Chapitre 65

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Un rugissement.

Un pur hurlement de douleur et de rage ; la manifestation d'une colère viscérale irrépressible, un appel à la violence immédiat et inéluctable. Voilà ce que perçurent Aiz, Kurl et Laley, lesquels étaient, conformément aux directives de Dixan, restés en retrait précautionneusement ; le groupe du commandant se heurtait vraisemblablement à une douloureuse désillusion. Les trois Orphelins échangèrent un bref regard avant qu'Aiz ne prenne silencieusement la direction de l'entrepôt où Dixan, Akis, Lani et Amara s'étaient rendus. La bâtisse était close, et elle empêcherait Kurl de s'y mouvoir librement ; mieux valait donc compter sur un combattant qui ne disposait pas de la même mobilité. Le pugiliste, sans l'ombre d'un doute, disposait de compétences qui lui permettraient de se rendre utile... quelle que soit la situation réelle du côté du quatuor.

— Attention, Aiz ! hurla néanmoins Laley en pointant les cieux du doigt.

Alerte et attentive, elle l'était : parce qu'elle savait, en l'occurrence, qu'elle risquait encore une fois d'être tenue à l'écart des conflits. Ainsi, elle parvint à constater qu'un gigantesque condor décrivait des cercles au-dessus de la forteresse du Pic Zygos ; juste à temps pour avertir le commandant tandis qu'une nuée de projectiles pleuvaient sur lui, menaçant de le percuter frontalement. Par mesure de précaution, le colosse suivit son instinct et accorda à son amie le plus grand des crédits. Il réagit donc en conséquence et se jeta sur le côté à l'instant où les projectiles, de longues plumes effilées, s'apprêtaient à l'atteindre ; comme il n'était plus là pour leur barrer la route, les plumes continuèrent jusqu'au sol... et s'y plantèrent sèchement, droites, tranchantes comme des coutelas flambant neuf.

Le géant léthargique ne leur adressa qu'une œillade avant de mirer du côté du condor, qui continuait à décrire ses cercles avec une indolence qui confinait au mépris. A une telle altitude, il était à peu près hors de portée pour Aiz, qui ne pouvait l'atteindre qu'en usant de projectiles. Sa force physique titanesque lui permettrait certes de menacer le volatile... mais pas assez sérieusement pour traiter cet ennemi-ci avec toute l'efficacité qu'il exigeait.

— Je m'en occupe, siffla donc Kurl tandis qu'une flèche apparaissait entre ses doigts.

La création, modelée par son souffle, s'élança en direction du condor en menaçant de l'embrocher ; dans le même temps, le commandant reprit la route de l'entrepôt de son pas pesant. Le prédateur ailé parvint, d'une embardée sèche, à se placer hors de danger... puis une seconde pluie de plumes fondit sur Kurl et sur Laley, empêchant l'archer de continuer à se focaliser sur l'offensive. Lui et son amie parvinrent néanmoins à se placer hors de portée par le biais d'une impulsion sèche ; cette confrontation risquait de s'éterniser s'il ne prenait pas davantage la peine de se mouiller.

Il allait devoir rejoindre ce Cydylaïn directement dans les airs pour lui régler son compte.

Un bref regard à Laley, un bref signe de la tête, et voilà que les ailes positionnées dans son dos s'animaient violemment ; il s'éleva d'une dizaine de mètres d'une traite, puis continua à progresser en générant une nouvelle flèche. Il prévoyait de se rapprocher encore un peu avant de l'encocher, mais le condor lui compliqua la tâche en le gratifiant d'une nouvelle pluie de projectiles. Le conflit s'annonçait laborieux plus que véritablement complexe : à croire que cet ennemi ailé savait pertinemment qu'il ne l'emporterait pas, et que son intention était, avant toute autre chose, de gagner du temps.

Laley, qui était restée en retrait, demeura placide l'espace d'un instant avant qu'une voix ne la hèle ; elle provenait de l'un des deux bâtiments effondrés, et une silhouette ne manqua pas de s'extirper des décombres en entraînant à sa suite deux épées courbées comme des croissants de lune.

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant