Damien (En Pause)

46 - Marron et Vanille

Après avoir parlé à Nathaniel, j'étais allé à la maison Belaire afin de me remettre à ma lecture. Je m'étais séparé de lui quasiment dans l'avant midi alors j'avais eu toute la journée pour lire. C'était le meilleur moyen de m'évader et me détendre dans une période assez problématique de ma vie. À croire que je n'étais que dans des périodes problématiques.

L'écriture était propre du début à la fin, l'intrigue et les rebondissements y étaient bien gérées, le final était satisfaisant, ce livre m'avait énormément plu. Je n'avais plus eu l'occasion d'en lire d'aussi bonne qualité depuis très longtemps. Souffrant de la page blanche, j'avais lu ce livre en examinant minutieusement chacun des mots écrits par Henry Winterfeld dans l'espoir d'en tirer quelque chose. Une miette, une mot, une phrase, une idée... j'étais à la recherche de la moindre étincelle qui aurait pu m'aider à débuter une histoire. J'avais quand même réussi à avoir quelques idées. Ça aurait été abusé de dire que j'étais bloqué au point de ne rien pouvoir écrire du tout. Cependant, toutes les ébauches de scénario que j'écrivais étaient médiocres et ne me plaisaient pas. J'aurai pu rassembler des clichés et pondre une histoire terre à terre au scénario basique qui aurait satisfait quelques fans de littérature médiocre mais ça aurait été une humiliation pour moi. J'étais le meilleur écrivain du monde et je me devais de confirmer ce statut avec mon second livre. Mes haters ne se seraient pas privés de me cracher à la gueule leur venin en cas d'échec. Certains sceptiques se prononçaient déjà là-dessus en disant que je n'arriverai pas à écrire de second livre, prétextant que j'avais utilisé toutes mes idées dans le premier et pour tout dire, ils avaient raison. J'avais initialement prévu une histoire longue et la maison Belaire m'avait obligé à la rallonger encore plus pour qu'elle remplisse certains critères. J'avais mis absolument toutes mes idées et toutes mes tripes dans ce livre.
Des auteurs de la même situation que moi, ils en existaient beaucoup. La plupart finissaient toujours par ravaler leur fierté et appeler leur éditeur au secours.

Dommage que le mien fût un énorme connard que je détestais. J'aurai encore préféré sacrifier un de mes testicules plutôt que lui demander de l'aide.

J'avais fini par remplir de papiers froissés, la corbeille à côté de moi. J'étais mécontent de mes histoires et même celles à la base moyenne que j'aurai pu perfectionner ensuite, avaient finies à la poubelle. Ce n'était pas juste un désir excessivement perfectionniste d'écrire la meilleure histoire. Ce que j'écrivais était vraiment à chier. Je n'y comprenais plus rien, c'était frustrant et triste. Ces échecs à répétition avaient fini par avoir raison de ma volonté, de mon moral et de mon humeur. J'étais vraiment devenu irritable.

J'avais fini par me lever et rejoindre ma petite bibliothèque pour voir quels autres livres j'aurai pu lire.

C'était à ce moment que j'avais revu le livre de mon succès. Le revoir me rappela mes heures de gloire au sommet et lorsque je m'y replongeai, je me rendis compte à quel point j'étais dans le trou ce jour là.
La colère prit définitivement le dessus et me poussa à faire valdinguer avec fureur, mon livre jusqu'à l'autre bout de la pièce. J'avais longtemps cherché à rejeter cette réalité mais elle avait fini par me rattraper. Je n'arrivais plus du tout à écrire.
J'étais en droit de me demander si j'aurai mieux réussi avec l'un des deux gamins.

En y réfléchissant bien, ça aurait été le scénario écrit de l'un d'eux que j'aurai adopté et pas le mien à proprement parler. Ça aurait été lui l'écrivain et moi je n'aurai été qu'un simple correcteur. Je n'arrivais même pas à trouver de base, qu'est-ce qui me disait que j'aurai pu le guider correctement dans son écriture le moment venu ?

J'avais assez pensé à ce maudit livre. Il était temps que je relâche la pression et que je me tire du maudit bureau qui était le mien.
J'avais quitté la maison Belaire aux alentours de dix-neuf heures.