Son retour à son propre campement fut rapide. Le peloton de chasseur l'entourait et une enseigne d'astreinte lui communiquait les informations importantes : Erwan serait un peu en retard, il avait de nouveaux messages à envoyer par TOP et la fébrilité s'était emparée des gens du 4e escadron. Les informations, les connaissances apportées par le prisonnier semblaient dépasser toutes les espérances.
Tranit s'en réjouit. Elle aurait donné cher pour passer la journée auprès de ses amies et apprendre, comprendre. Mais elle devait retrouver une partie des élèves de la troisième compagnie de mousquetaire.
Tranit retrouva son chariot, prit les quelques affaires dont elle avait besoin et passa simplement un uniforme d'une allure moins formelle que celui qu'elle avait revêtu pour rencontrer Luin.
De nouveau en selle et quelques minutes d'un petit trot léger, elle retrouva le campement au bord de l'immense bassin et une douzaine de jeunes en train d'assembler dans un cadre posé à terre ce qu'elle comprit être de petites ardoises.
Le cadet responsable des opérations l'entendit arriver et mit tout le monde au garde-à-vous. Tranit aurait voulu qu'ils reprennent leur travail, mais le jeune homme s'empressa de lui présenter son groupe, aussi lui répondit-elle dans les formes avant de lui désigner les carreaux d'ardoises.
— Expliquez-moi donc, fit-elle en descendant de monture et la rendant à son escorte qui s'éloigna aussitôt.
— Une carte, colonel. Chaque carreau représente une surface d'un quart de lieue de côté. Comme nos équipes apportent des informations au fur et à mesure, nous les mettons à jour régulièrement.
Chaque carré faisait une coudée de large. La carte représentait le Lannemezan, depuis la frontière avec l'Azil sur une profondeur de six lieues. En partant des hauteurs juste après Saillie du Salat par où elle était passée jusqu'au Rieumes : vingt-deux lieues.
— Nous nous sommes limités à cette zone, colonel, parce qu'au vu des informations obtenues c'est de cette région que la quasi-totalité des levées lannemézanaises sont effectuées. On a inclus la région un peu au-dessus de Saillie juste par sécurité.
Sa Seigneurie nous a affirmé que d'ici deux jours nos adversaires présents aussi hauts seraient bloqués. Mais pour l'instant, nous avons quelques indications qui montrent que des patrouilles de cavalerie ont eu lieues.
La région ainsi cartographiée ne représentait qu'un petit cinquième du puissant duché, mais c'était une zone tellement vaste : impossible à contrôler. Les cinq mille hommes qu'elle pouvait aligner en réunissant Barcus, Etxalar, Artèz et quelques renforts prêtés par le prince Awèl ne suffiraient pas.
Tranit reconnaissait plusieurs des signes utilisés par les cartographes : les vallées, les lacs, rivières et autres cours d'eau temporaires. Devant elle s'étalait des richesses inimaginables. Toutes les localités signalées portaient un nombre indicatif d'habitants et de troupes disponibles. Trop de chiffres.
— Vous estimez la population de cette région à combien ?
— Quatre-vingts mille au moins, colonel, avec dix mille combattants. Mais il nous manque plus de la moitié des villages. Cette région est vaste, mais aussi prospère. On pense arriver à près de cent vingt mille personnes et douze mille soldats au moins.
Le cœur de Tranit manqua un battement ou deux en entendant de tels chiffres ! Mais le jeune mousquetaire restait imperturbable ; concentré sur ses explications.
— Mais les troupes déjà arrivées des comtés centraux se montent au moins à six mille cavaliers. Et autant d'hommes d'armes avec du matériel de siège, des chariots. Mais ce sont surtout des cavaliers que nous voyons arriver et qui se préparent dans les bastions que nous observons. Ceci confirme Sa Seigneurie dans l'idée qu'ils veulent razzier le Fossat sur une vaste échelle puis le démembrer.
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Les larmes de Tranit - 8 & 9
AvventuraLe rire de Tinart - 2 : Qu'en coûte-t-il de réveiller un passé oublié ?