Je ne tiens pas à perdre mes doigts

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Le lendemain, je me réveille à l'aube, dans le silence le plus complet. Viridis me transmet alors:

"Qu'y-a-t-il ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette."

"Et bien, regarde..."

Je lui montre mes souvenirs et un sifflement résonne dans la pièce.

"Viridis ! Tu vas les réveiller !"

"Désolée. Je comprends que ça n'aille pas, mais tu devrais peut-être aller voler..."

Aussitôt, mon regard se tourne vers la fenêtre. Le vent est fort et il doit faire froid, mais elle a raison, le Quidditch m'aidera.

"Merci, Viridis, tu es la meilleure !"

J'attrape mon balai, un superbe Eclair de Feu que j'ai reçu à mon dernier anniversaire. Je l'entretiens avec soin, et bien que je vole tous les jours, du moins au Manoir, il est en parfait état. J'enfile une tenue noire marquée du sceau des Serpentard, plus propice au sport, et descend sur la pointe des pieds l'escalier, pour ne pas réveiller l'une de mes amies.

La salle commune est baignée d'une atmosphère encore plus solennelle que d'habitude, vide et silencieuse. Je la traverse rapidement, pressée de voler. J'ai toujours adoré le Quidditch, et je pensais tenter ma chance dans l'équipe, cette année, mais je ne peux pas à cause du Tournoi. Je vais quand même continuer à pratiquer pour ne pas rouiller. 

Le château est calme, si calme que je sursaute quand un fantôme passe à mes côtés, grand et élancé, un air benêt sur le visage.

-On est debout de bon matin ? me demande-t-il.

-Il vaut mieux, si l'on veut être tranquille, je réponds simplement en accélérant le pas. 

Je traverse le parc, les narines baignées d'une odeur de rosée fraiche et d'herbe. Le ciel est multicolore, le soleil commençant à peine à se lever, et le spectacle est à couper le souffle. Je me promets d'ne prendre une photo pour mes parents une prochaine fois puis arrive au terrain. J'enfourche mon balai, prend une grande inspiration et m'élève dans les airs.

Ce n'est peut-être qu'une impression, mais c'est comme si tous mes soucis s'envolaient avec moi. Le vent fouette sans répit mes joues, mes yeux me brulent, mes joues sont rougies par le froid, mais j'ai l'impression d'être au paradis. Je m'élève de plus en plus haut, jusqu'à ne plus voir le sol, puis pique vers le bas. Je fonce à une vitesse prodigieuse, et une vague d'adrénaline me gagne, mêlée à de la peur et à de l'excitation. La terre se rapproche si rapidement que j'ai l'impression que je vais m'écraser dessus, mais je me redresse au dernier moment et sens le tissus de ma robe frôler le sol. 

Grisée, j'enchaine les figures les plus audacieuses les unes après les autres, ne prenant aucune précaution. Je fais un tonneau parfaitement contrôlé dans l'un des buts, et me retrouve plusieurs fois suspendue à mon balai par la seule force des bras. Après ce qui me semble seulement quelques minutes mais qui doit être plusieurs heures,  je me retrouve je ne sais pas comment à foncer sur la tour de Serpentard. Elle se rapproche si vite que j'ai peur l'espace d'un instant de m'y écraser, mais je reprends le contrôle de mon corps et me met debout sur mon balai. J'ai la chance d'avoir un excellent sens de l'équilibre que j'ai maintes et maintes fois travaillé, et bien que je ne suis pas tout à fait stable, je ne tombe pas. Et au dernier moment, je saute par-dessus le toit, mon balai passe au-dessus et je réatterris dessus de l'autre côté. Je redescends lentement sur la terre ferme, encore sous le choc de mon exploit. 

La sensation du vent dans mes cheveux toujours présente, je regagne le château lentement, un grand sourire sur mon visage. Et je suis dans un tel état d'hébétude que je ne remarque pas la silhouette fine aux couleurs de Serpentard qui me fixe à quelques centaines de mètres.

Le reste de la journée s'écoule lentement, et je le passe à lire à la bibliothèque. Lorsque je croise Crosya dans un escalier, elle détourne les yeux et part de l'autre côté. Le soir venu, je dîne avec Kate et Astoria, mais l'envie n'y est pas, et un silence de plomb règne. Finalement, je vais me coucher, mais c'est seulement après m'être tourné pendant plusieurs heures dans mon lit que je m'endors.

Lorsque Viridis m'éveille d'un sifflement dans mon esprit, je m'habille rapidement et descends petit-déjeuner, seule, une fois n'est pas coutume. Le cours de botanique se déroule dans un calme inhabituel, et je m'isole à un table pour être tranquille. Malheureusement pour eux, deux premières années viennent me demander comment j'ai mis mon nom dans la coupe lorsque la cloche résonne. Je crois bien que si Kate ne m'avait pas empêché de leur jeter un sort, ils seraient enterrés à l'heure qu'il est. Il faut dire que mon emploi du temps ne me remonte pas particulièrement le moral: nous nous dirigeons en ce moment vers un cours de soin aux créatures magiques, en compagnie des Gryffondor. 

Depuis l'annonce des champions, je n'ai pas revu Potter, mais lorsqu'il arrive pour la leçon, je suis surprise de voir que le rouquin traître à son sang n'est pas avec lui. Ce dernier se place à l'opposé du balafré, et je surprends la sang-de-bourbe à les regarder avec un air désespéré. Il faut croire que je ne suis pas la seule à avoir perdu un ami dans cette histoire.

-Regardes, c'est le champion, dit soudain une voix moqueuse que je reconnais immédiatement: celle de Malefoy. Vous avez vos carnets d'autographes ? Il vaut mieux lui demander sa signature maintenant, parce que ça m'étonnerait qu'il soit là encore la très longtemps. La moitié des champions du Tournoi des Trois Sorciers sont morts pendant les épreuves... Combien de temps croyez-vous que Potter va tenir ? Je suis prêt à parier qu'il ne dépassera pas les dix premières minutes de la première tâche.

Les deux amateurs de gâteaux flottants (dédicace à @Lullamedy et à @devoreusesdelivres2) rient. Il faudrait leur dire qu'ils ont l'air de babouin comme ça. Remarque, ça ne change pas tant que ça par rapport à d'habitude. Avant que Potter n'ait le temps de se défendre, le gros balourd arrive, une dizaine de boites dans les mains.

-Oh non, souffle Kate. Ils ont encore grandi.

Malheureusement, elle a raison, et notre idiot de professeur nous explique qu'on va devoir promener les Scroutts en laisse.

Je n'ai qu'une chose à dire: beurk. D'ailleurs, j'entends Malefoy protester:

-Emmener promener une de ces choses ? Et où est-ce qu'on est censé attacher la laisse ? Autour du dard, du pétard ou de la ventouse ?

-Au milieu, répond l'homme, en nous montrant comment faire. Heu... vous feriez peut-être bien de mettre vos gants en peau de dragon, c'est plus sûr.

Ne t'inquiète pas, Einstein, je ne tiens pas à perdre mes doigts.

-Harry, viens m'aider à attacher celui-là, continue le professeur .

Tandis que les deux idiots parlent, nous attachons les bêtes puis partons les promener, tenant la laisse du bout des doigts. 



La Princesse de Serpentard [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant