour en kañv jusqu'aux Imprenables pour deux heures de natation et d'activité physique, avec les jeunes mousquetaires.

Si Adacie ou Suwane étaient libres, Tranit avait la possibilité de déjeuner en leur compagnie, sinon elle partageait l'ordinaire des jeunes. L'après-midi, elle avait le droit à des cours, les mêmes que ceux des élèves. Du tir, de la lutte, des cours de tactique pour les sections et les compagnies et même de premiers secours.

Tout cela pour qu'elle puisse enfin savoir ce que tous ses enseignes connaissaient et maîtrisaient. Et Tranit n'en trouvait plus que remarquable le dévouement de ces enfants. Et puis, il fallait bien avouer que manipuler la CAMAS des dragons, apprendre à l'entretenir puis tirer avec était son activité favorite. C'était grandiose !

Les armes de calibre 12 ou les FLAPACA étaient un très bon passe-temps, mais la carabine si spéciale des dragons ou bien le révolver MR 73 des hussards étaient quelque chose d'encore mieux.

En fin d'après-midi, on la reconduisait ensuite aux Sentinelles, en l'autorisant à piloter quelques instants le 041 d'astreinte. Là, on lui faisait un bref compte-rendu sur les opérations.

Et Tranit devait se contenir alors qu'elle enrageait à ne pouvoir participer aux opérations avec les siens. Elle devait offrir aux jeunes mousquetaires l'attitude sereine qu'on attendait d'elle.

Foutaises ! La satisfaction de voir son plan établi se dérouler aussi bien ne pouvait étouffer la peur qu'elle ressentait lorsqu'on lui annonçait les pertes de la journée. Parce qu'il y en avait finalement toujours.

Les larmes de Tranit - 8 & 9Où les histoires vivent. Découvrez maintenant