Chapitre 67

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— Kurl !

La voix claire de Nakata lui parvint et il se redressa en soupirant pesamment. Laley était toujours endormie, à ses côtés, paisible ; son commandant laissa une inquiétude mordante s'inscrire sur ses traits avant que son vieil ami ne daigne le rassurer. Sur les talons du bretteur blond, Malir, Andrek, Sora et Satin s'approchaient également, quoi qu'avec bien moins de précipitation.

— Tout va bien, ne t'en fais pas.

— On a vu le Cydylaïn... se justifia Nakata en marquant un arrêt à quelques pas de là.

— Il y avait aussi un Cydymisen. Elle lui a réglé son compte.

Le commandant soupira, sans nul doute grandement soulagé de savoir que son amante s'était tirée de ce guêpier sans heurts ; restait que cette information que venait de lui apporter Kurl avait toutes les raisons du monde de bousculer en lui tout un tas de questions plus que légitimes. Des Cydylaïns et des Cydymisens s'en prenaient à eux ? La forteresse du Pic Zygos avait manifestement été vidée de ses occupants ; à moins que Lida, Rolan, Nilly et Jade ne soient retenus prisonniers quelque part, bien sûr... Considérer que des ressortissants de Balhaan étaient peut-être ceux qui avaient choisi de s'en prendre à eux ne pouvait, bien entendu, qu'engendrer un lot d'interrogations supplémentaires ; et les perspectives vertigineuses qui s'ensuivaient donnaient à Nakata la ferme impression que son flair, une fois de plus, ne l'avait guère trompé. Le Roi avait probablement choisi de leur nuire à tous, courroucé d'avoir été doublé par le jeune épéiste fringant ; peut-être avait-il appris qu'ils se trouvaient à Kale à cause d'un espion...

— Minute... Kaster, murmura-t-il, frappé de bon sens.

— Kaster ? s'étonna Kurl.

— C'est lui. Il a forcément rapporté l'information de notre présence aux abords de Kale au Roi... Lequel lui aura ordonné de frapper pour nous punir.

— C'est trop tôt pour tirer des conclusions, le sermonna son ami en devinant où le menait son raisonnement. Et pour le moment, tout n'est peut-être pas sous contrôle. Des cris nous sont parvenus, du groupe de Dixan. Aiz est parti vérifier.

— On va y aller également, dans ce cas. Satin, reste avec Kurl et Laley. Ton pouvoir est plus utile en extérieur. Malir, rends-toi invisible et rejoins le groupe d'Erik. S'ils ont besoin d'aide, tu seras le plus à même de les soutenir sans les gêner. Andrek et Sora, venez avec moi.

Les quatre principaux intéressés opinèrent du chef, considérant les directives de Nakata avec sérieux. Puis tous se mirent en branle, se dirigeant au pas de course vers leur destinations actuelles.

***

Les poils de Resha surgirent de toute part, menaçant de l'entraver pour mieux l'embrocher ; il ne s'en inquiéta guère, laissa l'eau qu'il manipulait l'englober complètement et le projeter dans les airs, avec une mobilité que son enveloppe corporelle ordinaire n'aurait jamais pu assumer. L'ours ne se découragea guère, et sa fourrure continua à s'animer, à s'étendre pour tenter de venir cueillir le commandant dans les airs. Celui-ci, pragmatique, comprit qu'il ne pourrait pas éternellement échapper à son assaillant : les lieux, clos, avaient été savamment choisis par Kaster pour s'en assurer. Aussi misa-t-il, plutôt que sur l'esquive, sur l'agression : sa main droite s'anima et l'eau, qui était partiellement restée en-dessous de sa position actuelle, sembla s'unir dans un geyser horizontal et furieux. Le flot vindicatif percuta le Cydylaïn de plein fouet, le repoussant avec virulence ; les poils libérèrent le chemin de Dixan qui, à nouveau propulsé par son pouvoir aqueux, fondit sur Kaster avec la ferme intention de lui régler son compte.

L'autre Cydystari transforma alors ses bras en lames, conscient que cette approche énergique allait le contraindre à échanger quelques passes d'armes avec ce commandant hors de lui. Il tenta de l'accueillir d'un coup tranchant vertical au moment où Dixan se présentait de front ; l'eau de ce dernier lui offrit un effet de rotation suffisant pour lui permettre d'esquiver cette première attaque, et il présenta son pied au menton de Kaster qu'il gratifia d'un choc sec. L'adversaire du commandant chancela, mais revint à la charge bien assez tôt ; l'Orphelin répondit en se réceptionnant habilement au sol et en unissant ses mains, pour emprisonner une petite quantité d'eau qu'il pressurisa et projeta à très grande vitesse sur son assaillant. Le pauvre Kaster fut percuté en plein abdomen, et éclata un lot considérable de tonneaux et de caisses vides en les traversant lourdement.

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant