✯ Chapitre 50 ✯

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Le trajet jusqu'à l'expo s'est fait en musique. Judith a voulu entamer la discussion, mais essayant toujours de comprendre pourquoi nous en sommes arrivé là, j'ai directement allumé la radio. Étrangement, revenir ici me fait ressentir un léger sentiment de nostalgie. C'est ici que j'ai obtenu mon diplôme. Malgré le fait que je venais rarement sur place, j'ai un très bon souvenir des profs. Un peu moins des autres étudiants, parce que je n'étais pas trop dans la socialisation.

Mes aptitudes en dessin et peinture ont été découvertes très tôt. Je dessinais en classe lorsque je m'ennuyais...c'est-à-dire, constamment. Certains professeurs me réprimandaient, mais pas monsieur Fitz. C'est lui qui a conseillé à maman de me faire prendre des cours junior au beaux-art.

Dès mon premier cours, un changement s'est opéré en moi. L'école classique ne m'intéressait pas. Je préférais ces deux heures ou je ne faisais que vider mon esprit en dessinant.

J'ai réalisé mon premier tableau à l'âge de douze ans. Il représentait une famille sans visage. Malgré les bons retours du prof, je n'aimais pas cette peinture. Je l'ai finalement jeté au feu dans un squat, lors d'une de mes nombreuses sorties nocturnes.

Étant habile avec un pinceau, j'ai continué à approfondir ce « talent », comme le disait le prof. L'un de mes tableaux a même gagné un concours jeunesse.

J'ai terminé le lycée en ayant paresseusement tout juste la moyenne. Tous les membres de ma famille m'ont fortement encouragé à passer l'examen d'entrée au beaux-art. En ressortant, je pensais avoir échoué. J'avais été beaucoup plus à l'aise à l'épreuve de dessin qu'aux autres. Mais mon portfolio et la recommandation du prof du cours junior ont grandement fait pencher la balance en ma faveur.

En ce temps-là, mes crises étaient vraiment très fréquentes. Et il m'arrivait de manquer beaucoup de cours. C'est à ce moment que j'ai décidé de retenter un traitement. L'avantage a été que je n'avais plus de crise, mais l'inconvénient, a été que je n'avais plus d'énergie. Alors j'ai décidé d'arrêter.

Voulant faire de même avec mes études, maman, en présentant mon dossier médical a demandé un aménagement spécial pour moi. Celui-ci a été accepté, et c'est ainsi que j'ai pu suivre des cours à distance, et ne venir sur place que lorsque j'en avais envie, ou si ma présence était impérative.

Judith ne le sait pas, mais j'étais déjà au courant pour l'expo. Chaque année, l'école demande à un ancien élève dans chaque domaine de suivre le groupe d'étudiants. J'ai refusé, essentiellement parce que je n'avais pas le temps avec ma propre expo à concevoir.

Depuis que j'ai été diplômé, je ne suis jamais revenu sur le campus. Je constate donc que des travaux ont été réalisés. La grande sculpture en métal a été remplacée par une en bois.

Debout à côté de moi, Judith regarde aussi la sculpture. Selon l'angle de vue, la perception change. D'où nous nous situons, les formes ressemblent à celle d'un couple en plein ébat. Et en se plaçant sur le côté, le couple semble en pleine dispute.

- C'est fascinant ce que les personnes avec la fibre artistique peuvent faire, s'émerveille Judith. J'aurais aimé moi aussi pouvoir évoluer dans ce domaine, mais cela n'est pas donné à tout le monde. Mes parents ont bien essayé de m'initier à un instrument de musique, mais ma volonté était trop faible...j'ai abandonné.

L'expo est découpée par département. A l'entrée du campus, des élèves énergiques distribuent des fascicules visant à aider les visiteurs à se repérer. Sans doute par politesse, Judith en accepte un, même s'il est identique à celui qu'elle m'a amené à l'atelier. Machinalement, je me suis dirigé vers mon ancien département.

- Tu jouais de quel instrument ? Je me renseigne alors que nous entrons dans la grande salle.

- Mhm ?

I Want More [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant