J'avance de quelques pas en essayant d'avoir l'air la plus sereine et détachée possible. C'est ce que m'a dit ma mère un jour : si tu as l'air d'y croire, les autres y croiront. Alors je m'efforce de paraître à l'aise et calme tandis que je me dirige vers la table des Serpentard. La plupart des conversations se sont interrompues quand je suis entrée mais je n'y fais pas attention. Après tout, les gens doivent simplement se demander pourquoi je n'arrive que maintenant, il n'y a aucune raison qu'ils en sachent plus ?
Enfin, si on oublie que Poudlard est Poudlard et qu'une rumeur ici fait le tour du château en à peine une heure.
J'avance, me répétant intérieur "si tu y croies, les autres y croiront" et cela a l'air de marcher. Les têtes curieuses qui me dévisageaient se tournent à nouveau vers leurs assiettes et continuent ce qu'ils disaient, de sorte que le calme soudain qui s'était installé est rompu. Je m'assois à côté de Kate qui m'a gardé une place et aussitôt, les interrogations fusent :
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Tu vas bien ?
— On a eu peur, tu étais allongée sur le sol, tu hurlais...
— Et puis, on ne sait pas ce qu'il t'a fait, on a pas entendu quel sort il a lancé et Rogue ne lui a même pas demandé !
Je lève les mains comme pour stopper l'afflux de questions et heureusement, elles s'arrêtent, se contentant d'attendre en me fixant avec des gros yeux mes réponses. Crosya continue à fixer son assiette, comme si elle n'en avait rien à faire, mais je vois bien qu'elle écoute la conversation même si elle n'y participe pas. Je réfléchis quelques instants à une excuse plausible. Je ne peux pas leur dire la vérité, ce n'est même pas une option, ce serait comme briser un tabou qui déclencherait une réaction en chaîne bien trop importante pour que je puisse la gérer.
Le plus facile est de mentir, en espérant que Drago n'ait rien vu de ma vision. Mais c'est quasiment impossible, j'ai pratiqué l'Occlumancie pendant de nombreuses années alors je serais capable de bloquer une intrusion dans ma tête, ou au moins de la détecter. Et puis, même s'il avait réussi par je ne sais quel miracle à s'introduire dans mon esprit, il n'a aucune preuve de ce qu'il a pu y voir et il n'a aucun intérêt à le révéler, compte tenu du fait que je l'ai déjà vu en train de pleurer. Je ne le connais pas vraiment mais il me paraît évident qu'avoir l'air faible est la dernière chose qu'il veut.
— Ce n'était rien de grave, le sort qu'il m'a lancé m'a simplement montré ma pire phobie.
— Qui est ? interroge Astoria, les sourcils froncés.
— Qui est quoi ? je répète sans comprendre.
— Bah, ta pire phobie ? Je pensais que tu n'avais peur de rien !
Vite, Aidena, invente quelque chose de plausible. Elle a raison, je n'ai peur de rien. Enfin, si on exclue mon père. Soucieuse qu'elle arrive à me percer à jour, je réponds la première chose qui me passe à l'esprit :
— Les araignées ! J'ai une peur bleue des araignées. Dès que j'en voie une, je crie, et là, j'étais recouverte d'immenses araignées.
— D'immenses araignées ? Ca doit être horrible, frissonne Kate en retroussant son nez, l'air dégoûté.
— Vous savez que ça existe pour de vrai ? J'ai lu dans un livre qu'il y en avait des hordes entières avec certains spécimens qui allaient jusqu'à deux mètres de haut et de large.
Pour donner le change, je frissonne mais en vérité, ce qu'Astoria raconte ne me fait ni chaud ni froid. Heureusement, son intervention permet de changer de sujet et très vite, nous nous mettons à parler des cours du lendemain et du devoir de potion à rendre. Soulagée, je pousse un petit soupir imperceptible. Eh bien, ça c'est beaucoup mieux passé que ce que je pensais ! Elles ont l'air de me croire, même Crosya qui pourtant me connaît très bien, alors ça veut dire que j'ai été convaincante.
Fière de moi, je reporte mon regard sur mon assiette vide et me sers de poulet, mon estomac grondant la famine. Mais je ne parviens pas à ignorer le regard de Malefoy qui pèse sur moi depuis le début de la conversation. Et quand j'attrape le sel et que nos regards se croisent l'espace d'un instant, je comprends que lui ne me croit pas du tout.
Je quitte la table une demi-heure plus tard avec mes amies qui parlent joyeusement. Je m'efforce de participer à leur conversation mais je ne suis pas vraiment d'humeur, supporter le regard trop insistant du blond pendant tout le repas m'a refroidi. Heureusement, je ne le recroise pas de la soirée et je vais me coucher, espérant que le lendemain soit une meilleure journée.
Seulement, je ne parviens pas du tout à m'endormir. Dès que je ferme les paupières, je revois les images de ma vision : la moi jeune et innocente, mon père qui me hurle dessus, qui me frappe et mes hurlements qui résonnent dans tout le manoir. J'avais réussi à me débarrasser de ce souvenir et je n'y repensais que quelquefois par an durant quelques minutes, mais là, il me paraît aussi frais que si cela s'était passé il y a une heure.
Le réveil d'Astoria bipe légèrement et je comprends qu'il est minuit. Puis il bipe une heure du matin et même deux. Je me redresse dans mon lit, comprenant que je n'arriverais pas à dormir et je sors de la pièce en enfilant un pull épais. En ce mois de novembre, les températures sont déjà fraiches et tout particulièrement au milieu de la nuit. Par chance, il n'y a personne dans la salle commune ni dans les couloirs. Je marche sans trop réfléchir, essayant de me vider la tête et je me rends compte que mes pas m'ont porté vers la tour d'astronomie. Aussitôt, mon altercation avec Malefoy me revient à l'esprit et je me surprends à espérer qu'il n'y soit pas. J'aimerais faire demi-tour pour ne pas le croiser, surtout que je redoute ce qu'il pourrait me dire par rapport à ma vision mais ma fierté sûrement trop grande me pousse à continuer ma route. Après tout, je suis Aidena Serpentard, héritière de Salazar Serpentard et je en crains personne.
Alors même que je prononce ces mots intérieurement qui sont pour moi comme un mantra et que j'ai déjà dû me répéter des milliers de fois dans ma vie, je me rends compte qu'ils sont faux. Je suis peut-être l'héritière de Salazar Serpentard, mais pour autant, je crains mon père. C'est la vérité la plus pure que j'ai tenté d'enfouir pendant des années mais à présent que la scène où il m'a battu a refait surface dans ma vie, je me rends bien compte que cette phrase que je me répétais à tout bout de champs pour me rassurer n'est qu'un mensonge, une illusion.
Mais ce n'est pas le moment de tout remettre en question, alors je m'efforce d'enfouir, une fois de plus, toutes ces incertitudes et ces questionnements au plus profond de mon esprit et j'entame l'ascension de l'escalier qui mène à la tour. J'ai peut-être peur de certaines personnes, mais pour autant, Drago Malefoy n'en fait pas partie et je compte bien faire en sorte que cela reste ainsi.
Sauf que quand j'arrive en haut et que je distingue une silhouette familière vêtue de la cape émeraude de ma maison, toutes mes bonnes résolutions fondent comme neige au soleil.
VOUS LISEZ
La Princesse de Serpentard [EN COURS]
FanfictionDescendante de Salazar Serpentard, Aidena vit depuis sa naissance telle une reine. Mais l'année de ses quatorze ans, elle est envoyée à Poudlard. Malgré ses amies, ses bonnes notes, sa vie va irrémédiablement changer lorsqu'elle fait la rencontre de...