𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏

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BETH-ANNE

14 Mars 2054. Vienne.
Silence.
Écoutez.


Le silence était présent, partout dans cet appartement fade et triste. Tout était gris. Du début à la fin, tout était terne et sans vie. Le bleu ne ressemblait en aucun cas à celui du ciel en plein été. Le jaune n'était pas aussi gai que ce qu'on pouvait dire. De ce que mes parents m'avaient enseigné lorsque j'étais enfant, les couleurs étaient tellement plus jolies auparavant, elles dégageaient tant de bonté et de joie. Mais tout avait apparemment changé drastiquement, le gouvernement a commencé à prendre certaines décisions que le peuple rejetait, mais ce fut sans appel que la politique l'emporta sur la voix des citoyens. Je ne l'ai jamais vécu comme un affront. Tout était normal. Un pays normal, avec ses propres lois. Normales. Tout est normal.

L'art a cessé d'exister depuis des années déjà.

Notre liberté. Notre moyen de nous exprimer. Beauté que je ne connais que des livres et manuels scolaires. Je ne l'avais jamais connu, et je le vis bien. Cependant, ma mère me parlait tellement de l'art, c'était certainement la chose qu'elle regrettait le plus de sa jeunesse. Elle me disait à quel point elle aimait peindre quand elle était petite. Malgré cela, elle ne cesse de dire que l'art était aussi beau que dangereux. Ce beau mot qu'était l'art et qui aurait pu représenter tellement d'espoir pour nous aujourd'hui avait été banni, les artisans ont dû faire faillite, certains ont même été arrêtés pour des raisons d'illégalité de ce qu'on raconte. Les plus courageux ont persisté, mais les lois restent les lois.

Les exécutions se sont amplifiées, les droits de l'homme ont été bafoués, la prose était remplie de sang, les plumes écrivaient avec leurs gouttes. Les notes de sol n'ont jamais été aussi tristes qu'aujourd'hui. Cette soi-disant dictature s'était impliquée trop vite pour qu'ils la voient venir. Elle avait été sournoise, intrépide et plus forte que nous. Enfin, ce n'est pas une dictature, c'est une sécurité. Seuls ceux qui ne sont pas d'accord avec ce nouveau système le critiquent. Or, il nous a sauvés de beaucoup de choses ici. C'est ce que tout le monde dit.

Je fermais le livre sous mes yeux pour soupirer un bon coup en jetant un coup d'œil à ma montre qui m'indiquait qu'il fallait vite que je me prépare pour ne pas être en retard. C'est ce que je fis sans plus tarder, attachant mes cheveux roux rapidement, me regardant une dernière fois dans le miroir de mon petit salon pour enfin prendre mes clefs et m'en aller.

J'avais toujours vécu dans ce système alors, je n'étais pas aussi dépaysée que ce qu'on pouvait me faire croire, même s'il ne l'était pas tant que ça finalement, ma mère par contre, l'art lui manquait, mais elle n'était pas du genre à sortir dans la rue pour demander son retour. Ils étaient et avaient toujours été ces jeunes gens qui préfèrent ne pas avoir de problème, ceux qui se fondent dans la masse, suivent le mouvement et obéissent pour pouvoir vivre tranquillement.

     Je ne les poussais pas à haïr ce système qui nous avait été clairement imposé, mais en même temps, cela m'intriguait de les savoir indifférents. Quand tous ceux de leurs âges sont dans la rue à manifester, à se faire arrêter, parfois même exécuter pour des propos soi-disant « dangereux pour la pensée collective », penser que mes parents préféraient détourner les yeux, cela me révoltait intérieurement. Mais qui pouvais-je être pour juger cela ? J'étais loin d'être le parfait modèle de révolte. Au contraire, je préférais rester dans mon coin, réfléchissant, pensant beaucoup trop pour mon âge et ma position dans cette société. Car pour survivre dans ce pays, c'était ce qu'il fallait être : parfait.

Je lève les yeux vers le ciel lorsque je me rendis enfin compte que j'étais sortie de cet immeuble, le silence avait enfin cessé. Les voitures circulent dans les rues, les passants, les commerçants crient leurs produits à la vente. Toute cette vision qui paraissait vivante ne l'était pas en réalité. Lorsque l'on observait bien, à chaque coin de rue, des policiers guettaient chaque infraction. Une seule infraction, et la personne étaient embarquées pour une bonne journée en observation.

Ô 𝐉𝐎𝐋𝐈 𝐏𝐀𝐎𝐍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant