Landhorte, principauté de Lannemezan, le 10 thermidor.— Finalement ! C’est pas trop tôt, lâcha quelque peu dépité le légat Récurt à son entourage en voyant six chariots sortir de la forteresse. Les lourds véhicules réquisitionnés aux paysans étaient remplis de miliciens en train d’installer le maigre barda qu’ils avaient pu réunir en si peu de temps.
Puis le légat observa deux douzaines d’archers montés sur dorkis, qui présentaient heureusement bien mieux que les fantassins, avant que trois chariots plus petits ne suivent avec quelques provisions.
Les rares seigneurs locaux qui n’avaient pas eu à subir les attaques aziliennes ni à gérer les flots de réfugiés chassés de chez eux et persuadés d’être poursuivis par des armées de soudards, refusaient obstinément de croire en l’imminence du danger.
Et pourtant les feux d’alerte brûlaient en continu depuis près d’une décade. Ils brûlaient tant que certains ne pouvaient plus être alimentés faute de combustible et de colorants nécessaires. Les réserves étaient vides. Et il fallait perdre son temps alors que l’urgence exigeait réactivité et fermeté.
Malgré la panique, les rapports exagérés, les confusions, le légat avait réalisé que l’avance adverse ne se poursuivait plus, malgré un manque d’opposition. À l’est, elle s’était limitée sur une ligne allant de la frontière de la vicomté de Labarthe à celle de Castillon-Martory.La raison en était simple. En montant vers les hauteurs, on rencontrait des seigneuries extrêmement peuplées qui auraient pu aligner des centaines d’hommes en quelques heures. Si les alertes avaient été sonnées ou bien comprises.
Mais les Aziliens semblaient bien renseignés. Trop bien même. Les cités militaires ayant allumé leurs feux, toute l’attention était tournée vers elles et ce qui se passait plus bas avait été totalement ignoré.Récurt se doutait bien que c’était le résultat d’un plan bien établi et son expérience militaire lui faisait comprendre la dangerosité de celui-ci.
Pourtant, malgré l’urgence, il avait consacré une journée complète à réunir tous les témoignages possibles sur les attaques adverses. Pas seulement ceux des hommes de guerre, mais ceux des marchands, des chefs de villages et il avait visualisé dans sa tête l’avancée adverse.L’échange de messages avec sa forteresse de Cardeilhac lui avait offert une vision encore plus complète de ce qui se passait. Récurt avait la certitude que la menace venue des hauteurs était inexistante. Du moins, pas immédiate.
Les attaques au canon à quartz avaient stupéfié les Lannemézanais, mais il n’y avait qu’un canon, pour lui c’était une évidence. Le légat avait interdit de déployer la cavalerie en plus grand nombre. Inutile de disperser leurs réserves. Plusieurs patrouilles n’étaient pas revenues et ne reviendraient jamais. Il fallait prendre des positions défensives.
Même après le bombardement, les cités militaires représentaient une formidable barrière contre une possible invasion montagnarde. Il fallait profiter de cette protection pour organiser la défense plus bas.
Récurt avait décidé de regrouper autour de Landorthe toutes les forces possibles. Il avait eu du mal à croire ces cavaliers épuisés, qui lui parlaient de troupes transportées par chariot et se portaient au contact de forces supérieures en nombre parce qu’elles disposaient de lance-flammèches ! Inimaginable !Cinq fois, au moins, il avait entendu une histoire similaire. Des troupes mises en alertes, dirigées par des seigneurs sérieux qui s’étaient portés au-devant de ce qui semblait être deux compagnies de miliciens avec une faible cavalerie, ce qu’on pouvait attendre lors d’un raid de pillage entre voisins.
![](https://img.wattpad.com/cover/314039938-288-k699609.jpg)
VOUS LISEZ
Les larmes de Tranit - 8 & 9
AdventureLe rire de Tinart - 2 : Qu'en coûte-t-il de réveiller un passé oublié ?