Le bel héritage de la famille Serpentard

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Alors que je stagne dans l'inconscience, je ne peux empêcher mon cerveau de penser et de revivre ce que je viens de voir. Cela faisait des années que je n'avais pas repensé à ce qui était arrivé ce jour-là, mais désormais, je n'ai que ça en tête.

Ce que j'ai subi ce jour-là, je n'en ai jamais parlé à personne. Ma mère ne l'a jamais su et je n'ai jamais osé lui dire, par crainte de ce qu'aurait pu faire mon père. Je ne voulais qu'une chose : qu'il ne recommence plus jamais. Que plus jamais je n'ai à enduré cette souffrance interminable et inarrêtable. Alors j'ai fait ce que je pouvais en espérant que cela ne resterait qu'un horrible souvenir. Je me suis tue.

Mais il a recommencé. Pas souvent, c'était quelque chose de rare, mais dès que je faisais la moindre erreur, j'étais sûre qu'il allait encore user de sa magie pour me punir. Je ne sais pas si c'était vraiment de la colère, parce qu'il m'a toujours eu l'air d'avoir un tempérament très calme, je pense plutôt qu'il ne faisait que reproduire ce qu'il avait subi. Peut-être que lui aussi avait été battu ainsi par son père, et peut-être que son père aussi avait subi cela. Si cela se trouve, c'était une coutume familiale qui remontait jusqu'à Salazar Serpentard.

Serait-ce donc ça, le bel héritage de la famille Serpentard ? Au delà du statut qu'on faisait miroiter, il m'arrivait parfois de me demander si nous n'étions pas victime d'une malédiction plutôt que d'une bénédiction. Peut-être que si tous les membres de ma famille me paraissaient si lisses et parfaits, c'est parce que depuis leur naissance, ils avaient, comme moi, été conditionné à l'obéissance.

Parce que c'est ce qui m'est arrivé. Tous ces moments de douleur ont fait de moi un être froid, inatteignable, hautain. Un être comme déconnecté du monde. Je me suis construis un mur pour me protéger, un mur pour m'empêcher de me briser. Et je sais que la vraie moi, la petite fille de cinq ans innocente et insouciante, a disparu depuis longtemps. Elle est enfouie si profondément en moi que personne ne peut réussir à la voir. Et c'est comme ça que j'arrive à ne pas craquer. A faire semblant d'aimer mon père, à me retenir de reculer ou de trembler en sa présence. A avoir l'air si lisse, si parfaite. 

Mais tous les murs que je m'étais construis pour me protéger ont volé en éclats. Je me sens faible, terriblement faible. Et je sais que si je me réveille, je vais devoir affronter le regard pesant de mes camarades, qui m'auront sûrement entendu hurler, voire pire. J'ignore ce que Malefoy a utilisé comme sort, j'ignore s'il a vu ce que j'ai vu. Tout ce que je peux faire est d'espérer que ce ne soit pas le cas. D'espérer que je trouve une excuse, un mensonge sur ce qui m'est arrivé. D'espérer que rien ne change.

Au fond, je crois que c'est ça que je crains le plus. Que le monde change, parce que je ne sais pas si je réussirais à m'adapter. Que les barrières que j'ai fabriqué deviennent inutiles ou ne me permettent plus de survivre. Que je sois à nouveau livrée à moi-même. 

Sentant la peur m'envahir, je sombre à nouveau dans le sommeil.


Mais même si j'aimerais ne jamais me réveiller, je ne le peux pas. Je ne peux pas fuir la réalité éternellement. Et bientôt, je sens que je suis de plus en plus consciente, à mon plus grand désespoir. Je sais très bien que je ne vais pas pouvoir feinter dormir longtemps aussi je décide de soulever doucement mes paupières. Elles me paraissent terriblement lourdes mais je parviens finalement à ouvrir complètement les yeux.

Je suis dans un des lits de l'infirmerie, entourée de rideaux qui me cachent le reste  de la pièce. Je me redresse et me rends compte que j'ai toujours mes habits sur moi, ce qui veut dire que je n'ai pas dû rester trop longtemps ici. Soulagée, je m'extirpe hors des draps et esquisse quelques pas titubants vers les "volets". Heureusement, j'arrive à rester debout et appelle l'infirmière. Cette dernière fait aussitôt irruption dans la pièce et s'approche de moi.

— Ah, tu es déjà réveillée, parfait.

— Déjà? Depuis combien de temps suis-je ici ?

— Ca doit faire cinq heures maintenant. Les élèves sont en train de diner, mais tes amies sont venues te voir.

— Et qui m'a emmené ici ? je lui demande, priant intérieurement pour qu'elle ne réponde pas Malefoy.

— Le professeur Rogue. Il m'a dit que tu t'étais évanouis après un incident en classe de potion, après avoir inhalé une substance sédative. J'avais peur que cela ne soit quelque chose de bien plus puissant qui dure des jours, voire des semaines...

Evidemment, c'est Rogue, il est fan de Malefoy, il n'allait pas le dénoncer ! Ce qui veut dire que cet abruti ne sera même pas puni pour ce qu'il m'a fait. Mais bon, pour l'instant, c'est bien le cadet de mes soucis. Il faut que j'aille diner pour rassurer mes amies et surtout, éviter la propagation d'éventuelles rumeurs. Je ne sais pas ce que les autres élèves ni le blond ont vu et je dois dire que ça m'inquiète un peu. Ce sort qu'il a utilisé, j'ignore si cela permet à celui qui le lance de voir ce que la cible voit. Mais je pense que je vais très vite être réglée sur la question quand je le verrai. 

Après un examen rapide, l'infirmière m'autorise à partir et je descends les escaliers rapidement vers la Grande Salle. A l'intérieur, la plupart des élèves parlent joyeusement, mais quand je regarde la table des Serpentard, je m'aperçois que mes amies sont silencieuses et fixent leur assiette. Malefoy est assis à quelques mètres d'elles et il semble perdu dans ses pensées, alors même que Parkinson lui parle. Je ne sais pas à quoi il pense mais j'ai le mauvais pressentiment que ça me concerne, ce qui ne me plaît pas du tout.

Soudain, j'ai envie de reculer et de partir en courant, pour ne pas avoir à affronter le regard pesant des autres sorciers. J'ai envie de quitter le château, au moins quelques jours, histoire qu'ils oublient ce qu'il m'est arrivé. Mais je sais que je ne peux pas, alors je prends une grande inspiration et j'entre dans la salle.


La Princesse de Serpentard [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant