Monte tout de suite, petite garce

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Après un dernier coup d'œil morne dans le miroir, je rejoins mes parents au salon, près de la cheminée par laquelle je suis arrivée. Ils sont déjà placés dedans et mon père consulte sa montre, bien que nous soyons à l'heure. 

— Aidena, te voilà ! La soirée va bientôt commencer, nous allons y aller. N'oublie pas, tu dois faire bonne impression. Les Malefoy sont une famille influente, il nous les faut dans la poche.

— Et quel est mon rôle à jouer ?

Un instant, je crains qu'il ne prenne cela comme une preuve d'impertinence et je me raidis en jurant intérieurement. Heureusement, il ne semble pas énervé et répond avec une patience étonnante :

— Tu connais leur fils, pas vrai ? Tu vas devoir te charger de bien t'entendre avec lui. Après tout, tu es ravissante, ce soir, ça ne devrait pas être compliqué.

Je palis instantanément en comprenant ce qu'il veut dire. Il me charge de séduire Drago, tout ça pour une histoire d'alliances politiques. J'aimerais vomir, là tout de suite : je ne peux pas faire ça, et encore moins avec lui ! On ne se parle même pas et mon jeu d'acteur a ses limites. Si je vais trop loin, je vais exploser. Et me rapprocher de lui est aller bien trop loin.

Avant que je n'ai le temps de dire quelque chose, il m'enjoint de me presser et je ravale mes protestations. Je me place à côté d'eux et il ferme les yeux pour se concentrer avant de murmurer :

Lanuae nobis.

Aussitôt, je sens le sol se dérober sous mes pieds et j'attends patiemment de le sentir revenir. Nous atterrissons au milieu d'une grande pièce aux murs immaculés et je vois par la fenêtre de la neige tomber. Alors que je détaille les environs, des pas résonnent et je vois une femme blonde s'approcher.

Narcissa Malefoy. Je l'ai déjà rencontrée quelques fois et je dois lui reconnaître qu'elle est la parfaite épouse pour Lucius : classe, calme et intelligente. Au fond de moi, j'ai l'impression qu'elle est plus rusée qu'on pourrait le croire. Elle s'avance pour faire la bise à mes parents du bout des lèvres et fait de même avec moi en souriant :

— Quel plaisir de vous avoir ici ! Suivez moi, tout le monde est au salon.

Nous obéissons et elle nous entraine à travers une succession de couloirs tous identiques, comme si elle cherchait à nous perdre. Je vois ma mère lancer des coups d'œil partout comme pour juger la propreté et l'endroit tandis que mon père plisse sa tenue d'un air absent. Il à l'air de réfléchir à toute allure à ce qui va arriver, comme s'il angoissait.

Enfin, nous arrivons dans une immense salle au plafond haut de plusieurs mètres. Elle n'est meublée que de quelques fauteuils et d'une table dans un coin, lui donnant l'air terriblement vide. J'aperçois une chevelure blond platine dos à moi et je me raidis en devinant à qui elle appartient.

Drago. Je n'ai pas, mais alors pas du tout envie de le voir maintenant. Rien qu'à y penser, je me tords les doigts sans pouvoir m'en empêcher. Ce n'est pas normal, il ne devrait pas me mettre dans cet état alors que cela fait des semaines que nous ne nous sommes pas parlés. Je dois m'y faire, nous ne serons jamais amis et encore moins plus qu'amis.

C'est comme ça. Alors je me force à reposer mes mains le long de mon corps et à sourire, même si j'ai plus l'impression de grimacer. Je suis l'exemple de ma mère et m'assois tout en veillant à rester droite, à seulement quelques mètres du blond. Tout mon cerveau clignote "Alerte ! Alerte !" mais je l'ignore et répond aux questions de Narcissa. 

Elle me parle du Tournoi, du Bal, de Poudlard avec un intérêt qui paraît presque sincère. Lucius, lui, se contente de me fixer en sirotant du thé. Plus gênant, tu meurs. Mais je n'y fais pas attention. 

J'ai des années d'expérience en ce qui concerne le paraître. Je sais quand rire de façon distinguée, sourire, avoir l'air triste en ayant l'air naturelle. Tout a toujours été une question d'allure dans ma famille et cela restera ainsi, je le sais. En public, nous semblons unis, presque joyeux alors qu'en vérité, dès que nous sommes au Manoir, des centaines de mètres nous séparent. Littéralement. Ma chambre est installée à l'opposé de la leur depuis ma naissance afin que je ne les réveille pas la nuit quand je pleurais. Une nourrice s'occupait de moi et c'est elle que je voyais le plus. Mais elle est partie très vite, virée lorsqu'on a découvert qu'elle avait menti sur son ascendance et n'a jamais été remplacé car j'avais déjà six ans et que ce n'était plus nécessaire.

Dans le coin de mon champ de vision, je remarque que le Serpentard fixe ses ongles comme si c'était la plus belle chose du monde. Ses yeux sont creusés par la fatigue et un manque de fatigue, sûrement comme les miens sans cette épaisse couche de maquillage que je porte. Je vois mon père me jeter des regards en coin comme s'il attendait de moi que je fasse ou que je dise quelque chose. Mais je ne peux pas. J'en suis incapable, c'est trop pour moi.

Sauf que je dois être maudite par quelque entité supérieure parce qu'à l'instant où je formule cette pensée, Narcissa ajoute d'un ton faussement enthousiaste :

— Aidena, Drago, si vous montiez tous les deux ?  Tu peux lui montrer ta chambre. Vous pourrez un peu parler, vous avez dû vous manquer tous les deux depuis votre départ en vacances si vous vous voyez tous les jours en temps normal.

J'ouvre la bouche et la refermer plusieurs fois. Non, non, non, surtout pas. Alors je proteste faiblement :

— Je préfère rester ici, si ça ne vous dérange pas.

Erreur cruciale, quoi qu'élémentaire. Mon père se lève dans son fauteuil et me fusille de toute sa hauteur. Il s'approche de moi en deux pas et me prend par le bras avec force, même si cela ne se voit pas de l'extérieur. Retenant un gémissement de douleur, je me lève et me retrouve à côté de lui. Il prend un ton doucereux qui ne cache pourtant pas la menace dirigée contre moi et dit :

— Aidena, ma chérie, monte avec Drago.

Je hoche la tête en retenant des larmes de souffrance car il serre bien trop. Il se penche vers moi comme pour m'étreindre et me murmure à l'oreille :

— Monte tout de suite, petite garce. Et ne t'avise pas de protester, sinon la soirée va très mal se terminer.

Je me raidis et me mets à trembler. Pour la première fois depuis des semaines, je ressens quelque chose et je n'ai plus l'impression d'être un zombie. Sauf que la peur et la détresse qui me tiraillent en ce moment sont des sensations tout sauf agréables. 

Il se recule et m'adresse un faux sourire qui m'ordonne d'obéir. Je souris avec peine parce que je sais que c'est la seule manière de ne pas envenimer la situation. Si je suis chanceuse, il aura oublié cet épisode quand nous rentrerons au Manoir. Sauf que je ne crois plus à la chance et je sais très bien que ce ne sera pas le cas, d'autant plus que nous serons seuls sans ma mère les prochains jours. Il aura alors tout le loisir de m'ensorceler autant qu'il veut.

En d'autres termes, je suis sûre d'y passer. Mais je suis habituée maintenant.




Les choses croustillantes arrivent, mais ça me brise le cœur d'écrire ça. Pauvre Aidena, et surtout pauvres enfants qui subissent cela pour de vrai. J'ai la chance de ne pas en faire partie mais sachez que si vous en avez besoin, si cela vous arrive, il faut en parler, surtout, à un adulte en qui vous avez confiance. Et si vous avez besoin, vous pouvez toujours venir me parler en MP.

Bref, sinon, donnez moi votre avis sur :

— Malefoy et Aidena qui s'ignorent encore ?

— La soirée compliquée qui s'annonce ?

— Le comportement du père d'Aidena et sa violence évidente ?

— Sa peur et ses émotions qui reviennent ?

Voilà, on se retrouve très vite pour la suite. Mais ne vous inquiétez pas, la situation de notre rousse préférée finira par s'améliorer.

La Princesse de Serpentard [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant