Il n'y avait rien à dire. Pendant que la jeune fille versait de l'huile sur ses épaules, Tranit vit les deux petites filles installer un brûleur à quartz surmonté de deux tiges en fourches, comme pour y poser une broche de viande.
Elles sortirent de leur panier deux coupes dotées d'un très étrange pied en L. Impossible que l'ensemble tienne en équilibre. Effectivement, elles réunirent les deux coupes par une ceinture de cuivre dont la fermeture fut un peu difficile, mais elles y parvinrent. La sphère ainsi constituée ne ressemblait à rien que ce que Tranit avait déjà vu. Les deux pieds en L étaient creux car elles versèrent dans l'un une décoction mentholée assez forte qu'elles avaient préparée. Elles placèrent la sphère sur les broches, ôtèrent le cache de bois du brûleur et se tournèrent ravies vers Darlène.
Tranit, qui ronronnait de plaisir sous les doigts experts de la masseuse, sentait ses yeux se fermer de nouveau quand l'odeur lui titilla les narines. Oui, un merveilleux mélange d'odeurs vivifiantes parmi lesquelles la menthe dominait. Une fraîcheur d'un matin printanier. Voilà à quoi cela lui faisait penser.
Et tandis qu'elle fondait sous le massage de la jeune femme qui s'évertuait à lui presser le moindre muscle, Tranit se dit que boire une telle décoction serait probablement aussi agréable que de la sentir. De minuscules volutes de fumée sortaient maintenant des deux pieds et puis soudain la sphère commença à bouger. Tranit ne le réalisa pas immédiatement, le mouvement fut très bref avant de reprendre plus longuement. Les deux petites filles revinrent près de leur réchaud, mais observaient plus le visage de Tranit que la sphère. Elles s'amusaient de son étonnement.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.
— À toi de me le dire, lui répondit Darlène. Tu as bien vu les deux petites préparer leur installation ? À quoi as-tu pensé au début ?
— Une rôtissoire portable, dit Tranit amusée. Cela ne me surprendrait pas qu'Erwan ait décrété que le TTA l'exigeait. Mais je sais que nous en avons du même genre dans les compagnies du Barcus. Pour cuisiner même en mouvement, dans nos chariots.
— Tu t'en es déjà servi ?
Tranit réfléchi. Elle ne cuisinait pas souvent. Elle préparait parfois son lait de noisette ou sa chicorée.
— Pas trop souvent, sans doute pour faire bouillir de l'eau pour une boisson.
— C'est exactement ça, se contenta de dire Darlène, alors que les deux petites filles pouffaient.
Cela laissa Tranit perplexe. Alors qu'elle se mettait sur le dos pour continuer à se faire masser, elle repensa à toutes les fois où elle avait pu faire bouillir de l'eau. Elle n'avait fait qu'utiliser de simple bouilloire. Faire chauffer de l'eau ce n'était pas si compliqué...
Elle pouffa en repensant au nombre de fois où elle avait mis trop ou pas assez d'eau et perdu compte du temps qu'elle laissait sa bouilloire sans surveillance pour n'y retrouver qu'un filet de fumée s'évanouissant dans l'air ou bien l'eau bouillante qui parvenait à soulever le couvercle...
— C'est l'eau bouillante à l'intérieur qui fait ça ? demanda Tranit, presque surprise desa propre question
— Oui, bravo, répondit Darlène, qui s'était levée pour venir examiner Tranit de près. Son regard expert ne s'attardait pas sur la beauté du corps de la jeune officière, mince mais musclé, resplendissant de santé ; son regard scrutateur s'attardait sur les nombreuses marques qu'elle avait aperçut lorsque Tranit s'était dévêtue pour se baigner.
— Tous ces bleus ? Tu n'as rien eu de cassé, c'est sûr ?
Tranit leva un bras pour observer toutes les marques qui témoignaient encore des combats de Montbrun. Elle n'y portait plus attention.
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Les larmes de Tranit - 8 & 9
AdventureLe rire de Tinart - 2 : Qu'en coûte-t-il de réveiller un passé oublié ?