33 - Comme on se retrouve

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Alex : Hey Lynna, changement de programme...

Mes doigts se figent sur l'écran, tandis que ma tête embrouillée subit un soudain manque d'inspiration.

Alex : ... Je dois prendre un vol d'urgence ce soir, Pablo m'a dit que je bossais demain midi.

Et il ne m'aurait prévenu qu'à vingt-trois heures ? Mouais, très peu crédible. Pablo a certes un côté sans gêne et sadique, il ne faut pas exagérer.

Après deux nouvelles minutes d'intenses réflexion, je tente :

Alex : ... Une intoxication alimentaire me tord les boyaux depuis une heure. Je vais devoir rester à l'hôtel ce soir, sorry :(

C'est bien ça, le coup de l'intoxication alimentaire. C'est un classique. Et ma foi, cette excuse est peut-être prémonitoire, vu l'hygiène douteuse du fast-food dans lequel j'ai posé mes fesses un peu plus tôt dans la soirée...

Tu parles.

Là il ne s'agit pas d'une personne random que je pourrais corrompre de n'importe quelle façon, mais bien de ma meilleure amie – celle qui me connait comme sa poche et qui va, de ce fait, capter en un quart de seconde qu'il ne s'agit que d'un tissu de mensonge. Un mensonge qui ne veut dire qu'une seule chose : je suis une dégonflée qui panique à l'idée de me retrouver en face de mon ex après six ans de séparation. Et c'est justement parce que je déteste passer pour une dégonflée que j'ai accepté sa proposition de sortie à quatre. Ça, et aussi parce que ma « curiosité » était bien trop grande pour que je laisse passer cette occasion...

Il y a presque deux mois, en même temps que l'Amérique toute entière, j'ai appris que Ian était sorti de prison. Je pouvais difficilement passer à côté de la nouvelle, sa libération a fait la une des médias en ligne durant deux jours. Le soir-même, j'ai eu Lynna au téléphone. Elle m'a avouée dans la foulée être au courant de sa sortie prématurée depuis déjà quelques semaines, via Elliot. Forcément. Je lui en ai pas voulu de me l'avoir caché, j'ai tout fait pour éviter ce sujet ces six dernières années.

Un manège que j'ai brillamment continué jusqu'à cette après-midi.

— Vous rentrez, oui ou non ? finit par s'impatienter le videur en face de moi.

Je jette un œil nerveux à la foule qui m'entoure, à ce mec baraqué comme un gorille qui me juge depuis son bon mètre quatre-vingt-dix. Je reconsidère la situation, une seconde, deux secondes, avant de laisser tomber mon semblant de texto et de franchir d'un pas conquérant l'entrée du bar.

Je ne suis pas une dégonflée.

— Le bar est dans le fond de la salle, près de la sono. Il y a une promo sur toutes les bières le samedi soir, n'oublie pas de garder ton gobelet si tu veux récupérer ta consigne en fin de soirée ! Ah ! Et ne pense même pas à te faire un business en récupérant tous les gobelets qui trainent au sol, on a des yeux partout, m'indique un membre du staff dans les oreilles à peine ai-je posé un pas à l'intérieur.

Je me retiens de balancer au grand bouclé que je traîne ici depuis mes quinze ans – qui plus est que je suis loin d'être une débutante, et m'en vais en direction des pistes. Pour sa gouverne, ça fait une éternité que je n'ai pas été dans ce genre d'endroit, excepté pour le travail.

Il y a du monde ce soir, bien plus que dans mon souvenir. La chaleur est étouffante, si bien que je n'attends pas une seconde de plus pour quitter ma veste en cuir, révélant un simple débardeur noir par-dessus un Blue jean serré. J'attache à la va-vite mes longs cheveux blonds en une queue-de-cheval haute, le tout en slalomant parmi les autres clients déchaînés. Il me faut moins d'une minute pour repérer mes deux tourtereaux dans un carré VIP, dans un coin du hangar. Sans grande surprise, une multitude de verres vides zonent déjà sur la table et Lynna est à moitié avachie sur Elliot. Déjà. C'était prévisible, ma meilleure amie n'a pas une seule fois tenté de me contacter alors que j'ai presque une heure de retard. Et dire que je me prenais la tête pour trouver une excuse... Je paris qu'ils ne s'en seraient même pas rendu compte si je leur avais posé un lapin.

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