Chapitre 105

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— Derrière les remparts, vite ! beugla l'un des subordonnés d'Aiz, alarmé comme jamais.

Erik aurait aimé avoir le loisir d'approuver vocalement ; mais tout son souffle devait être consacré à la création de ses nuages impénétrables, qu'il invoquait incessamment, expédiait à la rencontre de la myriade de projectiles qu'on faisait pleuvoir sur eux depuis que la retraite avait été amorcée à la hâte. La situation était passée de précaire et préoccupante à tout simplement désastreuse, avec le changement de camp du commandant Orphelin ; et il allait sans dire que la muraille, seule, ne suffirait jamais à rétablir un équilibre même relatif. Le quadragénaire se souvenait bien, après tout, qu'Aiz avait été en mesure de pulvériser le mur d'enceinte de la forteresse de Kalk Azon en un tournemain ; rien ni personne ne pourrait l'empêcher de réitérer le même exploit ici. Dans le ciel, Istios n'en finissait plus de décrire des cercles, angoissé, incapable de savoir comment il devait se comporter pour alléger un tant soit peu l'épreuve innommable que ses partenaires avaient à affronter... et il se sentait d'autant plus démuni qu'aucun de ses opposants ne semblait accorder à son vol anarchique la moindre importance.

On se moquait de lui, de sa présence, de sa combativité, parce qu'il était loin, très loin de pouvoir incarner une menace probante aux yeux des combattants des Brigades Royales. Il n'était qu'un messager, après tout... Pourquoi auraient-ils dû lui accorder un crédit auquel il ne pouvait pas prétendre ?

A deux pas d'Erik, Jade se montrait sous son jour le plus revêche. Elle canardait les troupes ennemies de ses piques effilées pour gagner un temps précieux afin de couvrir la fuite de ses alliés. Si aucune de ses offensives ne parvenait à faire mouche, dans la mesure où ses opposants étaient suffisamment nombreux et organisés pour leur opposer des ripostes savamment proportionnées, elle réussissait envers et contre tout à les tenir en respect depuis quelques dizaines de secondes. Un exploit, sans l'ombre d'un doute... mais un exploit qui ne les sauverait pas, jamais. Parce qu'elle avait bien conscience que cela n'empêcherait pas, lorsque l'envie les piquerait, l'un des commandants de passer à l'action.

Kurl et Laley. Les deux Orphelins, qui devaient se trouver quelque part au centre de l'Esplanade de l'Oracle, à veiller sur Andrek, étaient peut-être leur unique chance de tenir tête vaillamment à leurs vis-à-vis.

Un soldat d'argile s'érigea sur la gauche de Jade ; celle-ci, décontenancée, comprit qu'elle avait manqué de vigilance en se focalisant tout particulièrement sur les trois commandants, et sur leurs subordonnés les plus avancés. La création de Vivel s'apprêta à la percuter pour la rappeler à l'ordre sèchement... Quand une nouvelle silhouette fit irruption, fracassant la créature terreuse d'un coup de pied furibond. Porté par l'élan que lui avaient conféré ses fils, Sora avait eu le bon goût de frapper avant de réfléchir ; et maintenant qu'il se tenait aux côtés de ses deux compagnons, il avait toute la latitude de sentir l'effroi se saisir de la moindre de ses fibres.

— Pourquoi est-ce que Aiz... commença-t-il à balbutier.

— Peu importe, il faut qu'on recule ! Où sont les autres ?

— Ils... Ils combattent l'Oracle !

L'urgence, elle était là, sans doute. Dans cette petite information qui fit tressaillir aussi bien Erik et Jade que l'ensemble des subalternes d'Aiz susceptible de la saisir au vol ; ils devaient tenir, non pas pour assurer leur propre sécurité, mais bien pour permettre à leurs camarades de continuer leur propre bataille sans avoir à craindre d'ingérence supplémentaire. Si Vivel, Amilista et Aiz devaient surgir pour prêter main forte au Saint Homme, il allait sans dire qu'aucune alliance d'aucune nature ne pourrait leur opposer de résistance digne...

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant