12 - Retrouvaille

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En média : Do what you gotta do - Dove Cameron & Cheyenne Jackson (j'étais obligé dsl)

* * *

J'ai souvent rêvé de cet instant, lorsque j'étais petite. Mes retrouvailles avec mon père. A mes neuf ans, il apparaissait dans mon esprit endormi trois à quatre fois par semaine. Et ça ne manquait pas : je me réveillais constamment avec le sourire aux lèvres, sa simple présence me rendait heureuse, même si il ne s'agissait que d'un mirage. Au fil des années ce rêve a finit par s'estomper, mais il est pourtant resté intact dans ma mémoire : j'étais là, dans notre ancienne maison de Brooklyn, modeste comme elle l'a toujours été mais... ce matin là il y avait quelque chose en plus, comme une aura différente. J'ai compris de quoi il s'agissait dès que mes yeux fatigués ont aperçues cette carrure en bas des escaliers. Mon père était là, de retours après des mois d'absence, des années de vie commune sans communication ni tendresse. Il était là et... je n'avais jamais vu un aussi grand et beau sourire sur son visage. Je me suis approché, lui aussi et ces quelques mots ont alors jaillis de sa bouche : « Je suis de retour à la maison », et il n'en fallait pas plus pour que je tombe dans ses bras.

Sauf que là ce n'est plus un rêve, c'est la réalité. Et putain, cette fois je suis incapable de faire quoi que ce soit.

Le silence nous surplomb tandis que je reste assisse là, en face de lui, mes yeux fixant sans relâche son buste tant je ne peux me résoudre à croiser son regard.

Après mon surplus d'émotion d'il y a dix minutes, c'est désormais le choc qui a envahit l'ensemble de mon être. Le choc qui rend stoïque, totalement muet et qui me fait royalement passer pour une conne. Sérieusement, de quoi dois-je avoir l'air à m'incruster si brutalement dans sa baraque après des années absences, pour finalement pourrir en mode zombie sur son canapé ? D'une folle, voilà tout. Tu parles d'une bonne impression.

D'un autre côté, lui non plus ne me facilite pas vraiment la tâche. J'ai cru, tout à l'heure, apercevoir de l'émotion dans son regard, comme si ma présence l'avait ému ou bien rendu heureux, je n'en sais rien. Et puis il y avait cette photo... Mais maintenant je ne suis plus sûr de rien. Après m'avoir détaillé durant trois bonnes minutes, celui-ci s'est contenté de m'inviter à s'asseoir dans son salon avant de m'imiter, silencieusement. Distant. C'est clair que nos retrouvailles étaient nettement plus chaleureuses dans mon rêve, mais bon, ce n'est pas pour rien que nous appelons justement ça des rêves.

Fais un petit effort Alex, brise la glace.

Après tout nous partageons les mêmes gênes, le même sang, il est donc évident que nous ayons plus ou moins le même fonctionnement vis-à-vis de nos émotions, pas vrai ? Ca ne veut rien dire.

Déterminer à ne pas regretter mon comportement pour les dix prochaines années à venir, je prends mon courage à deux mains et m'autorise à lui jeter un regard.

Lui aussi m'observe, attentivement, comme si il tentait de décrypter cette mystérieuse énigme que je représente à présent. Ses yeux remontent le long de mon visage et nos regards se croisent le temps d'une seconde. D'une toute petite seconde. Un temps record pour me plonger de nouveau dans une drôle d'émotion totalement incontrôlable. Je crois que je n'arriverai jamais à m'habituer à cette situation.

Seulement ce n'est rien comparé à lui qui semble extrêmement... tendue ? Bien plus que je ne le suis. Je pourrai sentir d'ici sa difficulté à contrôler sa respiration, et ses mains qui ne cessent de trembler... Est-ce ma présence qui le propulse dans cet état de nervosité extrême ? Ou bien est-ce plutôt...

L'une de ses mains interrompant brusquement les tremblements continus de l'autre m'indique que j'ai vu juste sur la deuxième option : il est en manque. Et il sait maintenant que je l'ai remarqué, ce qui rend cet instant d'autant plus gênant. Merde.

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