Chapitre 1

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J'avais fait mon discours, les deux trois lignes de présentation de la fondation, l'hommage à mon frère et j'avais laissé place au reste de l'animation. Face à toutes ces personnes, j'étais littéralement vide d'émotions. Je devais sûrement paraître la pire des pimbêches à tirer une tête de deux mètres de long, mais les soirées mondaines de ce genre, très peu pour moi ! Je suis discrète de nature. Si j'avais accepté de venir ce soir, c'est que mon père ne pouvait pas se rendre à ce gala. J'avais reçu il y a quelques semaine de cela, un vulgaire texto me suppliant de prendre sa place pour ce soir car il était retenu à un diner d'affaires et ne pourrait pas assister à ce début de soirée afin d'inaugurer la fondation de son propre fils ... Et bien sûr, il savait pertinemment qu'en m'envoyant un message, j'accepterais ! Tout ce qui touche à Jules me touche en plein cœur. Même si le monde cruel de la formule 1 m'a enlevé mon frère, je sais qu'il adorait ce sport. J'ai encore des souvenirs à la pelle de mon grand-frère qui partait en douce avec mon grand-père faire du karting les soirs de semaine afin de s'entraîner. J'en rigolais tellement à l'époque ..Maintenant, je n'en ai plus qu'un goût purement amer ...

J'avais arboré une robe noire tout ce qu'il avait de plus classique afin de me rendre à cette soirée, par pur respect pour mon frère et surtout pour ma mère. Depuis le décès de Jules, ma famille a littéralement explosé. Mon père joue à l'autruche depuis maintenant sept ans et se fourre dans une montagne de boulot afin, je suppose, de ne pas se ruiner le moral et se morfondre. Ma mère quant à elle, est une carapace vide. J'ai longtemps cru qu'elle ne tiendrait pas le coup. A la suite du décès de mon frère, elle ne mangeait plus. Les médecins m'ont longtemps expliqué que le coma de mon frère n'avait pas arrangé la santé mentale de ma mère, et que le choc de devoir le débrancher après 9 mois avait réduit tout espoir, aussi minime soit-il, de croire un jour à nouveau en la vie.

Depuis ce jour, je pense qu'une partie de ma mère est partie avec lui. Comme si une partie de son cœur avait cessé de battre pour rejoindre l'âme de mon frère. J'essayais de faire du mieux que je pouvais pour la soutenir, mais ma mère était malheureusement aussi quelqu'un de très fière, et le regard des gens l'importait beaucoup. Elle ne voulais pas de pitié, et encore moins d'aide de la part de qui que ce soit. Alors elle continuait, jour après jour, à se morfondre ou en tout cas à faire semblant de vivre une vie tout ce qu'il y a de plus parfait alors que je sais pertinemment au fond d'elle qu'elle survivait, un peu comme moi à vrai dire ...

Depuis ce fameux 17 juillet 2015, de mon côté, j'avais arrêté d'assister à un quelconque grand prix. Les crises d'angoisse perpétuelles que je faisais à la moindre vue d'une piste automobile m'empêchaient clairement de vivre. J'ai d'abord suivi une thérapie, les médecins ayant insisté après le décès de Jules sous prétexte d'envies suicidaires. Ils voulaient surtout se renflouer les poches et avait vu, en ce contexte morbide, une occasion en or de faire une pierre trois coups si je puis dire.

J'ai longtemps cru, que le deuil aussi long soit-il, était interminable. Je suis passée par plein de sentiments. La colère a été, je pense, l'émotion la plus présente chez moi. Encore aujourd'hui je me surprendrais à me battre pour mon grand-frère au sens propre du terme. Mais le sentiment le plus lourd à supporter est la culpabilité .... Et j'en paye encore les frais aujourd'hui !

- Malia ! Je te cherche partout depuis cinq minutes ! La presse te cherche pour t'interviewer toi et ton père, je leur dis quoi ?

- Dis leur que j'arrive, mon père n'est pas encore là, ca ne sert à rien de l'attendre !

Carla Ferragni, ma meilleure amie mais aussi ma secrétaire, ma conseillère, ma manager ... Ma femme à tout faire si vous préférez. Elle m'aide à cogérer la fondation sur le plan administratif. Elle a toujours adoré faire ça, et au décès de mon frère, elle m'a été d'une aide tout ce qu'il y a de plus précieux pour ne pas me sentir seule. C'est elle qui m'a notamment aidé à monter le projet de la fondation de mon frère en y incluant ma famille, pour pouvoir je pense, un jour renouer les liens qu'on avait. Peine perdue je pense bien ...

Vivre et non survivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant