34 - Vamos a Cuba

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Quelque chose vibre au loin. Mon portable, je crois.

Je l'entends, mais je ne m'en préoccupe pas. Qui que ce soit peut aller se faire foutre, même s'il s'agit de Maria. Surtout s'il s'agit de Maria.

Je suis bien là, emmitouflée dans ma couette sur le matelas que j'ai chiné la semaine dernière, bizarrement hyper confortable. J'ai enfin l'impression de me détendre, après toutes ces heures d'insomnies. Je lâche prise, sans me poser plus de questio...

Minute. Depuis combien de temps mon portable vibre-t-il au juste ?

Merde.

Mes paupières s'ouvrent subitement en réalisant l'horreur de la situation. Les vibrations n'étaient pas l'œuvre d'un appel, mais celles d'un réveil. Parce que je bosse ce soir. Donc j'ai mis un réveil, pour pouvoir me lever à temps et ne pas subir les foudres de mon patron démoniaque. Un réveil que je n'écoute pas depuis Dieu seul sait combien de temps...

Merde de merde de merde !

Mon havre de paix définitivement brisée, je saute de mon lit et enfile à toute vitesse un short en jean et un tee-shirt oversize blanc – ma tenue de prédilection, ici, à Cuba. Après m'être débattue dix bonnes secondes avec mes chaussettes, je traverse à grandes enjambées mes affaires sales et autres bricoles qui trainent sur le sol de mon micro appartement, et le quitte, mon cœur courant un marathon dans ma poitrine.

Quelle crétine. J'aurais dû m'en douter ! Maria est terriblement casse-couille mais il ne faut pas abuser.

A moins que...

— Hé ! entends-je crier dans mon dos en dévalant les escaliers.

Quand on parle du loup.

— Dites-donc, va peut-être falloir penser à payer le loyer un jour ! Vous avez presque deux semaines de retard !

— Demain, promis ! répliqué-je dans un espagnol approximatif.

Je continue de m'éloigner, ignorant volontairement ses menaces d'huissiers et autres genres, jusqu'à complètement sortir de la résidence. Cette fuite va probablement me coûter chère mais je ne peux m'occuper que d'un problème à la fois. Et d'un démons.

Je cours dans La Havane, comme si ma vie en dépendait ; slalome entre les palmiers, les voitures typique des années cinquante et les vacanciers qui reviennent de la plage. A l'angle d'une ruelle touristique se trouve un bar à la bâtisse bleu clair, appartenant à Pablo Hernández – un promoteur et restaurateur cubain pure souche qui... ne me virera pas aujourd'hui.

Je jette un œil à mon portable. 17h58. La vache. A ce stade, c'est un sacré miracle.

— T'as failli être en retard, m'attaque-t-il d'entrée de son accent hispanique, les bras croisés contre sa poitrine.

— Failli.

Ma répartie fait ricaner Diego, au loin. Pablo le fait taire d'un seul regard assassin et je profite de son silence inespéré pour filer dans les vestiaires. C'est que je tiens un minimum à mon job, quand même.

— T'aimes décidément beaucoup trop t'attirer des ennuis, toi, m'intime Diego alors que je passe à côté de lui.

J'ignore ses doigts enroulée autour de mon poignet et rétorque, en haussant mes épaules :

— De quels ennuis tu parles ? Je suis pile à l'heure.

Diego sourit et me suit du regard tandis que j'entre dans les vestiaires chercher mon tablier. Pendant que je le relie autour de ma taille, je check une dernière fois mon portable avant mon entrée dans le service. Je découvre sans grande surprise avoir reçu un message lorsque j'étais en train de perdre mes poumons quelques mètres plus loin.

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