Merde, j'ai vraiment peur

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Alors que je suis Malefoy en frémissant à cause du regard de mon père posé sur moi, un tintement retentit. Je manque de rentrer dans le blond qui s'est arrêté lorsqu'il l'a entendu et un elfe de maison entre dans le salon en trottinant. D'une voix fluette, il, ou plutôt elle à entendre son timbre, annonce :

— Madame Malefoy, Monsieur Malefoy, le dîner est servi.

En cet instant, j'en viendrais presque à croire que je suis douée de chance. J'ai réussi à échapper à un moment avec le blond platine qui s'avérait plus que gênant alors je me félicite intérieurement. Mais quand je vois le regard meurtrier et menaçant que me lance mon géniteur, je déglutis péniblement et mon enthousiasme retombe aussitôt.

Merde, j'ai vraiment peur. Peur de ce qui va m'arriver.

Sauf que je ne veux pas risquer d'empirer son état déjà inquiétant alors je reprends mon visage docile et obéissant et je suis les maîtres de la maison à la salle à manger. Tout en marchant une nouvelle fois dans la multitude de couloirs identiques, je veille à garder une distance de sécurité entre nous afin d'éviter qu'il ne m'attrape et m'esquinte une fois de plus le bras. Même s'il est violent, il n'est pas idiot, il n'irait pas jusqu'à me faire du mal devant ma mère ou les Malefoy. C'est notre petit secret à tous les deux.

Cette pensée étire un sourire sur mon visage, comme si c'était drôle. En fait, c'est plutôt ironique et sadique, mais mieux vaut en rire qu'en pleurer.

La salle à manger est, à l'image de tout le Manoir, splendide avec des dimensions impressionnantes. Le plafond est si haut qu'il me rappelle celui de la Grande Salle et le carrelage parfaitement astiqué résonné sous le bruit de mes escarpins. La table est en bois massif et évidemment particulièrement grande. Je m'assois à la place que m'indique Narcissa, celle à côté de Drago et pourtant plusieurs mètres nous sépare. Pour une fois, devoir me pencher pour attraper la carafe ne m'énerve pas et je suis bien contente de la distance entre nous.

Les plats servis me paraissent plus alléchants les uns que les autres et je peux deviner qu'ils se sont surpassés pour l'occasion. Toujours et encore cette histoire d'aspect et d'apparence parfaite à avoir aux yeux des autres familles. Je m'efforce de sourire comme à mon habitude mais la volonté n'y est pas, surtout quand je surprends le regard de haine de mon père sur moi. L'estomac noué, je déguste du bout des doigts les œufs de dragons proposés en entrée, un met de choix et particulièrement coûteux. Cela me rappelle la Première Tâche et je ne peux m'empêcher de jeter un regard vers Drago pour savoir s'il pense comme moi mais il fixe son assiette, le regard vide.

Le plat arrive bientôt, un délicieux sauté de légumes parfaitement assaisonné. Mon palais savoure longuement ces sensations mais le cœur n'y est pas et je peine à finir mon assiette dorée. Mes parents discutent avec ceux du blond platine mais pour l'instant, ils n'ont pas abordé de sujet très important et se remémorent leurs années à Poudlard. Des broutilles. Aucune famille ne met les pieds dans le plat en premier et je finis par craindre qu'on passe beaucoup de temps ici à attendre les véritables conversations bien plus politiques.

Seulement, une parole de Narcissa attire mon attention :

— Je suis ravie que vous veniez avec nous, Elysa. Vous allez voir, la France est un pays charmant !

Je fronce les sourcils sans comprendre. Ainsi, ma mère va partir avec eux en France ? Elle avait prétexté un voyage d'affaire mais cela n'en a pas l'air. J'aimerais demander des précisions mais d'un unique regard, mon père m'en décourage. Je m'étonne qu'il n'y aille pas avec eux, surtout que je devine facilement que tout cela a un but politique et il n'a jamais laissé ma mère agir seule, il fallait toujours attendre sa validation. 

Peut-être qu'il reste au Manoir juste pour moi. Juste pour avoir le loisir de me lancer des Endoloris sans crainte que ma mère n'arrive au milieu d'une scène de torture. A cette pensée, mon estomac se noue d'avantage, enfin, si c'est possible et je pose ma fourchette en or sur mon assiette, incapable d'avaler quoi que ce soit.

Heureusement, le dessert - un fondant au chocolat caramélisé - arrive rapidement et après que j'en ai fait disparaître discrètement une partie pour donner l'air d'avoir mangé avec ma baguette, mon père se lève et me fait signe de faire pareil. Je m'essuie le coin de la bouche et l'imite tandis qu'il remercie nos hôtes :

— Je pense qu'il est temps pour Aidena et moi de prendre congé. Merci pour ce délicieux repas, mon cher Lucius, et merci à toi aussi Narcissa de nous avoir accueilli ici. Je me ferais une joie de revenir.

Il se tourne vers ma mère et prend un sourire tendre qui m'écœure tant il paraît faux :

— Elysa, ma chérie, je vous rejoindrais d'ici deux jours, dès que notre fille sera rentrée à Poudlard. Fais attention à toi. Je t'aime.

Cette scène pourrait être mignonne si elle ne puait pas l'hypocrisie et le mensonge, même si je doute que nos invités l'aient deviné. De l'extérieur, mes parents paraissent très amoureux et j'ai longtemps pensé que c'était le cas, qu'ils s'aimaient profondément. Balivernes. Je ricane intérieurement devant ma naïveté.  

— Aidena, allons y, je ne voudrais pas rentrer trop tard.

Cette excuse n'est pas très plausible étant donné qu'il nous faudra littéralement dix secondes pour arriver chez nous mais je le rejoins en remerciant les Malefoy. Mon père m'attrape le bras en serrant fort, trop fort et je comprends le message alors je rajoute pour leur fils :

— Au revoir, Drago, à dans quelques jours !

Puis il m'entraîne vers la pièce par laquelle nous sommes arrivés d'un pas pressant qui fait que je trébuche plusieurs fois. Il ne dit rien, sûrement parce que nos hôtes peuvent encore nous entendre et nous arrivons vers la cheminée. Il me pousse dedans brusquement et je me cogne le coude mais je retiens mon gémissement de douleur. De ce que je comprends, ce ne sera pas la dernière fois dans la soirée que j'aurais mal. Alors même si j'aimerais partir en courant vers ma mère pour ne pas me retrouver seule avec lui et souffrir encore, je reste statique tandis qu'il nous téléporte au Manoir Serpentard.

Je n'ai que quelques heures à tenir, puis tout sera fini.

La Princesse de Serpentard [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant