CHAPITRE VINGT-NEUF - "Je l'ai fait."

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Pendant un instant, un très court instant, je me suis laissée aller à la possibilité improbable que mes parents, que je n'avais pas revu depuis ma fuite 8 ans auparavant, auraient été inquiets pour moi

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Pendant un instant, un très court instant, je me suis laissée aller à la possibilité improbable que mes parents, que je n'avais pas revu depuis ma fuite 8 ans auparavant, auraient été inquiets pour moi. Que s'ils s'étaient déplacés, eux qui ne faisaient jamais rien au hasard et détestaient côtoyer les gens "de la plèbe", c'était parce qu'ils agissaient enfin en véritables parents.

Autant dire que ce très bref laps de temps pendant lequel ma naïveté affligeante a refait surface s'est brutalement achevé la seconde suivante.

Non, ils n'ont pas changé. Je crois même que, grâce à la perception que j'en ai aujourd'hui - celle d'une femme libre -, ils sont pires qu'autrefois... et cela résume bien l'abîme qui m'a toujours séparé d'eux et de leur monde étriqué.

Je les observe tour à tour, la douleur de rester debout s'effaçant à mesure que ma dignité d'être humain se rappelle à mon bon souvenir. Je ne paraîtrais plus faible devant ces gens. Je ne suis plus la petite poupée malléable qui les suivait partout comme un chiot en laisse, la queue frétillante à l'idée de pouvoir un jour recevoir une caresse, une marque d'attention, quelle qu'elle fût.

Mon père et ma mère me dévisagent avec la même hauteur qu'à l'époque, seulement cette fois, j'ai grandi. Je ne porte plus le poids de leurs attentes, de la pression sur mes épaules. Borys Czartoryski n'est plus aussi imposant, même habillé de ce costume impeccable fièrement orné d'une broche aux couleurs des armoiries de la famille, même avec ce maintien royal qui le fait paraître dix ans de moins que ses véritables 62 ans. Ses cheveux poivre et sel sont toujours aussi bien coiffés, et malgré les légères rides qui étirent les commissures des yeux dont j'ai hérité, on comprend à quel point l'apparence compte pour lui.

Quant à Sonya Czartoryski, ma mère, celle-ci me considère toujours de haut, de son oeillade constamment désapprobatrice, qui ne changerait pas même si j'étais moulée dans de la porcelaine et qu'elle pouvait m'agiter à sa guise. Je suis un défaut à ses yeux, une tare qu'elle se chargeait de rectifier. Ma façon de parler, de bouger, de m'habiller, de respirer, de penser... elle régnait sur chaque aspect de ma vie sans jamais me trouver à la hauteur.

Pour mes géniteurs, héritiers princiers de terres ancestrales léguées de générations en générations, tout ce que je faisais n'était jamais et ne serait jamais suffisant.

Et dire que nombre de couples bataillent toute leur vie pour avoir et aimer un enfant... ces deux-là ne m'ont conçu que par devoir et nécessité. Ils ne méritaient pas le bonheur et la chance d'être parents.

Daryl et moi ne nous comporteront jamais ainsi avec notre petit pois. J'en suis intimement convaincue.

Fière de cette résolution, je sais que ce que je m'apprête à dire marquera la fin d'un emprisonnement long de 18 années. Je sais que le tournant amorcé se fera dans la douleur, mais celle-ci débouchera sur une liberté que, sans le savoir, mes parents m'ont poussé à revendiquer.

~ Mi volcàn ~ (Is It Love? Daryl Ortega)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant